Nicolas Sarkozy en quête de solutions en vue du remaniement ministériel

par Lsquas
mercredi 8 septembre 2010

L’heure n’est plus à la franche rigolade pour l’Elysée, il y a même urgence. Après un été extrêmement mouvementé, le gouvernement est plongé dans la plus grave crise politique depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007. En cause, l’affaire Woerth-Bettencourt, la réforme des retraites, la question des Roms et les réformes budgétaires impopulaires. Comptant sur ses deux dernières années de mandat pour se relancer, le président de la République est pourtant menacé comme jamais, par un Parti Socialiste déjà en marche forcée vers les présidentielles de 2012. Le prochain remanient s’inscrit donc comme une étape décisive pour espérer relancer la majorité présidentielle.

En premier lieu, le constat, dur : la popularité du chef de l’Etat est au plus faible, autour de 32% tandis que l’opposition est confortée. Pire, pour la première fois depuis Ségolène Royal en 2006, la gauche est donnée gagnante au second tour d’une présidentielle par les sondages. Cette dernière ayant lieu dans 18 mois seulement, le son tapageur du clairon semble sonner au 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré. Pour le locataire du palais de l’Élysée, l’heure est donc à l’action, concept fondateur semble-t’il du sarkozysme primitif.

En effet, même au fond du trou, Nicolas Sarkozy a l’avantage de « jouer à domicile », et a encore de belles cartes dans son jeu : la dissolution de l’assemblée nationale comme as de trèfle, le changement de premier ministre comme roi de coeur, et le remanient ministériel comme dame de pique. Cette dernière carte, trop souvent usitée, semble insuffisamment puissante pour combattre la crise. Écoutant son cœur et ayant foi en l’âme des cartes, à l’instar notre oublié Yûgi Mutô qui réalise actuellement sa traversée du désert, Nicolas Sarkozy devrait choisir les deux dernières cartes, préférant garder la dissolution de côté, jugée comme superflue et même risquée lorsque le gouvernement dispose déjà de parlementaires soumis à un degré proche de celui du speakerin du Conseil européen, Mr Barroso.

Un changement de premier ministre nécessaire

Comme tout le monde l’a remarqué, un classique remaniement bidesque serait du plus mauvais effet pour la présidence. En effet, les politologues tel François Bachy n’ont de cesse de le souligner : l’UMP ne dispose plus d’une réserve de voix suffisante pour envisager sereinement une élection à deux tours, ne serais-ce que locale, le parti présidentiel ayant récemment essuyé d’importants revers dans des élections partielles. Pour l’UMP, l’heure n’est plus au choix : il faut trouver un partenaire crédible pour les prochaines élections. Seul le Front National a survécu au ménage fait par Nicolas Sarkozy à droite. Partenaire infréquentable assure t’on du côté des héritiers du gaullisme, qui se contentera d’une politique sécuritaire éventuellement convaincante sur la forme. Et c’est tout. Pas d’autre partenaire. Le Nouveau Centre est toujours aussi anonyme, les radicaux sont comme la main invisible d’Adam Smith : invisibles justement, mais aussi carrément inexistants. La Gauche Moderne ? A condition qu’elle existe toujours. En bref, à défaut d’avoir des partenaires, l’UMP va devoir en fabriquer. Car c’est bien là tout le problème, dans sa précipitation qui lui est naturelle, Nicolas Sarkozy a voulu détruire le centre à la hâte, voyant le danger. Cette stratégie, apparue comme clairvoyante n’a pourtant pas été gérée correctement, puisque le Nouveau Centre est trop faible pour soutenir la comparaison avec l’UDF d’autre fois. Pour 2012, Nicolas Sarkozy va donc devoir renforcer le Nouveau Centre s’il veut disposer d’une réserve de voix crédible.

Le recentrage comme seule échappatoire

Le remaniement n’est cela dit pas la seule condition que Nicolas Sarkozy devra respecter pour disputer de manière crédible 2012. Il va lui falloir une légitimité. Le problème est qu’aujourd’hui, il n’en a pas. Sa stratégie était pourtant limpide : faire passer toutes les réformes impopulaires en début de mandat, être au fond du trou au bout de trois ans et se relever par la suite en engageant des réformes populaire comme, l’union civile pour les couples homosexuelles, le 10ème mois de bourses pour les étudiants... Pour sa ré-élection, le président de la République aurait ainsi pu faire valoir à la fois ses promesses de campagne tenues et des réformes populaires, et tout serait passé comme une lettre à La Poste. Hélas pour le chef de l’État, son programme était trop déconnecté de la réalité, tandis que ses action passées reposaient avant tout sur de l’illusion et des chiffres tronqués. Voyant la crise s’éterniser, ses difficultés empirer avec des affaires nauséabondes, Nicolas Sarkozy a cru bon de re-mobiliser son camp autour de thèmes porteurs, comme la sécurité. Ne pouvant faire valoir son mauvais bilan dans les banlieues, le président a cru bon de surfer sur des faits divers pour s’attaquer aux Roms, bien plus inoffensifs en réalité. Bien mal lui en a pris, puisque cette stratégie s’est retournée contre lui. Ne pouvant pas jouer sur les banlieues pour la raison évoquée plus tôt, le président de la République ne semble avoir que deux solutions : s’attaquer au capitalisme pour racoler l’électorat sensible au national-populisme, ou bien abdiquer dans la bataille à l’extrême-droite et se focaliser sur le centre. Cette dernière hypothèse semble davantage crédible pour plusieurs raisons : tout d’abord après la réforme des retraites, Nicolas Sarkozy a assuré qu’il allait effectuer un tournant majeur dans sa gouvernance. Cela semble confirmer le fait qu’après la retraite, Nicolas Sarkozy aura bouclé tous ses principaux chantiers (en apparence tout du moins.)

