Petits candidats, petits journalistes et... Corinne Lepage

par Le Cas G
mardi 6 mars 2007

Petits candidats. Ne le niez pas, il vous arrive aussi de commettre cette petite bêtise. Une petite bêtise rhétorique qui semble quasiment gentille. Un peu condescendante. Lors de mon travail pour « La Télé Libre » sur les programmes des candidats à l’élection présidentielle, j’ai négligé les petits candidats. Puis quand j’ai eu le temps et l’occasion de me plonger dans les candidatures de Rachid Nekkaz, Nicolas Dupont-Aignan, Roland Castro, Yves Aubry, Zakaria Ben-Mlouka et autres inconnus du scrutin, j’ai poussé un soupir de soulagement et tout sentiment de culpabilité a quitté mon front transpirant : ils n’ont pas de programme ! Ou, s’ils en ont un, il est ridicule. Yves Aubry a plein de propositions, mais aucune n’est chiffrée et elles sont très peu expliquées. Yves-Marie Adeline (pour L’Alliance Royale), 12 pages ; Robert Baud a 10 propositions, toutes pour augmenter l’aide sociale, non chiffrées ; Zakaria Ben-Mlouka, « pour l’égalité des chances », 13 pages ; Christian Chavrier, « 100% fédéraliste » 2 pages, Soheib Bencheikh (Pour un idéal laïc) a des ’points de vue’ mais pas de programme ni de propositions...

Il y a trois types de petits candidats : certains ne se présentent que pour un point ou un thème particulier de la campagne : l’un royaliste, l’autre fédéraliste, l’autre pour le référendum d’initiative citoyenne... Pour eux, la présidentielle semble plus être un porte-voix supplémentaire, médiatique et politique pour leur cause que pour une candidature.

D’autres se présentent « hors clivage gauche-droite », et c’est ceux-là qui devraient avoir un programme généraliste, mais qui n’en ont pas, je le constate et regrette.

D’autres enfin proviennent d’une scission avec leur parti originel. Dès lors, les différences de leurs programmes sont très minces avec leur parti d’origine, alors bon...

Et puis il y a une exception.

Elle s’appelle Corinne Lepage.

Déjà, parce qu’elle a fait 1,88% en 2002, qu’elle a, a priori, ses signatures, qu’elle fut ministre et je passe sur d’autres expériences qui devraient l’inviter sur TF1 en prime time.

Mais surtout parce qu’elle a un programme et une équipe dignes d’une vraie candidature présidentielle.

Il n’empêche. Pas un seul article sur une actualité la concernant elle seule depuis plus d’un mois dans les quotidiens nationaux : elle est toujours présentée pour des sujets annexes, et en groupes, avec d’autres petits candidats. Côté audiovisuel, c’est simple, elle a moins d’audience que Nicolas Dupont-Aignan, que José Bové (qui, rappelez-moi, a quelle expérience politique ?), enfin, que tout le monde : elle est dernière. « Est-ce que c’est parce que je me bats contre Total, contre les OGM ? Est-ce que c’est parce que j’ai lancé une pétition pour soutenir le juge Van Ruymbecke ? [..] Tout se passe comme si un mot d’ordre avait été lancé » rappelle-t-elle, sans succès.

Bref.

Parlons du fond. Je ne vous ferai pas d’éloges sur son programme, allez voir si toutefois le coeur vous en dit.

En attendant en revanche de publier - si un quotidien national me laisse faire - un article de fond sur son programme, je vous fournis ici quelques informations qui m’ont largement manqué à la lecture du programme de CAP 21, sur le point de vue de l’international principalement.

Les industries de l’armement ? « Instaurer un contrôle international sur les ventes d’armes, notamment en arrêtant de donner des aides en formation militaire à des pays africains, serait un premier pas » m’explique, par téléphone, Hervé Naillon, conseiller de C.Lepage. « Ensuite, soumettre à l’Assemblée les décisions portant sur les ventes d’armes, en finir avec le domaine réservé du chef de l’Etât, bref de la démocratie dans ces décisions, suffirait aussi » à juguler des aberrations comme la situation du Tchad, que la France défend face aux incursions lybiennes faites avec des ... Mirage français vendus à Kadhafi.

Second porte-avions  ? Oui, mais européen, « peut-être dans le cadre d’un cercle plus restreint si besoin est, mais aussi une protection commune de nos réseaux de communication ». En fait, moi qui trouvais le projet trop léger sur le point de vue international, il est, comme ailleurs, pragmatique et ambitieux (centre-droite, je répète), et surtout inventif.

« Avec un projet européen concret, on peut gagner une plus grande indépendance envers les Etats-Unis, et cela est nécessaire, même au vu de notre statut spécial au sein de l’OTAN [...] D’ailleurs, concernant des affaires comme Guantanamo ou le transfert de prisonniers américains par des bases en Europe, nous saisirons les cours de droit international ».

Corinne Lepage m’a aussi répondu sur un sujet important pour écologistes et économistes ayant fouillé de près les rapports du GIEC - mais cette partie de l’interview a été coupée sur La Télé Libre, comme quoi, même là-bas, il ne faut pas trop rentrer dans les détails techniques, alors où peut-on le faire ? - il s’agit de l’instauration de nouveaux indicateurs de croissance. Effectivement le programme de CAP 21 stipule « l’indice de Bien-Être économique et l’indice de Progrès Véritable à côté du PIB ». Oui, mais encore, qu’est-ce que leur publication peut changer aux choses ? « Ce seront des objectifs donnés à toutes les instances de l’Etat » m’a-t-elle répondu. « C’est simple, vous créez des indicateurs comprenant des indices sociaux et environnementaux ; tous les niveaux de l’Etat gagneront à faire grimper cet indicateur. Et non pas faire grimper le taux de croissance du PIB comme on fait actuellement ». Une sorte d’objectif national.

Je n’appelle même pas ici au respect du pluralisme, de la démocratie, c’est une requête pragmatique. Après un travail de journaliste au sujet des programmes des candidats, je constate, après deux interviews, que Corinne Lepage a un programme digne de ce nom. Peut-on donc (s’il vous plaît) lui donner une représentation médiatique digne de ce nom ? Ou suis-je trop jeune pour accepter qu’une candidate en procès avec Bouygues ne peut pas obtenir quelques articles dans la presse et une invitation aux prime time de TF1, où même N.Dupont-Aignan fut invité  ? Allez savoir.

Gregory Kapustin


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