Pourquoi nous sommes à la veille d’une révolution

par ehim
lundi 18 mai 2009

 

Il n’est pas besoin d’être " déclinologue " pour constater que les conditions de vie d’une majorité de la population française se sont dégradées rapidement, depuis l’arrivée au pouvoir de Sarkozy et de ses amis, mais ce gouvernement n’a peut-être pas mesuré, par simple ignorance de certaines règles de la psychologie humaine, à quelle extrémité cette situation peut aboutir.

On trouve pourtant dans l’ouvrage " Influence et manipulation " de Robert Cialdini, docteur en psychologie sociale, enseignant à l’Université d’Arizona, des indices qui devraient mettre la puce à l’oreille des dirigeants français et les inciter à la prudence, à moins qu’ils n’aient décidé d’aller délibérément à l’affrontement avec leur propre peuple, ce qui ne peut pas être exclu. 

Ce principe élémentaire, qui gouverne les agissements des humains dès leur plus jeune âge et qui est utilisé par tous les commerciaux, publicitaires et autres manipulateurs, s’appelle " le principe de rareté ". Pour le résumer en peu de mots, on peut dire que plus une chose est rare, plus elle suscite le désir. Les occasions de satisfaire une envie nous paraissent plus intéressantes lorsqu’elles sont exceptionnelles. Pendant une conversation avec une personne présente en face de moi, je décroche quand même mon téléphone s’il sonne parce que j’ai peur de manquer un appel important. Les timbres qui ont le plus de valeur pour les philatélistes sont ceux qui ont des défauts parce qu’ils sont les plus rares … etc.

Le pire est que le désir de possession s’accroît quand l’objet est également désiré par d’autres en même temps. C’est ce qu’utilise le vendeur de voiture d’occasion ou de maison qui vous prévient qu’il a un autre acheteur qui vous soufflera l’affaire si vous ne vous décidez pas rapidement.

Mais il existe un phénomène concomitant au précédent qui devrait inquiéter les politiques et les amener à s’intéresser aux résultats des recherches faites par les spécialistes en psychologie sociale.

La théorie de la réactance psychologique exposée par Jack Brehm (1966, 1981) montre que chaque fois que nous pensons que notre liberté est limitée ou menacée, nous y attachons soudain plus de prix et nous estimons davantage les biens qui y sont liés. C’est ce qui explique que lorsqu’un objet se raréfie ou qu’une cause quelconque nous empêche de l’obtenir, nous réagissons en le désirant et en le recherchant davantage parce que la baisse de l’opportunité de le posséder réduit notre marge de liberté.

C’est un phénomène qui apparaît chez les enfants au cours de leur troisième année et ceux qui ont élevé des enfants connaissent bien cet âge des caprices. C’est à cet âge-là que l’enfant commence à se percevoir comme un individu autonome détaché de son environnement proche et prend conscience de sa liberté individuelle.

On retrouve le même phénomène à l’adolescence, au sortir de l’enfance, quand apparaît le désir de s’affranchir de la tutelle parentale. La meilleure illustration de ce phénomène est le syndrome de Roméo et Juliette qui pousse certains jeunes à s’opposer à leurs parents pour vivre leurs aventures amoureuses, l’intensité de la liaison amoureuse devenant proportionnelle à l’opposition de leurs familles respectives.

Ce phénomène se traduit, d’une manière générale, par la tendance à désirer plus fortement et à attribuer plus de valeur à ce qui est interdit, à ce qui risque de manquer à court terme ou à une chose pour la possession de laquelle on est en compétition avec d’autres. La prohibition augmente la contrebande, la censure augmente le désir de s’informer, on se rue dans les magasins au moment des soldes, une information présumée secrète ou confidentielle est considérée comme plus importante et on est fier d’être dans " le secret " des Dieux, etc.

Ce que nos gouvernants ignorent peut-être, c’est que les réactions provoquées par la rareté subite d’un objet de désir ont des implications dans le domaine politique et peuvent être une source de troubles et de violences à l’échelon de Sociétés tout entières.

James Davies (1962, 1969) a montré que les révolutions se produisent quand une période d’amélioration économique et sociale est suivie d’un revirement brutal de la conjoncture. Historiquement, ce ne sont pas les catégories opprimées, pour lesquelles rien n’a jamais évolué, qui se révoltent, mais ceux qui ont vu leurs conditions de vie s’améliorer et les tiennent pour acquises et n’acceptent pas de perdre subitement leurs acquis. L’étude des révolutions au cours de l’Histoire montre qu’elles ont toujours succédé à une dégradation brutale des conditions de vie des peuples concernés. Les exemples ne manquent pas mais l’expérience la plus récente est la révolte des Russes contre les putschistes qui, en août 1991, avaient tenté de renverser Gorbatchev pour mettre fin à la libéralisation du régime, alors que tout le monde s’attendait à ce que le peuple russe se résigne.

Or, que se passe-t-il en France actuellement, si ce n’est cette tentative du Gouvernement de revenir sur ce que les classes populaires considèrent comme des acquis : assurance maladie, éducation gratuite, pouvoir d’achat, présence des services publics sur tout le territoire, presse indépendante, libertés individuelles (fumer, faire la fête, etc) ?

Si la théorie de Davies est juste, on peut donc prévoir sans trop se tromper que, conformément aux implications du principe de rareté et de la réactance psychologique, si le Gouvernement actuel continue d’œuvrer à la dégradation rapide des conditions de vie que les classes populaires majoritaires considéraient comme acquises, un épisode révolutionnaire devrait se produire en France dans les mois ou les années à venir.
La seule question qui reste n’est donc pas " Pourquoi une Révolution ? " mais " Quand ? "


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