Nicolas Dupont-Aignan, futur Premier ministre de Marine Le Pen ?

par Vera Mikhaïlichenko
samedi 29 avril 2017

Invité du 20h de France 2, vendredi 28 avril 2017, le président-fondateur de Debout La France a annoncé qu'il soutenait Marine Le Pen en vue du second tour à l’élection présidentielle. Les deux parties se sont mises d’accord sur un « accord de gouvernement ». Quelques minutes plus tôt, sur BFM TV, Marine Le Pen avait annoncé qu'elle donnerait le nom de son Premier ministre avant le second tour. Tout porte à croire qu'elle annoncera le nom de Nicolas Dupont-Aignan à l'occasion du 1er mai.

« Je pense que la France est à la croisée des chemins, qu’elle a vécu cinq ans terribles avec François Hollande et qu’Emmanuel Macron en est un relent puissance 10. » Nicolas Dupont-Aignan, candidat Debout La France qui avait obtenu 4,70 % des voix au premier tour de l’élection présidentielle, a officialisé vendredi soir son ralliement à Marine Le Pen en vue du second tour.

« Nous avons beaucoup discuté cette semaine », a déclaré le candidat, assurant avoir « signé un accord de gouvernement (…) avec des ajouts de (son) programme présidentiel ». « Ce soir, j’annonce officiellement que je soutiendrai Marine Le Pen, que je ferai campagne avec elle sur un projet de gouvernement élargi », a-t-il donc poursuivi.

Interrogé sur de possibles contradictions avec sa propre ligne politique, Nicolas Dupont-Aignan a assuré ne pas voir de problème dans ce ralliement. « Je ne rejoins en rien l’extrême droite. Je suis gaulliste », a-t-il affirmé, ajoutant que Marine Le Pen n’était pas elle-même « d’extrême droite ». « Cette nouvelle alliance offre un horizon totalement nouveau dans la vie politique française », a-t-il conclu.

Défections et coups de poignards...

Suite à cette annonce, deux membres importants de DLF ont fait savoir qu'ils allaient quitter leurs fonctions au sein de ce mouvement, n'acceptant pas ce ralliement : Dominique Jamet, vice-président du parti, et Eric Anceau, jusque-là responsable du projet.

Nicolas Dupont-Aignan apporte son soutien à Marine Le Pen. Je quitte le parti de Dupont-Aignan.

— dominiquejamet (@dominiquejamet) 28 avril 2017

Je renonce ce jour à toutes mes fonctions au sein de @DLF_Officiel

— Eric Anceau (@Eric_Anceau) 28 avril 2017

Sur Twitter, NDA a reçu une volée de bois vert de la part de ses adversaires. Le député LR Dominique Bussereau a traité Dupont-Aignan de "vrai collabo" :

Soi disant gaulliste mais en réalité pétainiste @dupontaignan doit être battu aux législatives et dans sa commune Vrai collabo.

— Dominique Bussereau (@Dbussereau) 28 avril 2017

Le philosophe belliciste Bernard-Henri Lévy l'a qualifié de "pétainiste" :

#DupontAignan : ce prétendu gaulliste était en réalité un authentique pétainiste... Encore une digue qui tombe. #ContreLeFascismeJeVote

— Bernard-Henri Lévy (@BHL) 28 avril 2017

Valérie Pécresse a jugé qu'il avait perdu son honneur :

L'honneur perdu de Nicolas Dupont-Aignan... https://t.co/XZpeX2XqqS

— Valérie Pécresse (@vpecresse) 28 avril 2017

Christian Estrosi s'estime, quant à lui, du côté de la "résistance" face à l'extrême droite...

.@dupontaignan contrairement au Général de Gaulle n'a pas su dire non à l'extrême droite. Honte à lui. Restons du côté de la résistance

— Christian Estrosi (@cestrosi) 28 avril 2017

Nathalie Kosciusko-Morizet a traité NDA de "sous-marin du FN" :

Dupont-Aignan a affaibli la droite au 1er tour pour aider Marine le Pen. Le sous-marin du FN vient de faire surface.https://t.co/IuvF6oExX1

— N. Kosciusko-Morizet (@nk_m) 28 avril 2017

François Bayrou, enfin, a parlé d'une "immense honte", mettant en cause la qualité de gaulliste du député de l'Essonne :

Dupont-Aignan : qu'on ose se dire gaulliste en faisant un tel choix, immense honte !

— François Bayrou (@bayrou) 28 avril 2017

Le gaullisme trahi ?

