Pourquoi l’échec de la candidature de Mélenchon à l’élection présidentielle

par H.Ramirez
lundi 15 mai 2017

Dynamique ratée d’une campagne politique. Mélénchon en question.

 

POURQUOI L’ÉCHEC DE LA CANDIDATURE DE MÉLENCHON A L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

Dynamique ratée d’une campagne politique.

L’élimination de la candidature de Monsieur Mélenchon au deuxième tour de l’élection présidentielle en France, a été analysée sous différents angles de vue.

Pour l’expliquer, la plupart des analystes des faits politiques ainsi que des partisans de la France Insoumise, ont recours en premier abord à des calculs affinés de l’arithmétique électoraliste habituelle.

Dans ce bal de chiffres, il en ressort à première vue un coupable : Benoît Hamon ! Et une phrase répétée avec insistance et agrémentée d’agressivité : « il aurait dû se retirer ! ». Oui, effectivement, Benoît Hamon a une certaine responsabilité dans les résultats de la gauche dans cette élection.

Mais, il ne faut pas oublier que Benoît Hamon ne pouvait pas se défaire de son histoire d’apparatchik du parti socialiste. Il y avait été un contestataire de l’intérieur sans l’être vraiment ; dans un sens, il était l’héritier d’un parti politique en déclin et il lui restait la tâche impossible de vouloir le maintenir en vie. Il ne pouvait qu’échouer dans cet objectif dérisoire dans la situation grave qui traverse la Nation française.

Benoît Hamon n’avait pas l’étoffe d’un homme d’État, et également par son programme, il n’avait la possibilité d’un réel succès. Cette réalité était sue et vue, mais ni lui, ni ses partisans ne voulaient la reconnaître et l’accepter. Un homme d’État aurait eu le courage de se retirer avant un désaveu à l’horizon.

L’autre vecteur d’analyse est de constater que la France désindustrialisée du Nord a voté pour la droite et plus particulièrement pour Mme Le Pen et que la France des nouvelles technologies et industries modernes a voté pour les différents groupes de gauche et plus particulièrement pour M. Mélenchon. Cette analyse est l’analyse d’un fait politique majeur fait du point de vue de la géographie, mais elle n’est pas une analyse politique. Également on a entendu dire que les grandes villes ont voté pour la gauche, et la ruralité pour la droite. Ces analyses, ne font que constater des faits, sans vraiment se placer du point de vue nodal de tout événement politique : un programme, un vecteur : le leader, et le discours qu’il véhicule pour transmettre ses propositions.

Alors arrêtons de faire des calculs électoralistes ! Venons à l’essentiel de ce qui doit être une analyse dynamique et politique d’un moment historique comme l’exige le processus électoral que venons de vivre et des élections législatives qui s'approchent. 

Le constat

Les Français démunis et les couches populaires ont souffert des derniers gouvernements qui ont été les porte-parole d’une classe industrielle, financière et commerciale, classe que n’a d’autres horizons que le profit à tout prix. Dans cet effort de service aux puissants, ces gouvernements et dirigeants ont, depuis quarante ans, sacrifié une bonne partie des hommes, des femmes, ainsi que la jeunesse et l’enfance de notre Patrie. Pour ce faire, ces gouvernements de la France ont abandonné allégrement les principes qui avaient été les guides de son existence comme Pays des Lumières, et ceci pendant les trois derniers siècles. Ils ont noyé et ignoré le désir profond de tout être humain à la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, créant, par cette fuite en avant « du gagner plus pour devenir esclave de l’argent », une méfiance grandissante vis à vis d’autrui, et une absence de solidarité nationale grandissante. Ils ont, ainsi, provoqué un saut dans l’abîme de la haine, de l’injustice, de la désillusion et du repli sur soi, signes de la destruction de l’unité et de l’harmonie nationales.

Pour la France républicaine, l’application de ces principes, lui donnait à tout moment une indépendance morale, politique et stratégique face au reste des nations et peuples du monde. Force est de constater que dans cette descente vers la perte de sa vraie identité séculaire de porte-voix de la Démocratie, il y a eu un ensemble d’actions qui allaient marquer de façon indélébile l’abandon de cette place, et parmi lesquelles, il faut signaler l’adoption, sans la moindre hésitation, de la politique néolibérale dictée par l’Union Européenne et l’entrée dans l’Alliance Atlantique. Elles signent la perte définitive de cette place d’État souverain et indépendant, défenseur des Droits Humains.

