Perspectives d’avenir...

par Brady
mercredi 23 août 2006

Ségolène Royal aurait-elle déjà gagné la primaire PS, voire la présidentielle au vu des sondages ? Chic, on peut donc passer à la phase suivante après les désirs d’avenir : les perspectives.

Il ne faut pas oublier ce voeu pieux qu’avait fait François Hollande dans un "100 minutes pour convaincre" le lendemain des Régionales de 2004, lançant le concept de "gauche durable." En effet, le premier secrétaire du PS insistait sur l’incapacité de la gauche à conserver le pouvoir une fois acquis en France, à l’inverse de l’Allemagne de Schröder (certes battu d’une courte tête entre temps) et de l’Angleterre de Tony Blair (qui multiplie les déboires aux élections locales mais qui va conclure tranquillement son 3e bail au 10 Downing street). A voir le repli sur la candidature de Ségolène Royal, on peut se demander si elle est partie pour incarner enfin cette "gauche durable."

Ségolène Royal présente un point commun avec l’ex-chancelier et l’actuel premier ministre : son âge relativement jeune. Ségolène Royal aura 54 ans en 2007, ce qui en fait la plus jeune des candidates à l’investiture PS. C’est l’âge qu’avait Gerhard Schröder quand il fut nommé chancelier pour la première fois, mais c’est 10 ans de plus que son conscrit Tony Blair quand il devint premier ministre. Naturellement, on a plus de chance de durer quand on est jeune, Toutefois, rappelons que le projet socialiste défend, entre autres, le non-cumul des mandats dans le temps. A priori, ce n’est pas parce que Ségolène Royal est jeune qu’elle enchaînerait forcément plusieurs mandats. Et si Ségolène Royal est la plus jeune, elle n’est guère plus jeune que certains de ses rivaux : DSK aura 58 ans en 2007, Laurent Fabius 61 ans. Seul Jack Lang (qui aura 68 ans en 2007) et Lionel Jospin (70 ans) semblent moins bien parti pour incarner un candidat capable de se faire élire en 2007, et de se représenter en 2012. Notons dans le camp d’en face que Nicolas Sarkozy n’aurait que 52 ans en 2007, il peut très bien réapparaître en 2012 en cas d’échec, ou signer pour un long bail en cas de réussite.


Or le problème est que le PS semble avoir laissé tomber la stratégie du long terme pour se focaliser sur le court terme. Actuellement, à l’instant, Ségolène Royal peut battre Sarkozy. On se moque de savoir si elle pourra le faire l’an prochain au moment venu, et encore moins si elle pourrait renouveler l’exploit en 2012. Et beaucoup se rallient sur son nom.

Seulement, il y a deux problèmes importants que les éléphants "ségolistes" PS semblent zapper...

Le premier, est que les sondages ne font pas une élection. Michel Rocard était bien plus populaire que Mitterrand en 1981. Raymond Barre était annoncé rapidement triomphateur en 1988. Edouard Balladur était donné grand gagnant en 1995. Et Lionel Jospin devait battre Chirac en 2002. Pourquoi les prédictions des oracles ne se sont-elles pas réalisées ? Peut-être parce que les Français sont "poulidoriens" et n’aiment pas les champions vainqueurs d’avance. Peut-être à cause de l’arrogance des vainqueurs annoncés qui ont commencé à se croire tout permis, se sentant invulnérables (ce fut notamment le cas de Jospin et de son fameux "vieux, usé, fatigué" à l’encontre de Chirac...). Peut-être à cause des média, qui ont gavé les Français à montrer toujours les mêmes. Sûrement aussi parce que les mécanismes qui font la popularité 6 mois avant un scrutin ne sont pas les mêmes que ceux qui jouent au moment de l’élection. Or, c’est le cas avec Ségolène Royal qui bénéficie actuellement du mécanisme du rejet des autres éléphants. Mais aura-t-elle la même côte de sympathie une fois l’étiquette "candidate officielle du PS" portée sur le dos ? En tête des sondages grâce au rejet des autres éléphants, le restera-t-elle avec leur soutien ? Et surtout, pourra-t-elle défier Nicolas Sarkozy en cas de débat télévisé ? Sur ce point, permettez-moi de douter un petit peu, Ségolène Royal n’étant guère convaincante dans cet exercice. Mal à l’aise face à Philippe Douste-Blazy lors d’un débat sur la réforme de la sécurité sociale, puis face à Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et Stéphane Pocrain lors d’un débat sur le referendum du 29 mai 2005, il y a un risque que Nicolas Sarkozy, vu les qualités d’orateur du personnage, la surclasse largement dans cet exercice. Nicolas Sarkozy qui semble moins craindre la menace Royal que la menace de deux meilleurs interlocuteurs que sont DSK et Fabius On peut être piètre orateur et gagner une élection (George W. Bush), mais on peut parfois perdre de précieux points dans l’exercice du débat (Angela Merkel et Romano Prodi...). Ceci dit, force est de reconnaître qu’en terme de discours, Ségolène Royal ne fait actuellement pas le moindre faux-pas...

