Pourquoi j’ai voté Marine Le Pen

par cliquet
lundi 9 juillet 2012

Pourquoi j’ai voté Marine Le Pen ?

Lorsque j'ai annoncé à mes proches que j'avais l'intention de voter Marine Le Pen aux dernières élections, le moins qu'on puisse dire, c'est que je n'ai pas rencontré un franc succès !

Comment moi, gaulliste depuis toujours, militant RPR depuis 1977, petit-fils d'émigré juif, fils de combattant de la France Libre, pouvais-je envisager un seul instant d'envisager de soutenir le racisme, l'antisémitisme et le fascisme ?

Grave question qui ne m'avait pas échappé, mais qui suscitait en moi une autre interrogation :

Pourquoi ceux qui prônent la tolérance, et ils ont raison de le faire, ne demandent-ils jamais à ceux qui leur font part de ce qu'ils considèrent comme une transgression, quelles sont les raisons qui peuvent justifier un tel choix ?

Ont-ils peur d'entendre des réponses ou des arguments qui pourraient les conduire à réfléchir à leur tour, ou bien ont-ils déjà fait le tour de la question ? Ou bien ont-ils peur d'être contaminés par simple transitivité du fait qu'accepter la discussion pourrait les mettre sur la voie d'un consensus ?

Nous vivons dans une drôle de société qui est à la fois rationnelle, aboutissement d'une pensée qui place, de par la hiérarchie du bien et du mal, la valeur de la vie humaine au-dessus de toute autre considération, ce avec quoi on ne peut être que d'accord, et qui dans le même temps est prête à accepter d'une manière totalement irrationnelle la perspective d'une mondialisation dominée par la dictature d'un tout petit nombre. Si encore ces gens-là étaient des sages jouissant d’une réputation méritée et incontestée acquise d’une manière irréfutable au fil du temps, ayant fait vœu de pauvreté pour s’élever au-dessus des contingences bassement matérielles, on pourrait à la rigueur tenter l’expérience. Mais tel n’est pas le cas. Nous préférons ne pas voir ce qui nous attend afin de ne pas bousculer notre vision de l’ordre des choses et nous continuons de faire référence à un passé qui n’a plus aucun rapport avec l’actualité. Le Front National est un parti d’extrême droite. Peu importe de savoir ce que pensent ses sympathisants, ils ne peuvent être que racistes et fascistes.

Gaulliste, je souscris par conviction profonde à la vision de de Gaulle, qui disait : « la seule réalité internationale, ce sont les nations ! »

J’ai adhéré au RPR grâce à une phrase de Jacques Chirac : « Nous devons faire l’Europe sans défaire la France » Au risque de passer pour un imbécile, je n’ai pas changé d’avis et je suis persuadé, sans toutefois savoir expliquer cela par des considérations rationnelles, que ces entités qu’on appelle « nations » et que les théoriciens de la mondialisation accablent de tous nos maux passés ont encore un bel avenir. J’en veux pour élément probant la disparition des ensembles tels que l’Union Soviétique ou la Yougoslavie. Hélène Carrère d’Encausse avait, avec sa clairvoyance, décrit dans « L’empire éclaté » ce qui se passerait à la fin de l’URSS.

Je ne vais pas refaire ici un panégyrique de l’état- nation, que d’autres plus talentueux que moi (Charles Péguy notamment) ont développé, mais je voudrais revenir un instant sur le référendum du 29 mai 2005. Les Français ont exprimé ce jour-là une croyance forte. Les partisans du mondialisme ont voulu l’interpréter comme un refus de l’Europe, une volonté frileuse de garder nos portes fermées. Cette interprétation ne correspond pas à la réalité. Les Français, dans leur immense majorité, ont intégré l’existence des autres pays avec lesquels ils tiennent à nouer ou conserver des relations au travers desquels certains problèmes, qui peuvent et qui doivent être réglés au niveau de la planète doivent être abordés. Mais les dés ne doivent pas être pipés par l’apparition d’un pouvoir mondial qui ôterait toute représentation démocratique aux peuples pour le bien desquels il est censé agir. Il est assez curieux de voir tous ces européistes nous expliquer que seul le fédéralisme européen est de nature à encadrer nos dirigeants politiques, pourtant élus au terme d’un processus démocratique, et de les empêcher de revenir sans cesse à leur vieux démons que sont le laxisme budgétaire et l’endettement perpétuel, alors que ce système néo libéral qu’ils vont ainsi contribuer à mettre en place va encore augmenter notre déséquilibre budgétaire et donc notre endettement.

Mais revenons aux élections. Troublé par l’attitude de mes proches, j’ai donc cherché d’une manière objective quel candidat serait le plus à même de promouvoir les idées que je viens d’évoquer. J’ai donc passé en revue toutes les possibilités. Un premier balayage m’a dissuadé de voter pour les produits traditionnels, tels que l’UMP ou le PS car, en ce qui concerne l’UMP, la quasi-forfaiture du contournement du résultat du référendum de 2005 faite par N Sarkozy était sans appel et la décision de remettre, sans aucune contrepartie, la France sous le commandement intégré de l’OTAN n’a pu que valider cette décision. Pour le candidat du PS, j’ai hésité un peu plus car, DSK (néolibéral et mondialiste) ayant été écarté, je manquais un peu d’éléments concrets. J’avais des pressentiments mais je cherchais à rester objectif. Bien sûr, F Hollande avait voté et fait voter « oui » au référendum de 2005, mais j’avais encore le fameux doute qui doit profiter à l’accusé. Ce n’est que lorsque, s’adressant au 1er ministre britannique pour lui dire qu’il était de son coté, en totale contradiction avec ses propos de meeting, que je l’ai définitivement écarté.

