Philippe de Villiers est venu en candidat

par Jean-Michel Aphatie
jeudi 15 mars 2007

Ce matin, tout était différent. L’invité politique de 7 h 50, sur RTL, Philippe de Villiers en l’occurrence, n’était pas un candidat possible, ou potentiel à l’élection présidentielle. Non. Ayant déposé depuis quelques jours déjà plus que les 500 parrainages au Conseil constitutionnel, lequel donnera lundi soir la liste officielle des prétendants à l’Élysée, Philippe de Villiers est venu en candidat, décidé non pas à répondre à des questions de journalistes, qui sont ce qu’elles sont, c’est-à-dire nulles et partisanes, j’y reviendrai, mais pour présenter au peuple des auditeurs, j’y reviendrai aussi, son programme, ses idées, ses projets si, on ne sait jamais, il parvenait à battre le concurrent que lui proposerait le suffrage universel au second tour de l’élection présidentielle.

Ce blog a pour vocation, de mon point de vue, donc avec subjectivité, mais de mon point de vue professionnel, ce qui réduit un peu la subjectivité, d’expliquer le déroulement et les enchaînements des faits politiques vus de mon balcon.

Ce matin, j’ai d’abord demandé à Philippe de Villiers s’il était heureux de pouvoir participer à l’élection présidentielle. C’était pour moi une question d’amorce, la recherche d’une réponse un peu personnelle pour cet entretien. Après tout, les responsables politiques eux-mêmes, jamais avares de langue de bois, nous répètent bien que l’élection présidentielle en France, expression de notre singularité à la face du monde ébahi par nos audaces hexagonales, constitue la rencontre d’un individu avec le peuple.
Comme souvent quand on les prend au mot, les responsables politiques s’évadent bien vite du cadre. Alors, les émotions personnelles expédiées d’un revers de main, Philippe de Villiers a déboulé sur les principes qui motivent sa candidature. J’ai voulu là l’interrompre. Il répondait à ma question avant même que je ne la pose et il m’a semblé utile, civique, démocratique, de ne pas laisser ensevelir tout de suite le journalisme sous la logorrhée. On comprend bien que les responsables politiques vivraient beaucoup plus sereinement dans un monde sans journalistes. Ils préféreraient, et de loin, un dialogue direct avec le peuple, les blogs et Internet, les émissions genre "J’ai une question à vous poser", à la médiation, imparfaite, maladroite parfois, médiocre si vous voulez, des journalistes dont c’est le métier d’avoir de la mémoire pour remettre déclarations et déclamations en perspective, pour contester et pour opposer un peu de sens critique.

C’est pour cette raison, parce que je n’ai pas voulu que le journalisme disparaisse tout de suite, que nous nous sommes marché sur les pieds avec Philippe de Villiers. J’ai tenu à ce que sa réponse découle de ma question. J’ai tenu à faire respecter ce principe simple : RTL invite un responsable politique pour qu’il puisse répondre à des questions, pas pour qu’il fasse un discours.

Pour atteindre ce but, j’ai dû interrompre, couper, ricaner un peu dans les coins, bref prendre le risque de laisser penser à certains que c’était par animosité politique ou personnelle que j’agissais ainsi. Comment empêcher chacun de penser ce qu’il veut ?

Un peu plus loin lors de cet entretien, au cours duquel, signalons-le tout de même, Philippe de Villiers a largement exposé les raisons de sa candidature, lutte contre le mondialisme, renouveau patriotique, refus du communautarisme islamique, le candidat à l’élection présidentielle m’a fait le reproche de fréquenter davantage la bande des quatre que le reste de la planète politique. Reproche qui doit s’ajouter à la longue liste déjà collectionnée. Dimanche, au Grand Jury, François Bayrou nous accusait d’être partie prenante de la bande des deux. A un autre moment, Nicolas Sarkozy a cru noter chez moi des tendances récurrentes au gauchisme tandis qu’à deux reprises au moins, Ségolène Royal a pu me juger agressif, donc hostile. De tout cela, une leçon : quel que soit l’élu du 6 mai, il y a peu de chances qu’il m’appelle pour diriger son service de presse, ou pour me remettre la Légion d’honneur, ou pour papoter, le soir venu autour d’un verre de whisky, ou pour aller tuer le cerf et le bison le dimanche dans l’une des multiples propriété que l’Etat entretient pour le repos de ses dirigeants, un peu comme feue l’Union soviétique, et puis de toute façon, je serais trop dangereux avec un fusil, je pourrais tirer sur le président ? ou la présidente -, involontairement bien sûr.

