Pour faire moderne ...

par C’est Nabum
jeudi 15 septembre 2016

... Trahis ta culture.

Une fois encore, je m’indigne qu’une manifestation, sans doute aidée par quelques subsides publics, porte haut et s'exprime en anglais sur l’affiche. Je comprends aisément que les gens sans culture trouvent désormais refuge dans cette bouillie informe et mondialisée que constitue le globish. La sonorité de la chose force l’admiration des gogos ; on devine immédiatement qu’on pénètre au royaume de la futilité et que la prise de tête est totalement exclue.

Alors, pas de problème : on sacrifie la langue de Molière, de Rabelais, de Genevoix, de Devos sur l’autel sacré du billet vert, de la communication et du jeunisme. Tout ce qui veut avoir l’air doit désormais se priver d’un titre ou d’un slogan en français. C’est bien la marque d’une trahison en rase campagne, d’un abandon des valeurs et d’une génuflexion devant le modèle dominant.

Les plus tolérants me diront alors que c’est leur problème, que la liberté autorise ce genre de dérive langagière. Ils ont sans doute raison. Il suffit de laisser faire et notre culture finira par se dissoudre dans le vaste ensemble économique et inhumain que souhaite mettre en place le grand empire du libéralisme triomphant. Nous devrions pourtant savoir que la langue est le vecteur de la pensée et qu’il conviendrait de n’en sacrifier aucune, à commencer par la sienne.

Ce qui me chagrine le plus c’est qu’il existe une loi qui interdit ce genre de pratique. Les radios, les télévisions, les journaux, les services publics et les institutions sont censés n’user que de notre belle langue. Vous pouvez mesurer le respect de cette règle en écoutant ou en regardant les médias. C’est la grande foire aux termes sophistiqués qui fleurent bon les nouvelles technologies, la tendance et le pédantisme d’initiés. C’est bien simple, il est désormais des sujets dont la compréhension n’est accessible qu’à ceux qui baignent dans le microcosme.

Quand un organisateur donne un nom tonitruant, avec l’anglais comme bannière, pour se donner l’air d’être dans le vent, il devrait sentir celui du boulet. Refus poli mais ferme de la puissance publique d’utiliser son espace ou d’aspirer à bénéficier d’une subvention. Il en va là du respect d’une loi de la République après tout, qui selon moi, grand nostalgique imbécile et archaïque, pense qu’elle est en danger devant ce phénomène qui ne cesse de s’amplifier.

Nous serions bien ennuyés de n’avoir plus ni Race, Black, Pitch, Live, Shop, Center et autres fadaises du même niveau pour définir ce qui, semble-t-il, ne peut plus se concevoir en français. Le sport ne pourrait plus décrire les mille et une prouesses de ses champions, le commerce ne saurait plus où donner de l’enseigne, les manifestations culturelles seraient contraintes de retomber dans la platitude d’une langue qu’on méprise au point de lui préférer sa rivale dès qu’il s’agit de la chanter.

Je ne vous dis pas ce que serait le désert langagier s’il s’agissait de décrire un produit ou une manifestation des nouvelles technologies. Nous avons, en la matière, une lettre agonisante, bientôt morte de ne pas être en mesure de nommer ce qui vient du numérique. Évidemment, c’est par paresse, conformisme, facilité et irresponsabilité que beaucoup agissent ainsi. C’est le penchant naturel de l’humain que de se vautrer dans la facilité.

Mais que diable ! il serait grand temps d’exiger le minimum, de réclamer que tout ce qui s’affiche dans nos rues, s’expose et se réclame à notre curiosité ou notre bon plaisir s’exprime enfin et uniquement dans notre langue. Je la trouve si chargée, si martyrisée, si humiliée avec ces mots qui sont sans nuance, brefs comme des coups de trique, tristes et vulgaires, que j’en ai la gueule de bois et le vague à l’âme. Pire encore : je ne supporte plus les petits crétins prétentieux qui se gaussent de mes protestations et sont strictement incapables de comprendre les quelques mots un peu plus élaborés dont j’use parfois. C’est à ceux-là et aux félons qui se bouchent les oreilles devant leurs écarts de langage que je dédie ce pamphlet salutaire.

Francophonement leur.

 


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