Pourquoi la prochaine ne sera pas nucléaire

par CommunArt
vendredi 22 août 2014

(Attention, comme dirait un humoriste bien connu, "si vous êtes venus chercher un peu d'espoir ici, oubliez ça à tout jamais...")

C'est avec une certaine nostalgie que je fredonne encore le refrain de " Russians ", la chanson de Sting (et de Prokofiev au passage) qui nous mettait la larme à l'oeil en s'interrogeant sur l'humanité des monstres russes de la guerre froide. On se demandait alors si les terribles soviétiques étaient capables d'aimer leurs propres enfants ( snif ) car c'était là le dernier rempart qui nous séparait d'une extermination atomique certaine. Mais non.

Nostalgie même si les choses ont bien peu changé depuis. Je m'éveille dans un pays qui chaque jour aboie de plus en plus violemment sa haine des russes, sans rien connaître, sans rien comprendre. Pourvu qu'on l'agace et qu'on lui donne un os à ronger, le bon peuple est toujours prompt à éxécuter les coupables qu'on lui offre. Qu'ils soient rouges, noirs, musulmans, roms, russes. Tout ce qui vient d'ailleurs et qui n'a pas d'étoiles sur son drapeau, en résumé. 

Certains analystes géopolitiques s'alarment, avec intelligence, et s'effraient de cette sensation de spirale qui semble avoir emporté la planète dans une succession de crises plus menaçantes les unes ques les autres. On accuse les uns, on accable les autres. On s'étonne de l'impuissance des politiques, on dénonce la mainmise des médias et des entreprises, mais personne ne semble pouvoir endosser la responsabilité du prochain massacre (pas même Raoul Wolfoni, c'est dire).

 

C'est là qu'il est important d'observer. Observer et comprendre la pièce de théâtre qui se joue devant nous. Représentation permanente assurée par la troupe de nos élus (ou pas) dont le talent, quand on y pense, est absolument sans égal. Combien d'oscars perdus, combien de palmes d'or laissées à l'abandon !

Parfois j'en viens à me demander si l'ENA n'est pas une filiale de l'American Studio... Une sorte de cours Florent ultra-sélectif, destiné à fabriquer les plus habiles comédiens qu'il se puisse trouver. Les comédiens dont on jurerait qu'ils n'en sont pas.

Première et dernière leçon, la candeur. Coefficient : 1000

Je l'avoue, je suis encore très impressionné quand je regarde nos élites réagir aux actualités. Il y a ceux qui pensent qu'untel est gentil, qu'un autre est méchant, qu'ils font ce qu'ils peuvent ou bien que tous sont pourris. On pense ce qu'on veut, mais la chose qu'on ne leur enlèvera jamais, c'est leur faculté à s'émerveiller ! A s'indigner, à s'étonner, à se scandaliser... Nos élites condamnent, dénoncent, s'offusquent, prennent note, réagissent, polémiquent, dans un concert de surprise déconcertante pour des personnes de leur âge et de leur expérience.

Mais au fond, les croyez-vous si naïfs ? Non, bien sûr que non.

Naïfs vous n'êtes point. Vous n'êtes pas non plus ces enfants ignorants et apeurés auxquels les média semblent s'adresser continuellement. Vous enragez face à cette infantilisation permanente du message politique, économique, de tous les messages. Même le sport en est là. Tenez, on ne dit plus homme ou femme, on dit fille et garçon quand on parle de tennis, d'athlétisme, de football... Si c'est pas un signe, mais je dérape.

 

Je lisais il y a peu une analyse à la fois argumentée, lucide et très alarmiste d'un officiel américain ( Paul Craig Roberts ) sur le conflit ukrainien et les possibles répercussions de la nouvelle guerre froide entre les blocs russes et atlantistes.

Ce haut responsable mettait en garde contre l'escalade militaire, dans une démonstration héritée des plus grandes années de l'ère atomique, et j'avoue que les perspectives évoquées avaient de quoi terroriser le lecteur.

