Pour Terra Nova la gauche doit abandonner les classes populaires !

par Sebastien Bordmann
jeudi 12 mai 2011

Terra Nova, laboratoire d'idées français, proche de la gauche française fondé en 2008 se fixe comme ambition de « contribuer à sortir le progressisme de l’impasse dans lequel il se trouve », notamment « en produisant et diffusant des propositions de politiques publiques en France et en Europe ».

Dans son essai publié le 10 mai 2011, Terra Nova souligne que la gauche a perdu son plus fort potentiel électoral : la classe ouvrière. Le think-thank d'obédience progressiste ne veut pas rompre avec la social-démocratie. Mais il faut faire des choix... Ce sera donc la rupture avec l'électorat traditionnel : les classes populaires... C'est irrémédiable !

Voici l'extrait publié sur leur site :

«  Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe : la classe ouvrière n’est plus le coeur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche. La volonté pour la gauche de mettre en oeuvre une stratégie de classe autour de la classe ouvrière, et plus globalement des classes populaires, nécessiterait de renoncer à ses valeurs culturelles, c’est-à-dire de rompre avec la social-démocratie. »

Ca ne va pas forcément plaire ni à Benoit (Hamon), ni à Martine (Aubry), encore moins à Jean-Luc (Mélenchon) mais DSK, lui, devrait être content.

 

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Autre extrait, qui permet de mieux comprendre cette rupture de la gauche avec la classe ouvrière :

 

A L’ORIGINE DU DIVORCE : UN CHANGEMENT DE VALEURS

Historiquement, la gauche politique porte les valeurs de la classe ouvrière, tant en termes de valeurs socioéconomiques que culturelles. Elle est la porte-parole de ses revendications sociales et de sa vision de l’économie : pouvoir d’achat, salaire minimum, congés payés, sécurité sociale, nationalisation des grandes entreprises, encadrement des prix… Et l’une comme l’autre restent relativement conservatrices sur le plan des mœurs, qui demeurent des sujets de second plan par rapport aux priorités socioéconomiques.
 
A partir de la fin des années 1970, la rupture va se faire sur le facteur culturel. Mai 68 a entraîné la gauche politique vers le libéralisme culturel : liberté sexuelle, contraception et avortement, remise en cause de la famille traditionnelle… Ce mouvement sur les questions de société se renforce avec le temps pour s’incarner aujourd’hui dans la tolérance, l’ouverture aux différences, une attitude favorable aux immigrés, à l’islam, à l’homosexualité, la solidarité avec les plus démunis. En parallèle, les ouvriers font le chemin inverse. Le déclin de la classe ouvrière – montée du chômage, précarisation, perte de l’identité collective et de la fierté de classe, difficultés de vie dans certains quartiers – donne lieu à des réactions de repli : contre les immigrés, contres les assistés, contre la perte de valeurs morales et les désordres de la société contemporaine.
 
Malgré cette discordance sur les valeurs culturelles, la classe ouvrière continue au départ de voter à gauche, qui la représente sur les valeurs socioéconomiques. Mais l’exercice du pouvoir, à partir de 1981, oblige la gauche à un réalisme qui déçoit les attentes du monde ouvrier. Du tournant de la rigueur en 1983 jusqu’à « l’Etat ne peut pas tout » de Lionel Jospin en 2001, le politique apparaît impuissant à répondre à ses aspirations. Les déterminants économiques perdent de leur prégnance dans le vote ouvrier et ce sont les déterminants culturels, renforcés par la crise économique, « hystérisés » par l’extrême droite, qui deviennent prééminents dans les choix de vote et expliquent le basculement vers le Front national et la droite. (...)
 
 

UNE NOUVELLE COALITION EN VOIE DE STRUCTURATION

LE NOUVEL ELECTORAT DE LA GAUCHE : LA FRANCE DE DEMAIN

Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente :
 
1. Les diplômés. Ils votent plus à gauche que la moyenne nationale (+2 points en 2007). Le vote à gauche est désormais corrélé positivement au niveau de diplôme : plus on est diplômé, plus on vote à gauche ; moins on est diplômé, plus on vote à droite.
 
2. Les jeunes. C’est le cœur de l’électorat de gauche aujourd’hui (...)
 
3. Les minorités et les quartiers populaires. La France de la diversité est presqu’intégralement à gauche (...).
 
4. Les femmes. Nous vivons un renversement historique : l’électorat féminin, hier très conservateur, a basculé dans le camp progressiste. (...)
 
La nouvelle coalition de la gauche n’a plus rien à voir avec la coalition historique : seuls les jeunes appartiennent aux deux. L’identité de la coalition historique était à trouver dans la logique de classe, la recomposition en cours se structure autour du rapport à l’avenir. La nouvelle gauche a le visage de la France de demain : plus jeune, plus féminin, plus divers, plus diplômé, mais aussi plus urbain et moins catholique . Elle est en phase avec la gauche politique sur l’ensemble de ses valeurs.
 
Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques, cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes : elle veut le changement, elle est tolérante, ouverte, solidaire, optimiste, offensive. C’est tout particulièrement vrai pour les diplômés, les jeunes, les minorités . Elle s’oppose à un électorat qui défend le présent et le passé contre le changement, qui considère que « la France est de moins en moins la France », « c’était mieux avant », un électorat inquiet de l’avenir, plus pessimiste, plus fermé, plus défensif. (...)

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