Oui Natacha Polony, l’avenir est au gaullisme social

par Laurent Herblay
mercredi 18 juin 2014

Il faut absolument lire l’excellente interview donnée par Natacha Polony au FigaroVox. D’abord, elle y dessine une ligne politique cohérente qui pourrait enfin bousculer le duopole de l’UMP et le PS et à laquelle j’adhère largement, mais elle y explique aussi pourquoi le FN est une impasse.

Le gaullisme social, une boussole pour l’avenir
 
Pour moi, le gaullisme représente la voie de sortie de crise pour notre pays, cette boussole qui ferait que pour une 3ème fois, l’homme qui a sauvé notre pays en 1940 puis en 1958, pourrait une nouvelle fois nous permettre de repartir sur de nouvelles et bonnes bases. Pour Natacha Polony, « cette aspiration politique à une forme de gaullisme social existe et pourrait même être majoritaire dans le pays, mais elle n'est pas incarnée pour l'instant  ». Longtemps, j’ai plutôt été hostile à l’ajout de l’adjectif « social » au gaullisme, pour deux raisons. En premier lieu, parce que pour moi, le gaullisme est forcément social parce qu’il se soucie de l’intérêt général et cherche à faire avancer tout le monde. Ensuite, parce que j’avais l’impression que ce qualificatif était trop marqué politiquement, et donc réducteur.
 
Mais aujourd’hui, face à un pouvoir « socialiste » qui joue son mandat sur une baisse forte des cotisations patronales pour diminuer le coût du travail, qui poursuit le processus délétère de destruction des services publics (la grève de la SNCF nous le rappelant bien) et qui a capitulé idéologiquement face à la droite la plus bête selon Paul Krugman, ce qualificatif prend du sens. Aujourd’hui, la défense des conquêtes sociales du passé est presque totalement abandonnée par le Parti Socialiste. Les gaullistes authentiques sont donc de facto les nouveaux porteurs de certaines espérances classées à gauche, à savoir le progrès social, la défense d’un équilibre entre le travail et le capital, le refus d’une société toujours plus inégale et instable, du fait d’une démission idéologique face au « laisser faire » et au « laisser passer », du refus de la nation, garante de la démocratie et de notre solidarité des autres partis.
 
Pour elle, le rapport à la mondialisation devrait être le nouveau fondement du clivage droite-gauche, entre « ceux qui sont favorables à l'extension d'un marché mondialisé et une mise en concurrence universelle et de l'autre les tenants d'une protection des citoyens par l'exercice de la souveraineté des peuples (…) Il doit également se redéfinir autour de la notion de progrès : avec d'un côté ceux qui voient dans l'histoire de l'Humanité celle d'une conquête permanente et infinie sur la nature et la tradition et ceux qui pensent que l'individu est confronté à ses limites  ». Ce faisant, elle prolonge la pensée de Jean-Claude Michéa, pour qui on reconnaît une personne de gauche au fait qu’elle est incapable de critiquer tout ce qui est nouveau. Le progrès, s’il est souvent porteur de bonnes choses, ne l’est pas forcément. Les farines animales, c’était aussi un progrès à une époque. On a vu où cela nous a mené, avec la vache folle…
 
L’impasse du Front National

Puis, la discussion dérive sur le FN, qui représente, pour beaucoup, cette alternative à la pensée néolibérale dominante. Dans une analyse que je partage volontiers, pour elle « les médias et les partis de gouvernement ont systématiquement et méthodiquement éradiqué toutes les dissidences en les assimilant au Front National pour les décrédibiliser. En cela, ils ont offert un boulevard à Marine le Pen en lui laissant le monopole de la contestation d'un système que tant de Français jugent étouffant et générateur de malheur et de pauvreté  ». Mais le FN ne trouve pas davantage grâce à ses yeux qu’aux miens pour trois raisons : le manque de crédibilité du virage idéologique, la persistance d’un fond xénophobe et la personnalité même de la nouvelle présidente. Une analyse à laquelle je souscris totalement.

Pour elle, « il est vrai que Marine Le Pen a siphonné le corpus idéologique de Jean-Pierre Chevènement ou Philippe Séguin. Sur le papier, cela peut sembler intéressant. Mais, j'ai du mal à comprendre comment des militants qui ont soutenu pendant tant d'années le « reaganisme » de Jean-Marie Le Pen peuvent aujourd'hui défendre exactement l'inverse. Comment des gens qui étaient anti-laïcs et refusaient la loi sur les signes religieux à l'école peuvent aujourd'hui proclamer leur amour pour la laïcité et l'école républicaine ? J'y vois une forme d'opportunisme et je me méfie des impostures derrière les postures ». Elle poursuit : « par ailleurs, il y a, non pas forcément chez les électeurs du FN, mais chez certains militants et soutiens, des gens chez qui la frustration a basculé dans la haine. Il suffit de surfer sur internet pour trouver dans certains propos un déferlement de violence qui me révulse ». Ou même de la part du président d’honneur
 
Elle conclut : « je ne connais pas Marine Le Pen et il est possible qu'elle soit sincère dans sa démarche (même si je crains qu'elle soit surtout représentante d'une génération de politiques, tels qu'on les voit aussi dans les autres partis, sans architecture idéologique et fonctionnant à l'opportunisme) mais il lui sera très difficile de se débarrasser de ses militants historiques. Et puis, en politique, on ne porte jusqu'au bout que les idées auxquelles on croit de toute son âme  ». Cela fait du bien de lire sous la plume d’une personne que j’apprécie beaucoup, une des figures de la pensée alternative, un jugement aussi bien structuré mais également aussi ferme sur le FN. Le salut de la France doit prendre un autre chemin car la voie offerte par ce parti, outre d’être incapable de rassembler une majorité, serait probablement une impasse de plus, certes différente sur bien des points, mais pas moins une impasse.
 
Un grand merci à Natacha Polony pour cette belle tribune. Non seulement elle montre que la voie de la nation n’est pas forcément rabougrie ou haineuse, mais aussi que celle-ci repose au contraire sur l’écoute de ce que nous sommes et une prudence à l’égard de la dictature de la modernité.
 
Lire aussi un papier d’il y a deux ans : « Pour gagner, l’alternative devra être centrale  »

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