Face à Laurent Delahousse, Nicolas Dupont-Aignan avait précédemment argué que l'esprit du gaullisme, c'était de s'opposer à une gouvernance qui prend ses ordres à la "corbeille" (c'est-à-dire à la Bourse).

D'ailleurs, Marie-France Garaud, gaulliste historique, a également apporté son soutien à Marine Le Pen. A-t-elle, elle aussi, trahi l'esprit du gaullisme ? Dans un entretien au Figaro, l'ex-conseillère de Georges Pompidou estime que la candidate frontiste est la seule à pouvoir rendre à la France sa souveraineté.

Selon elle, l'enjeu de cette présidentielle, c'est "la souveraineté française", c'est-à-dire "notre liberté". Elle considère qu'Emmanuel Macron n'a "pas de programme économique", et qu'il ne peut pas en avoir parce que "nous ne sommes plus qu'un territoire à l'intérieur de l'Union européenne. Il faut sortir de là le plus rapidement possible, quel qu'en soit le coût, car mieux vaut la liberté que l'esclavage." Elle va jusqu'à dire : "Nous assistons à une tentative de domestication des pays européens, nous sommes placés devant l'éventualité d'un IVe Reich."

Concernant Marine Le Pen, elle déclare :

"Nous avons échangé, jeudi, par téléphone. Aujourd'hui, elle est la seule candidate qui n'est pas pieds et poings liés devant les Allemands. Manifestement, elle est la seule à avoir le tempérament pour rétablir la souveraineté de la France. Elle a, je crois, le sens de l'État au point de préserver notre nation."

Si on l'accuse de faire le jeu de l'extrême droite, que répond-elle ?

"Quelle est la caractéristique de l'extrême droite aujourd'hui ? Je n'en vois aucune. Et qu'est-ce que représente le Front national en dehors de Marine Le Pen ? Les partis politiques ont une importance et une influence mineures. Les Français savent être plus rebelles que cela."

Marie-France Garaud n'a cependant pas l'intention de s'afficher aux côtés de Marine Le Pen.

VIDEO #MarineLePen : « Je suis très fière du soutien de Marie-France #Garaud, Grande Dame de la #souveraineté et de la défense de la France. » pic.twitter.com/XfLfanifa9

— fandetv ن (@fandetv) 28 avril 2017

Invité par LCI le 25 avril, Henri Guaino, lui aussi gaulliste, n'a certes pas pris parti pour Marine Le Pen, mais s’est cependant violemment opposé au projet d’Emmanuel Macron :

Jamais personne ne me fera voter pour Emmanuel Macron. Je suis en désaccord avec tout, je me bats depuis des années en politique contre ce qu’il incarne, contre ce qu’il représente, contre ce qu’il fait.”

L’élu LR a rejeté le procès en fascisme que l'on fait souvent au Front national :

“Va-t-on encore passer toute l’élection du second tour dans la lutte contre le fascisme ? Vous avez vu des fascistes quelque part dans cette histoire ? Si on arrêtait de caricaturer ? Si on arrêtait d’éluder encore une fois tous les débats en dressant le monstre répulsif du fascisme sous les yeux des électeurs ? Si ça avait été Mélenchon, ça aurait été le bolchevisme ?”

Le 26 avril, sur Europe 1, il a déclaré : "Tout ce que dit monsieur Macron va à l’encontre de tous mes engagements politiques. Tout ce que dit Monsieur Macron !", considérant même que l’arrivée de l’ancien protégé de François Hollande pourrait être encore plus dangereuse pour le pays que celle de Marine Le Pen :

"Je me demande si le danger de monsieur Macron n’est pas pire, parce que c’est une imposture. Au moins les gens qui votent pour Marine Le Pen savent pour qui ils votent, ils prennent leur responsabilité. […] Quand les gens se rendront compte de cette imposture, alors ce sera encore plus terrible qu'aujourd’hui."

Vers une nouvelle défaite du souverainisme ?

Certains ont beau jeu de rappeler à présent les déclarations critiques de Nicolas Dupont-Aignan sur Marine Le Pen, comme on a pu d'ailleurs récemment rappeler celles de François Bayrou envers Emmanuel Macron, qu'il a pourtant rallié.

