Pour qui roule Mélenchon ?
par Orélien Péréol
mardi 2 mai 2017
J’appelle mélenchonistes les électeurs et les militants de Mélenchon. Les noms qu’ils se donnent eux-mêmes sont trop autocentrés pour pouvoir être employés par quelqu’un qui vise à analyser, c’est-à-dire à comprendre de quoi est fait ce mouvement, d’où il vient, comment il fonctionne, et quel est son retentissement dans la société française.
Les mélenchonistes se nomment « la France insoumise ». Ils ne sont pas la France, aucun groupe ne peut s’appeler la France, même avec un adjectif. C’est le même type de colonisation que l’UMP qui se fait appeler « les Républicains ». Les citoyens constitutifs de « la France insoumise » se nomment « les insoumis ». Qu’est-ce qu’il reste aux autres ? La soumission ? Ces deux points ne sont pas acceptables. D’autant plus que ces prétendus insoumis sont fortement soumis à leur chef Mélenchon, réellement, dans leurs paroles, dans leurs actes, ce qu’ils ne reconnaitront jamais, alros qu’il n’y a qu’à les lire et les voir faire.
Mélenchon est dans le personnel politique de la France institutionnelle depuis très longtemps et on ne sait pas ce qu’il y a fait. On peut dire sans grand risque de se tromper qu’il n’a rien fait ou si peu que c’est rien en regard de cette longue durée.
Le nom de Mélenchon n’est associé à aucune lutte ouvrière. Il était même très critique des Lip, les trouvant manipulés par les curés et l’église. (http://www.autogestion.asso.fr/?p=4323)
Dans sa longue appartenance au PS, on ne trouve aucune loi à laquelle il aurait participé d’une façon ou d’une autre.
Par contre, s’il était élu président, il agirait, on verrait des choses étonnantes. Beaucoup de choses, vraiment beaucoup, très fortes. De ce point de vue, c’est un politicien lambda, qui promet de faire demain ce qu’il n’a pas fait depuis 30 ans (même pas essayé, il est passé entre les gouttes, partout, tout le temps, on ne sait pas bien).
Ces mélenchonistes sont des croyants : le réel ne les intéresse pas ; ils ont le salut avec eux et ceux qui ne les rejoignent pas ne méritent aucune attention, aucun respect. Ils sont dans une attitude de secte : ils ne répondent pas aux questions, et rejettent absolument, on pourrait dire « excommunient » celles et ceux qui les posent. Je prends le mot secte dans son aspect essentiel que la sociologie a repéré il y a plus d’un siècle de la coupure radicale entre ceux qui adhèrent et les autres : les sectes sont caractérisées par le fait qu’elles ne passent aucun accord avec d’autres groupes. Il y a leur pureté et le reste… qui doit plier. C’est toujours la faute des autres. Ils ont tellement raison qu’ils ne peuvent pas modifier leur avis au contact de l’avis des autres, c’est aux autres de le faire. Ou ils se joignent à nous et nous aurons raison ensemble, ou ils ne le font pas et ils seront responsables de notre défaite.
Mélenchon et ses électeurs jugent le réel et le réel ne leur convient jamais, il n’est jamais conforme à leurs idées. Les discours qui valident leur attitude sont appuyés sur leur être, sur leur « moi » : ceux qui s’expriment (parce que bien des Mélenchonistes voteront Macron et ne le disent pas trop, ils ont raison) disent qu’aucun des candidats ne les représentent, ils ne voteront donc pas. Au soir du 7 mai, il y aura un président ou une présidente et on ne vote pas pour s’exprimer, ni pour se faire représenter (au sens de s’effacer ensuite devant un représentant), on vote pour choisir le dirigeant central de notre pays.
Ces jours, dans sa campagne, à Périgueux, Mélenchon s’est disputé avec un ouvrier : Jean-Luc Mélenchon userait sa vie à défendre les ouvriers ; c’est la droite et le PS qui a mis les ouvriers dans la merde. Mélenchon a été membre du PS, élu et ministre une fois, pendant, en gros, 18 ans de 1990 à 2008 ! Rien ne le rebute. Dans le même déplacement à Périgueux il proclame sans rire : « Venir voir les cheminots ici est une façon de manifester une fraternité humaine qui manque cruellement dans notre société aujourd’hui. »
La situation du second tour sort de cette attitude des mélenchonistes : le seul accord qu’il pouvait envisager avec Hamon était la « soumission » de ce dernier (je m’amuse ironiquement à employer l’axe mélenchoniste soumission-insoumission). Un accord entre les deux, un programme commun, aurait mis Mélenchon, ou Hamon, au second tour avec 25,94% des voix, l’un devenant premier ministre de l’autre, mais voilà ! il eut fallu s’entendre avec quelqu’un !
La victoire n’est pas le but de Mélenchon, ni des mélenchonistes.
Leur but, c’est leur pureté : ils ne se compromettent pas. Mélenchon en ne se présentant pas à la primaire de la gauche est grandement responsable de cette configuration du second tour. Mais c’est de la faute des autres et en lisant ce que mes très nombreux amis mélenchonistes écrivent sur FB, c’est de la faute à tous ceux, dont moi, qui n’ont pas compris qu’il fallait voter pour Mélenchon. Leur chanson est que si tout le monde de gauche avait voté Mélenchon, on n’en serait pas là, c’est donc bien la faute de toutes celles et ceux qui n’ont pas voté Mélenchon au premier tour.
Mélenchon n’appelle pas à voter pour l’un ou l’autre des candidats, il ne se mouille pas, ou on est totalement avec lui ou on n’existe pas. Il affirme qu’il ne vote pas pour MLP, il peut faire cette affirmation puisqu’elle est du côté du rejet, mais il ne peut pas dire plus. Il joue encore le coup d’après, dans une inconséquence irrationnelle, son groupe n’a pas l’implantation territoriale qui lui permet d’envisager de gagner les législatives et d’imposer une cohabitation à la présidente élue ou au président élu. Cela n’a pas d’importance. A de l’importance, le fait de croire et d’affirmer qu’on a tellement raison qu’on ne peut affaiblir cette raison en la mêlant, même peu, à la raison des autres et qu’il vaut mieux perdre dans cette affirmation que de gagner et d’agir ensuite dans le réel, en faisant ce qu’on peut parce que le réel est plus fort que la volonté et qu’on peut faire énormément de choses, si on le respecte (on fait voler des avions parce qu’on sait se servir de la pesanteur).
Avec cette attitude, Mélenchon ne voit aucun problème à demander des concessions à Macron : Au lieu de m'insulter, pourquoi ne ferait-il pas un geste. Il pourrait leur dire 'je vous ai compris, je retire la réforme du code du travail'. Il faut faire quelque chose Monsieur Macron, vous ne pouvez pas vous contenter de venir et de dire 'je veux un vote d'adhésion'. Evidemment, voter Macron n’est pas adhérer. Il imagine que celles et ceux qui votent Macron sont dans la fusion, comme celles et ceux qui votent pour lui. Le compromis, la négociation sont hors de portée de l’attitude mélenchoniste.
Se présentent à l’élection des candidats pour qui le débat n’est pas le chemin de la résolution des problèmes. C’est de cela que Mélenchon est le nom.