Pourquoi un candidat communiste ?

par Pingouin094
jeudi 6 mai 2021

La conférence nationale du PCF du 10 et 11 avril a proposé au vote des communistes les 7, 8 et 9 mai, d’investir un candidat communiste à l’élection présidentielle. Je soutiendrai cette proposition. Pourquoi ?

Tout d’abord, parce je ne crois pas qu’une candidature d’union de la gauche soit la solution

En politique, l’union peut selon le contexte faire plus ou faire moins que l’addition de chacune des forces qui la compose. Elle fait plus quand elle créée une dynamique nouvelle qui permet d’agréger au-delà de ces différentes forces. Mais si elle se fait sur le plus petit dénominateur commun, « tout sauf un 2ème tour Macron – Le Pen » en ce qui nous concerne, elle laissera au contraire sur le côté tous ceux qui trouveraient cela insuffisant.

« Le problème de la gauche, ce n’est pas sa division, c’est sa faiblesse » dit Fabien Roussel. Et effectivement, la division de la gauche en 2012 n’a pas empêché François Hollande d’être élu Président de la République. Ce qui a empêché la gauche d’atteindre le 2d tour en 2017, ce n’est pas non plus sa division mais plutôt le bilan catastrophique de Hollande qui a terriblement déçu de « la gauche » (si tant est qu’Hollande était de gauche, mais c’est un autre débat.

En 2021, aucune force de gauche n’est en position de force. Le PS n’est pas sorti du marasme dans lequel l’a plongé Hollande ni n’en a effectué un « droit d’inventaire » selon la formule célèbre. Jean-Luc Mélenchon a dilapidé le capital acquis en 2017 par différents errements politiques. A EELV, Le combat idéologique est intense pour déterminer si cette formation doit rester arrimer à la gauche ou s’en éloigner. Son principal prétendant à l’investiture, Jadot, est partisan du « ni-droite, ni-gauche ».

Mais surtout, le clivage « libéral » / « anticapitaliste » est plus fort qu’auparavant au sein de la gauche, une grande partie d’EELV et du PS étant de facto devenu de centre gauche, voir tout simplement centriste, adepte du libéralisme, et parfois « macron-compatible ». Que peut-on construire de solide avec ces deux formations ? Comment créer un engouement, un espoir partagé par le peuple de gauche en essayant de trouver un compromis impossible entre la remise en cause du système capitaliste et son accompagnement. D’autant plus aujourd’hui où François Hollande nous a montré ce que pouvait donner l’aménagement du capitalisme à la sauce socialiste.

De plus, toute l’analyse sur la nécessité d’une union porte sur les conditions d’accès au 2d tour. C’est effectivement un préalable indispensable à la victoire, mais ça n’est pas, ça n’est plus, suffisant. En effet, les sondages d’opinions montrent qu’aujourd’hui les politiques de main-tendue vers l’extrême-droite de la part de la droite et du macronisme ont porté leur fruit : le « front républicain » n’existe plus pour de nombreux électeurs. Le journal « Libération » titraient il y’a quelques temps sur les électeurs de gauche qui ne choisiraient plus entre Macron et Le Pen au 2d tour. A droite, c’est pire. Les sondages d’opinions indiquent que pour de nombreux électeurs de droite ou macronistes « Plutôt le RN que la gauche », et c’est d’autant plus vrai quand le candidat testé a des valeurs de gauche fortement ancré. Hidalgo aurait quelques chances face à Le Pen, Mélenchon aucune.

Tout ceci pour dire que dans les circonstances actuelles, l’union court à l’échec et ne peut être la solution. Elle ne ferait au contraire que désespérer un peu plus ce qu’il reste de peuple de gauche en France, par ces renoncements, ces mauvais compromis et son échec final.

Le ralliement derrière Mélenchon seul ?

Le PCF a déjà soutenu Jean-Luc Mélenchon par deux fois. Si on met côte à côte les deux programmes, il y’a effectivement dans le détail des mesures concrètes une grande compatibilité. Certaines différences peuvent être monter en épingle pour expliquer les divergences indépassables ou bien être aplanie pour chercher un compromis, selon le goût de chacun

Mais dans ces conditions, il y’avait néanmoins une raison importante pour que Jean-Luc Mélenchon n’ait accepté le soutien du PCF qu’à contrecœur en 2017. Au-delà des petites phrases (« la mort et le néant », « astre mort », « ancien monde »…), Jean-Luc Mélenchon a construit LFI sur une orientation politique différente : rejeter le clivage droite gauche et inventer une nouvelle conception de la lutte des classes « le peuple contre l’oligarchie » dans lequel le PCF n’a pas sa place. LFI oscille toujours entre un positionnement clairement à gauche, nombre de ses militants en sont, et un positionnement populiste partagé par nombre de ses dirigeants mais aussi de militants. Dans le programme l’AEC, la notion de rupture avec le système capitaliste n’existe pas. « Reprendre le pouvoir sur la finance » ce n’est pas tout à fait la même chose dans la finalité, même si les premières mesures peuvent se ressembler.

