Pécresse où l’île de la tentation

par Michel Servin
jeudi 26 février 2009

Entre 20 et 40 000 euros de primes fixées par décret, c’est ce que propose Mme Pécresse aux présidents d’université pour les récompenser d’accepter la LRU
Pendant que le grand chercheur de droite Jean Robert Pitt glose sur France Inter sur des questions essentielles de gastronomie, les enseignants chercheurs poursuivent le mouvement de contestation et demandent toujours le retrait de la LRU. Signe des temps, et parce que le professeur Pitt ne pourra faire progresser à lui tout seul la recherche française, François Fillon vient de demander à Mme Pécresse de revoir entièrement sa copie.
On applaudirait presque cette information, si une autre ne venait troubler le jeu du gouvernement. En effet, alors même que la LRU prévoit la réduction des effectifs de chercheurs (selon l’équation paradoxale moins de chercheurs=plus de recherche), Mme Pécresse propose soudain de valoriser la prime des présidents d’université. Ils se verraient ainsi attribuer par décret une somme comprise entre 20 et 40 000 euros, soit l’équivalent de deux salaires d’enseignants chercheurs…
Manœuvre de diversion ou coup de poker de la part du gouvernement ?
Il faut savoir qu’en plus d’une décharge de cours et de recherche, les présidents d’université disposent déjà d’une prime de direction de l’ordre de 10 à 15 000 euros par an. De fait, la totalité de leur salaire est consacrée à la direction de l’université. En outre, ils disposent d’un avantage de carrière qui permet par exemple à un maître de conférences de devenir professeur d’université sans avoir publié. Cette mesure est évidemment compensatoire puisqu’un président occupe tout son temps à la gestion de son établissement et ne peut donc le consacrer à la recherche. On notera au passage que confier la gestion d’une université à un chercheur est un véritable gaspillage de compétences, dans la mesure où un administrateur civil ferait parfaitement l’affaire.
En proposant de fixer par décret une telle prime, Mme Pécresse oublie de préciser qu’elle sera évidemment puisée sur le budget de l’université autonome, aux dépens d’un à deux postes d’enseignants chercheurs titulaires. Voilà donc une autonomie à deux vitesses sur laquelle on peut s’interroger.
Diviser pour mieux régner
Cette proposition n’est pas un cas isolé : alors même que la réforme de la fonction publique vise la réduction de la masse salariale des petits fonctionnaires (les nantis improductifs), le gouvernement augmente les hauts fonctionnaires (chargés de faire appliquer les réformes) qui bénéficient déjà de bien des avantages, appartements et voitures de fonction compris… Sur cette stratégie, les médias sont restés assez discrets, excepté lorsque l’ambassadeur de France aux Etats-Unis a décliné cette augmentation.
Les présidents d’université cèderont-ils à la tentation ? Ce serait oublier qu’ils ne sont justement pas hauts fonctionnaires, mais de simples enseignants chercheurs élus par leurs pairs, et qui à l’issue de leur mandat, rejoindront leurs collègues au fond de ce qui restera de leur laboratoire…

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