« La France Insoumise ».

Le mouvement « La France Insoumise », l’action de M. Mélenchon, et son programme de gouvernement, cherchaient à rendre à la France cette place perdue.

Malgré ces objectifs louables, la candidature de M. Mélenchon n’a pu obtenir les voix suffisantes pour être au deuxième tour des élections. Il est temps de nous interroger sur pourquoi de cette défaite, malgré ces objectifs patriotiques et de haute action politique de la France Insoumise.

Nous n’aborderons pas l’analyse de son programme de gouvernement, car, nous le partageons dans ses grandes lignes et le considérons comme le seul pouvant mériter un vote majoritaire du peuple français.

Malgré cette conviction, le résultat obtenu n’a pas correspondu à cette attente, nous avons été déçus comme tout partisan de la France Insoumise.

Un programme et un projet politiques.

Afin de mener à bien cette tentative d’analyse, nous partons d’une prémisse qui nous semble essentielle : un programme politique d’un parti n’est pas autre chose que la schématisation et l’ordonnancement des actions qui seraient tenues par un gouvernement élu, afin de satisfaire les espoirs, les illusions et les projections d’un peuple avide et en quête d’avenir. 

Plus simplement, un programme politique est la traduction et l’interprétation des nécessités réelles et des attentes conscientes ou inconscientes d’un peuple. Si ce programme politique correspond à ses attentes, il devrait logiquement obtenir l’approbation de ce même peuple par une majorité dans les urnes lors d’une consultation électorale. La France Insoumise ne l’a pas obtenue de manière suffisante, pour pouvoir continuer à être le porte-parole de ces espoirs et besoins du peuple français dans le deuxième tour de la campagne pour la présidentielle.

Trois facteurs sont à l’œuvre comme conditions déterminant tout mouvement politique ayant l’ambition de vouloir apporter une réponse adéquate aux difficultés, angoisses ou nécessités d’une Nation.

En premier lieu : un programme ou projet politique, de par sa nature même, ne peut résonner en concordance absolue avec la totalité des désirs et des besoins de chaque électeur. S’il peut avoir une certaine concordance, il y aura, toujours, de toute façon, un écart. Prétendre le contraire est une illusion, voire une mission impossible.

En deuxième lieu : il peut se présenter une distorsion ou discordance entre la transmission du programme ou projet de gouvernance et la compréhension, de la part des électeurs, des propositions de ce projet. Ceci par un manque d’adéquation entre celui qui en est le porte-parole ou leader et la transmission des propositions qui prétendent être les bonnes réponses aux besoins de la majorité des électeurs. Ici on peut utiliser la maxime : « traduire ou interpréter c’est trahir  », soit par excès ou par défaut.

A ces deux réalités il faudrait tenir compte que le leader comme tel, a une position paradoxale face aux électeurs, il est, ou il représente le changement, et en même temps la résistance au changement. Il doit être facteur novateur ou révolutionnaire et simultanément garant d’une tradition ou d’une continuité.

En troisième lieu : face à ces deux vérités incontournables et pour pallier les réactions de rejet ou de non adhésion partielle, il faudrait encadrer le programme politique et l’action du leader dans un contexte de perspective à long terme. Exprimé plus simplement : un projet politique doit se placer, non seulement à court et moyen terme, mais avoir une vision et une mission sur le très long terme. Il faut qu’il trace la route pour un peuple ou une Nation au moins pour les 50 années prochaines.

C’est ici que nous semble se trouve le talon d’Achille de la campagne menée par M. Mélenchon, bien qu’elle remplît presque totalement les conditions énoncées.

Facteurs dynamiques profonds dans la campagne de la France Insoumise.

En effet, par l’absence de cette vision à long terme de la Nation Française par tous les partis politiques, il n’est pas surprenant que l’opinion publique française lors du premier tour de l’élection présidentielle se soit fractionnée en quatre parties presque égales en pourcentage.