Une surprise à attendre pour le choix du premier-ministre

Claude Guéant l’a affirmé (avant de se rétracter) il y aura un probablement un changement de premier-ministre dans quelques semaines. Nicolas Sarkozy a souvent exprimé l’idée d’un quinquénat idéal, avec deux premier-mnistres. Le tout est de savoir qui sera le successeur de François Fillon. Deux noms reviennent avec insistance : Michèle Alliot-Marie et Jean-Louis Borloo. Pourtant ces deux noms sonnent comme ringards. En tout cas, leur choix ne symboliserait pas le changement, bien au contraire. Même si Jean-Louis Borloo est centriste et populaire, il n’apparaît pas comme un homme d’action, mais plutôt un habitué du portefeuille. Xavier Bertrand serait un bon candidat, mais trop UMP probablement, si l’objectif est de manifester un tournant dans la politique. Même chose pour Jean-François Copé (qui pense aussi à 2017) et Alain Juppé, même si ce dernier a pris ses distances, il n’apparaît pas comme un centriste, plutôt une sorte de gaulliste modéré. Laurent Wauquiez et Nathalie Kosciusko-Morizet pourraient constituer d’excellents choix, néanmoins le premier malgré son talent inné dans la communication semble trop anonyme, tandis que la seconde est dans le collimateur de Nicolas Sarkozy. Quand à l’inusable De Villiers, sa nomination relève davantage de la fiction, au regard de son passé.

Il reste donc deux noms pour Nicolas Sarkozy : Hervé Morin et François Bayrou.

Nous allons commencer par le second. Sa présence dans cette liste peut sembler farfelue, et pourtant, les deux ont à y gagner. François Bayrou a besoin de crédibilité, et de prouver à son électorat ou aux indécis qu’il est capable de gouverner la France et de prendre de bonnes décisions. Quand à Nicolas Sarkozy, une telle nomination provoquerait un séisme politique qui pourrait susciter un élan de confiance, comme en 2007. Il s’en suivrait des réformes populaires, et un ticket Sarkozy-Bayrou pourrait rafler la mise en 2012. Mais cette hypothèse se heurte à plusieurs problèmes de fond : tout d’abord, pour accepter, Bayrou exigera probablement beaucoup de concessions à Nicolas Sarkozy, notamment sur l’économie et les services publics. On voit mal l’ancien chef de file de l’UMP s’y plier. Et rien ne dit que le président du MoDem sera disposé à prendre de tels risques, compte tenu de sa conviction personnelle qu’il aura ses chances en 2012. Au final, même si cette solution serait arrangeante pour les deux, les conflits passés et les positionnements politiques rendent cette hypothèse de ticket Bayrou-Sarkozy peut probable.

L’autre solution semble risquée, mais beaucoup plus probable compte tenu de tout ce que nous avons abordé en précédent : une nomination d’Hervé Morin, actuel ministre de la défense, au poste de premier-ministre. Ce dernier et l’UMP seraient en réalité largement gagnants tous les deux. Pour Hervé Morin, celui-ci ne fera guère plus que 1% s’il se présente en 2012 : il a besoin de notoriété, d’expérience. De son côté, Nicolas Sarkozy a besoin d’insuffler un souffle nouveau à sa politique et, comme nous l’avons vu précédemment, de renforcer le Nouveau Centre pour avoir un partenaire digne de l’UDF. En nommant Hervé Morin premier-ministre, Nicolas Sarkozy aura l’opportunité de créer un mini-Balladur qui constituera une réserve de voix importante. Et si Morin se présente en 2012 ? Pas de problèmes, puisque la division au centre ne permettra pas à Hervé Morin de dépasser Sarkozy, et empêchera Bayrou de disposer pleinement de son électorat. Tout cela à condition bien sûr, de développer des idées nouvelles, d’incarner un certain changement. Car Hervé Morin a depuis très récemment marqué un certain recul vis-à-vis de la politique du gouvernement, une façon de s’en démarquer. Compte tenu de la soumission totale du Nouveau-Centre depuis sa création, il est fort probable que cette relative opposition bénéficie de l’accord de l’Élysée. Et on comprend pourquoi en envisageant l’hypothèse de Morin comme premier-ministre. Il incarnera l’ouverture, lavé de soupçons de soumission par le passé, depuis 2007, lui qui n’a jamais ou presque marqué son opposition. Mais mieux que s’opposer, Morin a proposé ! C’était Lundi, à Mots-Croisés, où il s’est livré à un étrange jeu de propositions. Tel un présidentiable, Hervé Morin a déballé son sac : internats d’excellence pour les jeunes en ZEP comme politique de sécurité aux cotés de la répression, politique de mobilisation positive pour s’opposer à la discrimination positive... etc... Bref, on se demande à quoi tout cela rime. Cela semble certes un peu gros, mais tout de même, quand on y réfléchit, Hervé Morin premier ministre, pourquoi ? Dans cet article, nous avons vu que finalement, le contexte s’y prêtait. Alors dans le fond pourquoi pas. Mais quoi qu’il arrive, rendez-vous en 2012 !

 

Sources utilisées pour cet article :

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/politique/20100906.OBS9483/sondage-la-popularite-de-l-executif-stagne-au-plus-bas.html

http://www.lexpress.fr/actualite/politique/nicolas-sarkozy-en-hausse-de-4-points-dans-un-sondage_916584.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Dixi%C3%A8me_circonscription_des_Yvelines


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