... parce qu’elle prend très peu de risques. Or, c’est là le deuxième problème que je vois avec Ségolène Royal. Les risques qu’elle prend sont assez calculés. Elle a certes jeté un gros pavé dans la mare avec son discours sécuritaire de Bondy, cependant ce n’est pas vraiment sur ce genre de sujet que la gauche lui tiendra rigueur. Elle a pointé certaines faiblesses des 35 heures mais n’a pas proposé de grandes réformes en la matière. Au contraire même, après la période moderne où elle louait Tony Blair, elle la joue nostalgique en évoquant la filiation Mitterrandienne... Elle n’évoque rien en matière de fiscalité, le grand dada de la plupart de ses rivaux (même Jack Lang vient de sortir un livre sur "sa" réforme fiscale, un thème cher à Fabius et DSK). Rien sur les services publics. Rien sur l’emploi. Rien sur la relance de la croissance. Rien sur l’Europe. Remarquez, sur ce dernier sujet, on peut la comprendre, vu que l’Europe ne dépend pas que de la France... Mais le paradoxe est qu’en évitant (ou plutôt, en choisissant soigneusement) les sujets qui fâchent, Ségolène Royal se construit un comité de soutien pour le moins hétéroclite, allant du "blairiste" Jean-Marie Bockel à l’électron libre Arnaud Montebourg. Cette alliance peut-elle tenir en cas de victoire d’une candidate qui devra forcément choisir un camp sur tous les sujets controversés ? Alors que les "Strauss-Kahniens" et les "Fabiusiens" disposent d’un courant solide de militants et d’élus pour les soutenir de longue date, le "Ségolisme" est un courant récent qui ressemble davantage actuellement à une tour de Babel de personnalités attirées par elle. Pourquoi soutenez-vous Ségolène Royal ? Réponse de Vincent Peillon, entre autres : "Parce que c’est elle qui a le plus de chances de l’emporter ! " Ce n’est même pas une question d’affinité électorale qui définit le rapatriement d’éléphants PS autour de sa personne. Seulement, il ne faut pas oublier que pour des raisons de discordance, Oskar Lafontaine a quitté le SPD de Gerhard Schröder, Robin Cook a démissionné du gouvernement Blair. Le comité de soutien de Ségolène Royal peut-il se transformer en équipe de travail en cas de victoire ? Compte tenue du manque affinités sur les sujets qui fâchent entre Bockel, Montebourg, Peillon, Rebsamen (entre autres), on peut en douter un peu...

Dès lors, il ne s’agit pas de médire sur Ségolène Royal, mais nous sommes tellement abonnés en France aux champions des élections qui ont du mal à assumer leur victoire et les espoirs placés en eux que je prends pas mal de recul sur le phénomène Ségolène Royal. Peut-elle gagner ? Elle est assez fin stratège pour cela. Peut-elle durer ? Elle a l’âge qu’il faut pour, mais le problème vient de sa capacité à fédérer sur autre chose qu’un rejet et à gérer un comité de soutien hétéroclite. Or durer n’était-il pas il y a deux ans le leitmotiv de François Hollande ?


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