Par ailleurs, depuis 2017, Jean-Luc Mélenchon a toujours voulu capitaliser son très bon score en cherchant à devenir hégémonique à gauche par l’écrasement des autres forces politiques, notamment le PCF. Il est d’ailleurs à noter qu’en 2019, pour les élections européennes, les divergences PCF-LFI sur l’UE étaient indépassable selon la LFI. Aujourd’hui, dans le comparateur de programme mis en ligne par LFI, il y’a convergence totale ! Mais si Mélenchon dit considérer l’union avec le PCF comme naturelle aux présidentielles, il a fait le choix de favoriser la recherche d’alliance avec EELV aux régionales. Ces vas et viens dans la stratégie d’alliance démontre que la ligne stratégique de LFI n’est pas dans un positionnement clair face au capitalisme et dans la construction d’un rapport de confiance avec les autres organisations qui s’en revendiquent également.

Dans ces conditions, les proximités de programme permettent de construire des convergences dans les luttes et même des convergences électorales locales là où cela peut se faire avec la composante sincèrement de gauche de LFI. Mais pas au plan national, à une élection présidentielle.

Le PCF devrait-il ne pas participer à l’élection ?

Le PCF a toujours été contre le système présidentiel français, et prône une VIème République qui le remplace par une démocratie parlementaire élue à la proportionnelle. L’élection présidentielle, scrutin uninominal, écrase et pervertie la vie politique française. La tentation existe de simplement refuser de s’inscrire dans un système que nous dénonçons.

Mais aujourd’hui, refuser de participer à l’élection présidentielle, ce serait en subir tous les travers sans en retirer aucun bénéfice. L’élection présidentielle est LE moment où le corps électoral est le plus disponible et le plus à l’écoute des projets politiques de chaque formation. Que serait un parti à prétention nationale qui en serait absent ? De plus, nous avons pu mesurer en 2017 la difficulté de faire campagne pour les élections législatives sans bénéficier de la dynamique d’une élection présidentielle préalable.

Ne pas participer à l’élection présidentielle, ce serait dès lors volontairement cantonner le parti communiste à n’être qu’une petite formation autour d’enjeux locaux voir d’élus locaux sans plus de prétention à vouloir changer la société.

Les atouts d’une candidature communiste

Il serait à ce stade très présomptueux de penser qu’une candidature communiste puisse inverser la spirale de défaite dans laquelle l’ensemble de la gauche est enfermé. Néanmoins, l’échec de toutes les autres pistes est quasi-certain. Une candidature communiste autonome est le seul chemin dont l’issue n’est pas déterminée.

Dans les sondages, la gauche pèse un peu plus d’ ¼ de l’électorat. Dans ces conditions, sans élargir cette base, notamment en allant chercher les abstentionnistes, aucune victoire de la gauche n’est possible, ni à court, ni à moyen terme.

Et pourtant, les crises à répétitions que nous vivons, « subprime » il n’y a pas si longtemps, « COVID-19 » aujourd’hui nous montre que le système capitaliste est à bout de souffle. Il y’a un an, l’expression « le jour d’après » suscitait l’espoir d’un monde nouveau. Cette flamme peut être rallumée. C’est ainsi, et seulement ainsi que nous arriverons à reconstruire un « peuple de gauche » majoritaire dans le pays, tout autant qu’à casser l’idée que la seule alternative pour changer de société serait le Rassemblement National.

Le PCF, par ses propositions d’une autre société anticapitaliste, communiste et par son positionnement de parti prêt à prendre ses responsabilités dans la conquête du pouvoir (à la différence de LO ou NPA), à les mettre en œuvre à l’échelon local peut être de ceux qui jouent ce rôle.

Le PCF a aujourd’hui, hormis dans quelques bastions, un poids électoral extrêmement faible. Mais ces quelques lieux où le PCF a encore un auditoire important montre que là où la situation locale lui permet de faire la démonstration de son utilité, de son efficacité, de la pertinence de ses propositions, il peut encore largement convaincre. Participer à l’élection présidentielle peut être un acte lui permettant de rebondir, de reconquérir un électorat. Cette reconquête ne sera pas nécessairement sur le dos d’autres forces politiques de gauche mais bien plutôt sur les abstentionnistes, et ce faisant il pourra contribuer à renforcer la gauche de rupture avec le système capitaliste.


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