Pour Karoutchi aussi, c’est reparti comme en 40 !

par LM
lundi 18 février 2008

Vent d’hystérie collective en Sarkozy : le président ne s’en sort plus, ses ministres ne l’épargnent pas, sa majorité l’évite, sa femme s’emporte et la presse bobo de gauche lance des pétitions contre lui. Il est grand temps que son ami Bolloré lui offre quelques vacances.

Après une semaine marquée notamment par (la mort d’un chanteur gai) l’interview désastreuse de la nouvelle première dame de France et la proposition peu défendable d’offrir en mémoire vive le corps lointain d’un enfant déporté à chaque élève de CM2 (depuis le président, faute de munitions sans doute, a reculé à un mort par classe), après donc une semaine qui au final a vu notre président rapide mais brouillon s’écraser un peu plus dans les sondages, voilà que ça continue mal pour le monarque élu cher à Joffrin : Roger Karoutchi s’est mis en tête de voler à son secours.

Roger qui ? Roger Karoutchi, 57 ans, secrétaire d’Etat chargé des Relations avec le Parlement auprès du Premier ministre, à ce poste depuis le 18 mai 2007. Sous Fillon, donc, dans l’ombre depuis tout ce temps. Jusqu’à hier. Hier, Karoutchi a décidé de faire sa Carla, en montant au créneau pour défendre son président. Défendre ce dernier notamment contre « l’appel républicain » de l’hebdomadaire bobo Marianne, petit texte embrouillé et insignifiant censé démontrer à quel point Nicolas Ier est en train de dévoyer, jour après jour, frasque après frasque, yacht après yacht, la « fonction présidentielle ». Comme s’il n’y avait qu’une seule « bonne » façon d’être président de la République, qu’une seule bonne façon d’habiter cette fonction. Ce texte, qui se veut « appel » donc, est une sorte de bréviaire néoconservateur, néocon comme on dit aux Etats-Unis, mais surtout pour le coup l’œuvre d’anciens cons, pas vraiment perdreaux de l’année et habitué ces dernières élections davantage aux défaites « encourageantes » qu’aux victoires significatives : j’ai nommé, dans le désordre, Noël Mamère, François Bayrou, Dominique de Villepin, Bertrand Delanoë, Nicolas Dupont Aignant, Corinne Lepage, on le voit, un assortiment varié mais homogène de derniers de la classe qui pour certains devraient dans quelques semaines connaître de nouveaux revers.

« La liste est longue des stupéfiantes innovations, que, volontairement ou involontairement, Nicolas Sarkozy a introduit dans la politique présidentielle. Ce nouveau cours suscite donc des inquiétudes, une anxiété même », nous disent ces courageux pompiers de l’ombre, qui ne devraient pas tarder à se proclamer « résistants », c’est tellement à la mode en ce moment. Ils se trompent bien sûr : ce qui suscite inquiétude et anxiété chez Sarko, c’est qu’il ne fait pas assez de politique, qu’il ne s’occupe pas assez des vrais problèmes, pas qu’il se lance dans des « innovations » ou qu’il prenne quelque liberté avec le protocole. Sarkozy peut se marier avec Amy Winehouse demain, on s’en moque. L’essentiel est qu’il se mette enfin à faire de la politique, ce que Fillon s’échine lui à faire depuis qu’il est en place. Et ça paie. « Si cet appel a recueilli la signature de plusieurs hommes et femmes politiques de la droite républicaine, c’est bien que le contexte politique créé par huit mois de sarkozysme est totalement inédit. » Là encore, Marianne se trompe : il n’y a rien d’inédit à ce qu’un attelage de bras cassés se regroupe derrière une même bannière pour rappeler qu’ils existent. Cet appel, en somme, censé pointer les errements du règne sarkozien, sonne creux et n’atteint pas d’autre objectif que de détourner l’attention, une fois de plus, des vrais problèmes.

Mais Roger Karoutchi, donc, a vu dans cet appel, autre chose. Comme Carla Bruni, qui voyait avant de se déjuger dans l’affaire du SMS du Nouvel Obs quelques réminiscences des années sombres de la France, Karoutchi voit dans l’appel de Marianne quelques « relents des années 30 » : "On a l’impression d’un vent de folie qui respire les années 30 avec ce que cela a de plus nauséabond". Ah bon. "Il y a des types qui n’ont toujours pas accepté que Sarkozy gagne les élections. C’est du déni de démocratie"(...)"du fascisme rampant". Ah oui ? Du fascisme rampant, ni plus ni moins. Carla Bruni, qui avait sous-entendu que sous Vichy, les journalistes du Nouvel Obs auraient sans doute dénoncé les juifs, s’est vite excusée. Qu’en fera Karoutchi ? Rengainera-t-il, à son tour, sa mauvaise rengaine ? Et puis, plus loin que le cas Karoutchi, quand finira-t-on, en France, dans les journaux ou sur les blogs, d’utiliser à tort et à travers les termes « résistants », « fascistes », « antisémites » ou « nazis ». La langue française est-elle à ce point limitée qu’on ne trouve d’autres injures à envoyer à la face de toute personne qui ne pense pas comme vous ? Fondamentalement, ce n’est pas rien de traiter quelqu’un de « facho », ce n’est pas anodin, ce n’est pas neutre. Pourtant, il semble que ce soit entré dans le langage courant, comme un équivalent de « con », par exemple. Plus personne, aujourd’hui, ne se fait traiter de con, même pas en chanson, mais dans le même temps, combien de fachos, combien de nazis, combien de dénonciateurs, combien de vichystes ! Et combien de résistants ! Même Cali résiste ! Même Biolay ! Même Béart ! C’est plus une armée des ombres, ce sont des légions sous les projecteurs !

L’emballement de Karoutchi, à la remorque de l’emportement de Bruni, à la suite de l’appel des « 17 » du 14 (février) participe du délire mal maîtrisé qui accompagne actuellement l’orbite sarkozienne. Il y a comme un affolement dans la majorité qui ne profite pourtant pas à une opposition trop impatiente qui s’éparpille, peu intelligente, pas du tout intelligible. Les municipales s’annoncent confuses.


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