A l’intérieur de ces quatre grandes tendances, il apparaît une autre division pouvant être cataloguée de division traditionnelle : un groupe que nous pouvons considérer de droite Fillon et de Marine Le Pen, et l’autre, de gauche Mélenchon et Macron. En réalité, cette classification de droite et gauche n’est pas exacte car elle ne corresponde plus à ce que traditionnellement nous avons eu l’habitude de considérer comme de droite et de gauche. En vérité, il n’existe pas ni de vraie gauche ni de vraie droite ; il y a une extrême droite inspirée par les vieux démons du passé et en bonne partie par le néolibéralisme ambiant, et une extrême gauche inexistante, le reste est un melting-pot qui se fait et défait au rythme des modes, tendances et réalités de la vie actuelle. M. Macron se place exactement dans ce mouvement que, déjà, M. Sarkozy avait voulu incarner lors du début de son mandat, en nommant certains ministres supposés être de gauche dans son gouvernement. 

Ce fractionnement actuel de la population électorale française en cinq ou six secteurs d’opinion : les quatre dont nous venons de parler, et le groupe des petits partis, auxquels il faudrait ajouter le groupe des abstentionnistes très nombreux, nous montre un fait presque inédit dans la vie de la politique française depuis un demi-siècle. Mais ceci va de pair avec cette absence d’une vision à très long terme de ce que doit être la France. Quand cette vision existe pour une nation, en général, il y a bipolarisation de la vie politique à l’intérieur de la nation en question ; en son absence il y a fractionnement et éparpillement en groupes sans force politique.

Bien entendu ce fractionnement de l’opinion publique française n’est pas dû au hasard. Elle relève de la crise idéologique qui secoue tous les pays occidentaux, et probablement de l’ensemble du pays du monde et de la France en particulier.

L’écologie en question.

La crise généralisée qui se trouve déjà à nos portes, en raison de la destruction de la Planète par les forces qui l’exploitent sans merci, exige par nécessité consciente ou inconsciente de l’être humain, que tout parti ou mouvement politique adopte un dessein politique face à ce défi.

 Or, aucun corps ou conception idéologique générale et mobilisatrice sur l’homme et sur son avenir, n’est proposée par aucun mouvement politique important soit en France ou en Europe. Le seul credo vanté, loué par une grande majorité de dirigeants et suivi par une bonne partie de l’électorat, est la religion du profit et de l’argent.

Certes, il y a le bricolage politique des mouvements de défense de la nature. Mais ceux-ci, écologiques de nom, agissent plus par nécessité ou par l’angoisse que provoque la destruction de notre Planète, qu’à partir d’une explication du pourquoi nous sommes arrivés à cet extrême : de scier la branche sur laquelle nous sommes assis. La conception marxiste autant de l’histoire que de l’économie n’est pas non plus de grande utilité dans ce défi écologique et dans l’exploitation inconsidéré de la Planète. Naguère, le marxisme plaçait la plus-value comme élément central de l’appropriation et dépossession par les acteurs de la production : patrons et ouvriers, et il avait signalé la possibilité de la lutte de classes comme solution à la dépossession de la classe ouvrière de ce que lui revenait de droit. Mais la conception marxiste actuellement est inefficace comme moyen d’explication et de mobilisation pour la défense de la Planète. Certes, nous pouvons dire que la surexploitation relève de la cupidité capitaliste, mais cette tendance et action d’agression de l’environnement se sont généralisées partout dans le monde et dans les esprits de ses habitants. 

Il serait nécessaire de dévoiler et de saisir la vraie nature de l’être humain, et ainsi élaborer une nouvelle et véritable conception de cet être surprenant, et qui puisse nous faire comprendre son comportement, et nous permettre de trouver une réponse convaincante et philosophique pour contrer ses comportements destructeurs de l’environnement. En effet, qu’elle puisse nous permettre d’expliquer - et convaincre- pourquoi nous sommes obligés, jusqu’au présent, de détruire notre environnement pour vivre ou survivre, comportement bien différent chez la plupart des autres espèces vivantes. Que le capitalisme et les multinationales accélèrent cette situation catastrophique, est une évidence.

Mais la dénonciation et le combat contre le Capitalisme et son fer de lance le Néolibéralisme, ne sont pas suffisants. La décroissance semble être à première vue un vœu pieux, d’où la fragilité des mouvements politiques à orientation écologique.