Le journalisme et la campagne présidentielle.
Il y aura sans doute dix candidats à cette élection présidentielle (Le Pen, Villers, Sarkozy, Bayrou, Royal, Voynet, Buffet, Besancenot, Laguiller, Schivardi), peut être onze (Bové), sans exclure une surprise pour arriver à la douzaine. A partir de mardi prochain, les règles que le CSA a édictées pour que ce pluralisme auquel les Français sont, soi-disant, si attachés, soit respecté par les médias qui sont d’affreux jojos à surveiller de près, nous obligeront à l’égalité du temps d’antenne. Une minute de temps d’antenne donnée à Gérard Schivardi ou à l’un de ses représentants nous obligera à donner neuf minutes de temps d’antenne à tous les autres candidats. Sarkozy et les siens devront être traités comme Schivardi et les siens. Buffet qui dévisse comme Royal qui revisse. Bayrou qui explose comme Voynet qui plonge. On appelle cela, en France, le pluralisme. Encore une exception française.

Résultat : les chaînes de télévision, par exemple, feront un minimum de politique. Très peu d’invités, désormais sur les plateaux, aucune confrontation possible à organiser à dix, onze ou douze impétrants. La diversité politique à laquelle nous sommes si attachés aura pour conséquence directe de réduire la place de la politique dans les médias durant la campagne électorale. Beau résultat, non ?

Au nom de ce pluralisme, RTL s’est vu contraint d’annuler le Grand Jury de dimanche pour lequel nous avions invité Ségolène Royal. Motif : trop de temps d’antenne sur RTL pour la candidate socialiste et ses soutiens. Le cocasse de la situation, c’est qu’à plusieurs reprises, des socialistes sont venus au micro de RTL le dos au mur, pour commenter les difficultés de Ségolène Royal à s’imposer, à imposer son programme, à contrer la montée de François Bayrou. A force de marcher sur la tête, on finira par avoir mal au crâne.

En cherchant comment organiser les temps de parole à partir de mardi prochain, c’est-à-dire juste après la proclamation officielle des candidatures par le Conseil constitutionnel, ce qui oblige à l’égalité du temps de parole dans les médias audiovisuels publics ou privés, obligation à laquelle n’est pas soumise la presse écrite, nous avons effleuré l’idée d’annuler tous les grands jurys sur RTL d’ici à l’élection. Pourquoi ? Parce que celui qui a organisé l’humanité en sept jours, Dieu selon certains sources mais il y a des contestations à ce propos, n’a prévu qu’un dimanche tous les sept jours. Comment faire rentrer dix candidats dans quatre dimanche ? Ou plutôt, puisque le CSA l’exige ainsi, comment faire rentrer dix candidats dans deux périodes de quinze jours durant lesquelles l’égalité de temps de parole doit être strictement respectée, la première période allant jusqu’au 9 avril à minuit, date du début de la campagne officielle, la seconde jusqu’à la veille du premier tour ?

Faute d’avoir la réponse, l’idée de ne rien faire a été évoquée. Finalement, par souci civique, l’antenne sera remaniée, en semaine, pour faire de la place aux candidats, ce qui rompt avec le principe de régularité dans l’offre des programmes, si importante pour fidéliser les électeurs.

Je me souviens d’un déjeuner du mois de janvier avec un ministre important de l’actuel gouvernement. Nous lui avons exposé ces contraintes byzantines et courbaturantes auxquelles nous nous préparions à faire face. A force d’écarquiller les yeux devant un problème qu’il semblait découvrir, il lâcha : "Mais pourquoi vous vous emmerdez avec tout ça ? Vous n’avez qu’à pas respecter la loi !" Venant d’un aussi haut responsable gouvernemental, le conseil ne manquait pas de sel. D’ailleurs, nous avons tous ri autour de la table.

Ce matin, au petit déjeuner, Philippe de Villiers a regretté la programmation politique en berne dans les télévisions. Tant pis. Les candidats se rattraperont sur les radios, qui sont civiques.

Toujours au petit déjeuner, Philippe de Villiers a jugé que la question posée à l’antenne, plus proche de Sarkozy ou de Bayrou, était prématurée. Il a confessé bien connaître François Bayrou, du temps de Raymond Barre déjà, en 1988, et l’apprécier. Nicolas Sarkozy, il le connaît peu et n’a pas paru avoir envie de le connaître davantage.

Dernière question sur ce blog illimité en temps de parole : quelqu’un sait-il où est passée Simone Veil, engagée tonitrualement pour soutenir le président de l’UMP et invisible depuis que ce dernier a envisagé de créer un ministère de l’immigration et de l’identité nationale réunies ?


Lire l'article complet, et les commentaires