Je pouvais trouver une certaine convergence de vues dans le discours de JL Mélenchon. Mais une analyse un peu plus poussée me dissuada assez vite de poursuivre dans cette voie. Certes, il dénonçait la dictature de la finance, mais il proposait surtout, au travers d’un changement de constitution, un retour vers le « grand soir » de la dictature du prolétariat, c'est-à-dire plus ou moins un échange d’une dictature pour une autre.

 JM Poutou et N Arthaud m’ont semblé plutôt dans la lignée de la grande internationale socialiste et le discours d’E Joly montrait clairement sa conviction euro fédéraliste.

JP Chevènement aurait pu avoir mon adhésion, car son discours était quasiment gaulliste, mais il a retiré sa candidature, tout comme D de Villepin et MC Boutin, pour lesquels je n’aurais pas pu voter de toutes façons. Le premier parce que complètement dans le système mondialiste, comme la grande majorité des gens passés par le moule de l’ENA et la seconde parce que je ne comprenais pas son discours ni sa position. Ou se situe-t-elle exactement ?

Je passe pour mémoire sur le cas de J Cheminade, qui dit certaines vérités mais ne propose rien de concret. F. Bayrou, en digne héritier de l’UDF est un fédéraliste, bien qu’il m’ait semblé un peu moins convaincu. Il ne nous à pas refait son numéro sur R Schuman et j’avoue que je ne le regrette pas, surtout que grâce à F Asselineau, nous en savons un peu plus sur la réalité du personnage.

Restaient en lice N Dupont Aignan et M. Le Pen.

Là, il a fallu pousser l’analyse un peu plus loin ; N Dupont Aignan est certainement celui dont je me sentais le plus proche, mais je le voyais assez mal à l’aise sur l’éventualité d’une sortie de l’Union Européenne, point de passage obligé pour une sortie de la zone euro en raison de l’absurdité de la rédaction du traité instituant cette zone. Il est quand même hallucinant de constater que vous pouvez être dans l’Union Européenne sans être dans la zone euro mais que si vous voulez sortir de l’euro, pour quelque raison que ce soit, vous devez quitter l’Union Européenne. Et puis, si on voulait regarder les choses en face, il devenait probable qu’une recomposition politique aurait lieu dans notre pays, une fois passée la période électorale et les promesses de campagne oubliées.

Par contre, voter pour M Le Pen me posait un problème, lié à l’inconscient collectif et à l’image même du FN. Curieux dilemme, en vérité, que de n’avoir d’autre choix que celui d’une candidate exprimant la seule réelle pensée « gaulliste » de la campagne, défendant l’idée la patrie, de la nation souveraine et de la place de notre pays en tant que référence internationale, mais sur l’image de laquelle se dessine en filigrane, d’une manière un peu subliminale, la silhouette de son père. Or, et c’est un euphémisme, il est patent que JM Le Pen n’a jamais été un soutien indéfectible de de Gaulle, et qu’il a toujours condamné à la fois ses idées et ses décisions. De plus, et même si j’ai la totale conviction qu’il n’a jamais ni partagé, ni défendu les idées nazies, il faut reconnaître que certains de ces propos, même si la façon de les présenter en les sortant de leur contexte était visiblement partisane, étaient quand même de nature à susciter certaines interrogations.

D’un autre côté, devait-on rendre la fille comptable des propos du père et lui faire endosser par simple transitivité de la relation de filiation ? Voilà donc dans quel état d’esprit je me trouvait au début de la campagne officielle.

D’une manière quelque peu paradoxale, c’est le discours de N Sarkozy qui a emporté la décision. Plus que M Le Pen, il a permis de lever l’interdit qui frappait encore un certain nombre de sujets que personne n’avait osé aborder, non pas en raison de leur manque d’intérêt, mais plus probablement par manque de courage politique et par peur que leurs propos soient interprétés comme une certaine forme d’adoubement du FN. Il faut reconnaître que N Sarkozy a fait preuve de courage, peut-être par simple calcul politique, mais il les a abordés. La réduction du nombre d’immigrés, la perméabilité de nos anciennes frontières, l’identité nationale, bref, tous ces sujets n’ont plus été tabous. Personnellement, ce ne sont pas des sujets qui me passionnent ou même me préoccupent. Ayant peut-être la chance de résider dans une région ou l’immigration ne pose pas ces problèmes avec une telle acuité, je nourris, peut-être à tort, plus d’inquiétude quant aux perspectives économiques et financières. Je me suis simplement fait la réflexion que si le Président en titre convenait de lui-même d’aborder ces questions, on ne pouvait pas faire grief à M Le Pen d’en parler.

J’ai donc voté, non pas sans quelques réticences, pour M Le Pen, après avoir pesé longuement, ce qui me semblait, en fonction de mes propres priorités, le plus compatible avec ce que je pense comme étant l’intérêt de notre nation.


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