Malgré toutes ces difficultés M. Mélenchon a su placer une bonne partie de sa campagne politique sous la préoccupation et la nécessité de prendre certaines mesures de type écologique. Mais il n’a pas été entendu par la majorité des électeurs et très probablement, il n’a pas été suffisamment convainquant dans ce domaine.

La sourde oreille à la France Insoumise.

L’homme vit de projets et pour des projets, il doit insérer son existence dans un plan à moyen ou à long terme. La traduction de ce besoin profond de l’être humain par les manipulateurs de la conduite humaine se fait par l’injonction bien connue de : « il faut faire rêver ».

Bien entendu, un parti ou un mouvement politique responsable ne peut pas simplement faire rêver et promettre, mais il doit signaler clairement les objectifs à atteindre immédiatement, et la voie par laquelle il faut cheminer, pour arriver à des buts clairement établis vers le long terme. Ces objectifs doivent être pourvoyeurs d’une possible et probable arrivée lumineuse accompagnée de la grandeur de la Nation à laquelle ses partisans appartiennent.

Il nous semble que M. Mélenchon a placé sa campagne presque exclusivement dans sa lutte contre le Front National, et par les mesures qu’il prendrait une fois élu, mais par cet effort il a perdu la vision du long terme, de l’horizon rédempteur.

Il fallait combattre ce parti d’extrême droite, mais il ne fallait pas centrer toute la campagne contre le Front National, ou contre les forces réactionnaires de droite. La France d’hommes libres, la France des insoumis, ont besoin de voir l’avenir de leur pays comme pivot fondamental du bloc géopolitique européen. Pour cela, il fallait se placer au-dessus de querelles et des obstacles contingents et immédiats afin d’arriver à cet horizon prometteur.

Bien entendu, il a à son crédit d’avoir signalé la nécessité d’une Nouvelle Constitution. 

A tout ceci s’ajoute la dimension personnelle de M. Mélenchon, aussi respectable soit-elle. Nous avons vu pointer à longueur de ses interventions et discours, le sentiment qu’il arrivait trop tard au seuil du triomphe. A plusieurs reprises, il a affirmé qu’à 66 ans d’âge, il n’était pas en train d’initier une carrière politique. Le peuple, ses partisans, un groupe politique, n’aiment pas prendre conscience qu’un désir, un projet, une lutte, puisse s’inscrire dans la temporalité et l’arrêt, et moins encore, envisager la disparition de son leader.

Ces messages étaient paradoxaux : d’un côté M. Mélenchon avait levé les étendards et fanons de la gauche insoumise, souillés par un parti socialiste qui avait renié son passé, et abandonné les fondamentaux de ce qu’est la vie républicaine et démocratique d’un parti de gauche. Et de l’autre côté, M. Mélenchon avec une certaine honnêteté nous disait qu’il arrivait déjà trop tard pour ce possible triomphe, vu ses 66 ans.

Les deux personnes qui sont arrivées au deuxième tour, véhiculaient un discours implicite et explicite totalement à l’opposé de M. Mélenchon, pas seulement dans ses objectifs, mais dans l’assurance qu’ils pouvaient donner de leur vitalité et permanence dans le temps.

Mme Le Pen promettait le retour en arrière, retour à un passé glorieux pour les uns et terrible pour les autres d’une France ségrégationniste, raciste et fondamentaliste, voire même colonialiste. Mais ce discours avait une certaine perspective et force, parce qu’il était un regard « dynamique » vers le passé. Corsetage obtenu par une fermeture « éclair » en acier. Dans un sens tout était déjà connu, valisé, rien ne pouvait effrayer ceux qui l’acceptaient comme solution aux difficultés actuelles, même comme un saut dans l’abîme.

M. Macron par contre, c’est la force et la perspective de la « toupie », aller vite pour continuer à tourner sur le même terrain ; sauter doucement sans s’arrêter de tourner dans les mains de ceux qui l’ont lancé dans le jeu politique par des ficelles bien tissées. Il signifie en réalité l’inscription de la jeunesse dans la continuité et l’enfoncement dans le désastre. Changer les têtes pour faire du neuf sans rien changer du cap ni de système d’exploitation.

 

Hernando RAMIREZ

Le 14/05/2017

92200 Neuilly sur Seine

 


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