Nicolas Sarkozy, ou l’indécence du conférencier de Goldman Sachs

par Laurent Herblay
mercredi 5 juin 2013

Mais sur quelle planète vit Nicolas Sarkozy ? Comment l’ancien président de la République, seul président sortant battu avec Valéry Giscard d’Estaing, peut-il espérer une seconde être de nouveau élu en 2017 par les Français après avoir donné une conférence payée 100 000 dollars par Goldman Sachs  ?

 
Et il gagna beaucoup d’argent…
 
Beaucoup de journalistes avaient rapporté ces propos : après la politique, Nicolas Sarkozy voulait gagner de l’argent. Et après tout, c’est son droit, du moment qu’il paie ses impôts en France. Mais on peut trouver très indécentes les sommes déboursées par les multinationales pour faire parler quelques minutes d’anciens chefs de l’Etat ou de gouvernement. On peut aussi également se poser la question de l’éthique de dirigeants qui acceptent d’être rémunérés aussi largement par des multinationales qui étaient affectées par les décisions qu’ils prenaient quand ils étaient aux affaires.
 
Mais la plupart du temps, ce sont des dirigeants en retraite politique définitive qui donnent ces conférences. Or, ici, comme le rapporte le Monde, il semblerait que Nicolas Sarkozy envisage très sérieusement un retour en politique. Certes, il prend soin de dire « qu’il reviendrait ‘si l’on avait besoin de lui  » ou « qu’il reviendrait par devoir ». Mais pour qui se souvient de la période précédent l’annonce de sa candidature en 2012, il s’agit exactement de la même rhétorique. En outre, l’état désastreux de l’UMP après la guerre de l’automne dernier entre Copé et Fillon facilite son éventuel retour.
 
Malgré tout, il y a quelque chose qui cloche. Comment un homme politique un tant soit peu raisonnable (mais l’est-il seulement un minimum ?) peut-il imaginer que les Français voudront élire en 2017 un candidat qui aura amasser des fortunes pendant cinq ans à faire des discours parfois payés par les multinationales les plus honnies de la planète comme Goldman Sachs ? Comment peut-il imaginer une seconde que le candidat de la fameuse banque d’affaire étasunienne pourra réunir une majorité de Français au second tour, et même potentiellement passer le cap du premier tour ?
 
L’oligarchie décomplexée
 
En outre, dans le cas de Nicolas Sarkozy, empocher cent mille dollars de Goldman Sachs est encore plus indécent. En effet, l’ancien président avait sans doute été le dirigeant le plus critique à l’égard des excès du capitalisme, porté par les analyses et les mots d’Henri Guaino. Il avait promis de moraliser le capitalisme, avait soutenu que le temps du laisser-faire était fini, que les parasites fiscaux, c’était terminé. Le problème est que la dernière année a démontré qu’autant ses mots avaient été forts (et souvent justes), autant ses actes avaient été dérisoires, pour ne pas dire inexistants.
 
Les parasites fiscaux ont poursuivi leurs activités sans rien ne change après les mesurettes du G20 présidé par l’ancien président. Les rémunérations des banquiers sont toujours aussi indécentes, même si elles ont été légèrement écornéess par les aléas des marchés et les banques n’ont pas eu à subir les conséquences de la crise qu’elles ont largement provoquée. Du coup, il devient particulièrement gênant pour le chef de l’Etat d’être rémunéré par la banque qui symbolise toutes les dérives du système. Il est difficile de ne pas y voir une forme de gratification pour service rendu.
 
Bien sûr, il n’y a sans doute pas de liens directement attachés à cette somme, mais comment ne pas voir un conflit d’intérêts majeur entre l’activité politique et l’activité très lucrative de conférencier pour des entreprises hautement dépendantes des décisions de l’Etat. Si jamais Nicolas Sarkozy venait à se présenter (ce qui supposerait sans doute qu’il ne soit pas inquiété dans les nombreuses affaires où son nom est évoqué, notamment celle de l’arbitrage de Bernard Tapie), un soupçon bien légitime se porterait sur celui qui a accepté de toucher cent mille dollars de Goldman Sachs.
 
Comme il l’avait annoncé, Nicolas Sarkozy gagne de l’argent après la politique, bien plus qu’il ne pouvait le faire dans sa précédente fonction. Mais il est difficile de ne pas voir que ce faisant, il hypothèque sans doute définitivement toute possibilité de retour gagnant en politique. Tant mieux.

Lire l'article complet, et les commentaires