Nicolas Sarkozy élu : braquage à l’italienne
par Thomas Guénolé
lundi 7 mai 2007
Comparons la situation du vainqueur présent en France avec celle d’un vainqueur passé, de l’autre côté des Alpes : Silvio Berlusconi. Puis déduisons-en ce que pourrait être 2012.
Nicolas Sarkozy a remporté cette élection présidentielle. Il l’a fait en rassemblant massivement sur son nom les voix de la droite, de l’extrême droite, et du centre-droit. Il l’a fait en s’appuyant sur un programme qui combinait, d’une part, un libéralisme économique et social assumé, et d’autre part, la réhabilitation des valeurs morales traditionnelles de la droite. Il a par ailleurs bénéficié, objectivement, du soutien de fait de la majorité des médias du pays.
Il y a de cela quelques années, Silvio Berlusconi remporta les élections législatives italiennes. Il le fit en rassemblant massivement sur son nom les voix de la droite, de l’extrême droite, et du centre-droit. Il le fit en s’appuyant sur un programme qui combinait, d’une part, un libéralisme économique et social assumé, et d’autre part, la réhabilitation des valeurs morales traditionnelles de la droite. Il bénéficia par ailleurs, objectivement, du soutien de fait de la majorité des médias du pays.
Je n’ignore pas que faire ce parallèle peut sembler choquant ou excessif en première lecture. J’ajoute donc immédiatement une différence majeure entre Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi : le président du Conseil italien était lui-même propriétaire de l’essentiel des médias soutenant sa campagne. Pour le reste, je maintiens le parallèle, aussi bien sur la stratégie employée pour gagner que sur des aspects plus secondaires, comme par exemple leur goût commun pour les déclarations provocantes attirant sur eux l’attention médiatique.
Une fois ce parallèle posé, déduisons-en un essai de prédiction sur ce dont accouchera le mandat de Nicolas Sarkozy.
Pendant cinq années, le gouvernement de Silvio Berlusconi appliqua sa politique économique et sociale avec détermination, sans laisser de place pour la négociation ou le compromis. Il en résulta pour ce gouvernement, en bonne logique, un soutien sans faille du socle dur de l’électorat qui l’avait porté au pouvoir. Et il en résulta, dans le même mouvement, un rejet progressif et de plus en plus marqué de la politique de ce gouvernement par tout ce qui n’était pas partie prenante de ce socle dur. La législature berlusconienne trouva donc son épilogue dans un combat électoral acharné et très serré entre, d’un côté, le socle dur de l’électorat de ce gouvernement, et de l’autre, une coalition hétéroclite allant du centre jusqu’à l’extrême-gauche. Une coalition arc-en-ciel, pour ne pas dire bordélique, qui n’avait pu voir le jour que grâce au rejet de la politique de Silvio Berlusconi en guise de puissant ciment unificateur. In fine, la victoire se joua aux points, et fut remportée par la coalition arc-en-ciel de Romano Prodi.
Déduisons-en un scénario « à l’italienne » pour le mandat de notre nouveau président.
Le gouvernement de Nicolas Sarkozy appliquera sa politique économique et sociale avec détermination, sans laisser de place pour la négociation ou le compromis. Il en résultera pour ce gouvernement, en bonne logique, un soutien sans faille du socle dur de l’électorat qui l’a porté ce soir au pouvoir. Et il en résultera, dans le même mouvement, un rejet progressif et de plus en plus marqué de la politique de ce gouvernement par tout ce qui n’est pas partie prenante de ce socle dur. Ainsi, dans cinq ans, la présidence sarkozienne trouvera son épilogue dans un combat électoral acharné et très serré entre, d’un côté, le socle dur de l’électorat de ce gouvernement, et de l’autre, une coalition hétéroclite allant du centre à l’extrême gauche. Une coalition arc-en-ciel, pour ne pas dire bordélique, qui n’aura pu voir le jour que grâce au rejet de la politique de Nicolas Sarkozy en guise de puissant ciment unificateur.
Reste à savoir si le combat aux points sera alors remporté par le camp des sortants, ou par la coalition arc-en-ciel de rejet. Reste à savoir également qui reprendra, pour la version française de cette commedia dell’arte, le rôle tenu en Italie par Romano Prodi.
Thomas Guénolé