Interrogé en septembre dernier sur BFM TV, Bayrou s‘était alors dit « sceptique » face à « l'hologramme » Macron. « Il y a là une tentative qui a déjà été faite plusieurs fois par plusieurs grands intérêts financiers et autres, qui ne se contentent pas d'avoir le pouvoir économique, mais qui veulent avoir le pouvoir politique », jugeait-il. Et le maire de Pau de déplorer : « On a déjà essayé plusieurs fois… On a déjà essayé en 2007 avec Nicolas Sarkozy, et ça n'a pas très bien marché. On a essayé en 2012 avec Dominique Strauss-Kahn… Et ce sont les mêmes forces qui veulent réussir avec Macron ce qu'elles ont raté avec Strauss-Kahn ». Ce qui avait inspiré à Bayrou cette saillie assassine : « Il y a la séparation de l'Église et de l'État. Moi je suis pour la séparation de l'État et de l'argent ».

Au fond, le duel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen renvoie à l'affrontement de 2005, entre la France du "Oui" et celle du "Non" au Traité constitutionnel européen (Jean Quatremer, journaliste à Libération, ne croit pas si bien dire...).

Donc @JLMelenchon qui refuse de se rallier à Macron et @dupontaignan qui se rallie à @MLP_officiel : l'europhobie comme marqueur identitaire

— Jean Quatremer (@quatremer) 28 avril 2017

Mais alors que le camp de "Oui", même minoritaire, parvient toujours à s'unir quand il le faut (pour gagner), celui du "Non", même majoritaire, perd toujours, incapable de surmonter ses divisions, entre la droite et la gauche. En cause, bien sûr : la présence du Front national, qui se trouve être, qu'on le déplore ou non, la principale force du "Non". Ni Mélenchon, ni Dupont-Aignan (sans parler d'Asselineau) n'ont réussi à prendre ce leadership.

On sait que Dupont-Aignan appelle de ses voeux depuis longtemps une grande union des souverainistes de droite et de gauche, qu'il aurait présidée, étant le plus consensuel de tous (ni d'extrême gauche, ni d'extrême droite, mais gaulliste humaniste) ; mais cette union a toujours été refusée par Mélenchon. Quant à Chevènement, il y aurait été prêt, mais sans inclure le Front national. Alors, de deux choses l'une : soit les souverainistes parviennent à surmonter leurs querelles (en faisant chacun des concessions) et ils gagnent, soit ils attendent le déclin du Front national pour qu'une force plus consensuelle puisse prendre la tête de cette union, mais ils risquent d'attendre longtemps.

Dans un article récent, Jacques Sapir notait pourtant que les souverainistes étaient pratiquement majoritaires dans cette élection présidentielle de 2017 :

"On constate que les différents programmes souverainistes, qui étaient portés par 5 candidats, ont réalisé pratiquement 47% des suffrages. (...) C’est un résultat important. En fait, on peut penser que certains parmi les électeurs de François Fillon partagent ces idées souverainistes, ce qui laisse à penser que l’on est probablement à 50% voire au-dessus."

Une semaine décisive

Nicolas Dupont-Aignan n'a jamais choisi la facilité : il aurait pu jadis rester planqué à l'UMP, tout en n'en partageant pas la ligne (un peu comme Henri Guaino) ; aujourd'hui, il aurait pu faire comme Lassalle, Asselineau ou Mélenchon, n'appeler à voter pour personne, en attendant tranquillement la défaite de ses idées. Pour son avenir, c'eût été mieux. Son parti va sans doute se scinder, voire imploser. Ses électeurs à Yerres risquent de lui faire payer son choix aux prochaines élections municipales. Sa seule chance de sortir gagnant de son engagement dans la campagne de second tour de Marine Le Pen, c'est de gagner l'élection. Ce qui reste, à l'heure qu'il est, très improbable.

Personne, ou presque, ne souhaite laisser les clés de la maison France à la famille Le Pen et au Front national. Tout l'enjeu de la semaine qui vient sera de savoir si, dans le sillage de NDA, d'autres personnalités modérées, issues de LR, voire de la gauche souverainiste, rejoindront Marine Le Pen, et pourront nous laisser envisager un gouvernement d'union nationale, où Marine Le Pen ne présiderait pas un gouvernement FN, que personne ne veut, mais un gouvernement pluriel, dont le Premier ministre serait NDA. A cette seule condition, une victoire le 7 mai prochain sera envisageable.

En attendant, même s'il a peut-être hypothéqué la suite de sa carrière politique, Nicolas Dupont-Aignan a montré hier soir qu'il en avait...

La taille de mes couilles ? pic.twitter.com/zxP5HGnR7Q

— Hérisson Dissident ن (@Herissident) 28 avril 2017


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