Missiles, boucliers anti-missiles, têtes nucléaires, frappes, représailles, tout y était pour que l'on s'imagine déjà dans un futur post-apocalyptique, à gratter la terre noire de nos ongles irradiés en se demandant "comment en est-on arrivé là ?" Une image d'Epinal inversée, en quelque sorte.

 

C'est là qu'est le modeste argument de ce billet.

 

Lorsque j'observe la classe politique dans son ensemble, je n'entends et ne vois que calcul, anticipation, manipulation et enrichissement. Pour parvenir à ses fins, cette classe d'élus et d'élites utilise un arsenal extrêmement varié d'armes et d'outils, de ruses et de stratagèmes. Elle est, d'après moi, à l'exacte opposée de l'image qu'elle s'efforce de nous renvoyer, une image d'humanistes concernés par les problèmes du monde et du peuple, se débattant courageusement contre les difficultés d'un siècle féroce afin de protéger la démocratie, la république, la morale, stop !

 

Pensez-vous réellement que ces dirigeants, parfaitement entraînés à jouer leurs rôles respectifs dans la grande pièce de théâtre dont nous sommes le public ( payant ! ) soient suffisamment stupides pour se bombarder eux-mêmes et renoncer aux privilèges considérables qu'ils ont su accumuler à force de tromperie et de gentilles grimaces ?

Les croyez-vous suffisamment naïfs pour déclencher un conflit qui raserait en quelques minutes leurs villas, leurs magnifiques appartements, leurs berlines, les restaurants dans lesquels ils se retrouvent - tous ensemble, les hôtels de luxe dans lesquels ils se prélassent, leurs bateaux, leurs casinos, que sais-je encore, bref, toute leurs richesses ?

Non. Bien sûr que non.

Ils jouent devant nous l'acte d'une pièce déjà écrite. Ils s'esclaffent, s'insurgent, lancent leurs effets de voix, ouvrent grand leurs yeux, lèvent les bras au ciel, agitent la menace d'une terrible disparition générale.

La guerre nucléaire, ça serait la fermeture définitive du théâtre, pensez-y.

Et ça, ça n'est pas bien.

La guerre nucléaire, on l'évitera (encore) de justesse. A la place on aura la troisième. Une guerre conventionnelle comme on dit. C'est à dire qui respecte le droit des peuples à s'étriper entre personnes civilisées.

Une guerre à l'ancienne, mais avec de nouveaux jouets. Une dont on pourra dire à la fin qu'elle était la dernière, cette fois c'est promis juré, finies les conneries !

Oh elle ne tuera pas comme l'aurait fait un holocauste atomique, rassurons-nous !

Elle balaiera les chômeurs, les vieux, les jeunes désabusés, les énervés, les placides, tous ceux qu'elle jugera bon d'éliminer pour repartir sur de meilleures bases. Elle règlera la crise du logement, du pétrole et de l'énergie. Elle redistribuera quelques cartes, mais les joueurs resteront les mêmes, à peu de choses près. On pleurera les victimes civiles, les femmes et les enfants martyrs - comme si être un homme faisait de vous un candidat volontaire à la boucherie au profit des banques, non mais sans blague !

On laissera juste ce qu'il faut de survivants pour reconstruire, dans l'allégresse et dans la joie, dans la paix des lendemains heureux. Les banques auront survécu, les bourses et les multinationales aussi. Quelques acteurs auront changé, mais la pièce reprendra comme avant, avec des comédiens héros, qu'on célèbrera un peu plus.

A qui aura profité le crime ? Qui aura vendu les armes, les munitions, les bombes ? La nourriture devenue si précieuse ? Les pansements, les médicaments ? Les matériaux pour reconstruire ?

Rien de tout ça ne serait possible avec un conflit nucléaire, et croyez bien que nos maîtres le savent. Croyez bien qu'ils tiennent à leurs acquis bien plus que vous, et qu'ils s'entendront bien tous au moment de la grande épuration, pour se mettre à l'abri de tout perdre. Pas folles les guêpes.

 

On les croit naïfs ?

On les pense bienveillants ?

On les imagine impuissants ?

 

Continuons, c'est exactement ce qu'ils souhaitent.


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