Peut-on désirer Bayrou ?

par Laurent Watrin
jeudi 8 février 2007

Tandis que la séduction est devenue un recours obsessionnel de la campagne électorale à l’UMP et au PS, le candidat du grand centre essaie de se faire désirer autrement. Et si ça marchait ?

Quoi qu’on pense de son projet politique, il y a chez Bayrou une certaine dignité qu’on ne trouve pas chez ses concurrents. L’homme a des principes, une certaine hauteur de vue, et une culture (qualité devenue assez rare dans les milieux politiques). Même s’il a le langage hésisant, parfois, François Bayrou respecte les mots, quand d’autres préfèrent les slogans. Et respecter les mots, en politique, ce n’est pas rien, car on est amené à pratiquer ces mots qui sont des "actes législatifs". Quant à l’hésitation, elle peut être aussi ce tâtonnement utile à la recherche du propos juste, quand les autres ont déjà tout préparé, remâché et répété comme des acteurs.

Respect et sincérite

Bayrou ne méprise pas le peuple, il fait appel à l’intelligence plutôt qu’à l’émotion. Il sait écouter. C’est ce qu’il montre au fil de ses rencontres actuellement. Il remet à l’honneur quelques valeurs fondatrices de la République. En somme, dans le bruit de fond médiatique de la campagne, François Bayrou se distingue. Ce mardi soir, sur Canal + , le candidat centriste a dit, en souriant, qu’il avait parfois le sentiment d’être plus à gauche que Ségolène Royal, quand il entendait la candidate du PS. Face aux questions répétitives des journalistes sur son positionnement au centre, Bayrou défend sa ligne. Pour lui, la gauche et la droite ont fait beaucoup de mal jusqu’à maintenant, et il faut en finir avec ce paysage coupé en deux. C’est peut-être un peu naïf. Mais c’est sincère. D’autant plus sincère que le candidat a reconnu qu’il avait été "longtemps conformiste... et peut-être que le ’formiste’ est de trop".

Bayrou ne triche pas

Les apparences d’une campagne sont trompeuses. On entend souvent dire que Bayrou manque de charisme. C’est le sentiment qu’on peut avoir, parfois, en le voyant à la télévision ou à la tribune. Mais dans la vraie vie, les gens qui le rencontrent constatent l’inverse. Autre défaut supposé : Bayrou ne serait pas assez « rentre-dedans ». Ce n’est pas tout à fait ce que disent ses proches. Il est même capable de colère. Comme tout le monde, en fait. Et pourquoi serait-il boxeur ou pitt-bull devant les caméras et les micros ? Pour amuser la galerie ? Pour jouer au méchant parce que le monde est laid ? Non, c’est inutile. Cet homme ne triche pas. Il cherche l’utile milieu, au risque d’attirer les moqueries. François Bayrou revendique fièrement ses origines béarnaises, quitte à froisser une élite parisienne, dont certains ténors prétendent qu’il n’est pas bon de « diviser » la géographie de la France, alors qu’eux-mêmes méprisent allégrement tout ce qui vit au-delà du périphérique.

L’envie et la raison

Bayrou a décidé de ne pas entrer dans le « jeu » médiatique. C’est un principe plus que respectable. Ne soyons pas béats : Bayrou aime le pouvoir, il le veut. Il est sans doute un peu mégalo, même s’il parle peu à la première personne, contrairement à d’autres... Mais, après tout, c’est assez normal qu’un candidat à la présidence de la République soit attiré par le pouvoir, non ?

L’intelligence de Bayrou, c’est de dire qu’on ne peut ni tout faire, ni tout promettre, mais qu’il y a des principes à suivre et des grandes orientations à prendre pour l’éducation, la formation, la réforme de l’Etat, et l’Europe. C’est une intelligence risquée : elle nous dit que le politique ne peut pas tout mais qu’il peut s’efforcer de faire. Le président de l’UDF a le mérite de porter des convictions sans déballer une batterie de mesures qui - mises bout à bout - font ce que les deux gros partis appellent « un programme de campagne ». Car ce n’est pas d’un programme électoral que nous avons besoin, mais d’un projet cohérent et raisonnable. 

Pour toutes ces raisons, il n’est pas étrange d’avoir envie de voter Bayrou. Et si ce vote devenait majoritaire, l’intelligence rejoindrait alors une émotion plus juste, recentrée et équilibrée, bien plus humaniste qu’une "rupture tranquille" de droite ou un "ordre juste" de gauche.

Laurent Watrin


Petit Journal Actu Special 06/02/07 (Canal+)

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