Premiers pas vers une union de l’opposition ?

par Voltaire
mardi 25 août 2009

Qualifiés d’ « événement historique dans l’histoire de la gauche française » par son promoteur Vincent Peillon, les ateliers d’été du courant progressiste du PS « L’espoir à gauche » qui se sont déroulés les 21-22 août dernier à Marseille ont secoué le landerneau politique.

Le pari était risqué : alors que les partis d’oppositions se confrontent durement en prévision des élections régionales, et que le PS n’en fini pas de s’entre-déchirer, l’ex-futur premier secrétaire délégué du parti socialiste (si Ségolène Royal avait été adoubée) avait rassemblé autour de lui Daniel Cohn-Bendit (Europe-Écologie), Marielle de Sarnez (MoDem), Robert Hue (PCF) et Christian Taubira (PRG) pour un débat inédit sur le thème : « Une nouvelle majorité progressiste pour la France : comment et avec qui ? ».


Pari réussi si l’on en croit l’enthousiasme des quelques 1500 participants lors de ce débat et surtout les retombées médiatique de l’évènement, omniprésent dans les journaux.

Il faut dire que Daniel Cohn-Bendit avait ouvert la voie lors de l’université d’été d’Europe-Écologie la veille, en déclarant : « Il faut prendre à Sarkozy ce qu’il n’a pas, c’est-à-dire un projet émancipateur qui parle des problèmes d’aujourd’hui. Pour cela, il faut changer la gauche, même s’il faut y ajouter le MoDem ». Face aux contestations internes, il en avait rajouté une couche : « Si vous voulez une majorité, il faut aller chercher les gens là où ils sont, pas là ou vous êtes ! ».

Mais c’est Marielle de Sarnez, la numéro 2 du Mouvement Démocrate, qui emportait la mise en recueillant une standing ovation pour son discours dans lequel elle déclarait, tout en assumant son origine centriste : « Nous venons d’horizons divers mais nous partageons la même inquiétude pour notre pays. Et nous portons, je le crois, pour l’essentiel, le même jugement sur le pouvoir en place. Nous n’aimons ni sa façon de faire, ni sa façon d’être… Ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise ».

Dire que cette réunion a fait l’effet d’un pavé dans la mare dans la gauche française serait un pléonasme.

A gauche de la gauche tout d’abord, on a senti la menace. Pour le NPA, Olivier Besancenot s’est empressé de qualifier de « manœuvres » ces débats et d’appeler au « rassemblement anticapitaliste ». Il est vrai qu’une telle alliance ruinerait toute possibilité pour le NPA de participer à des exécutifs avec le PS. Or, c’est ce que réclament de façon croissante ses propres membres, en rupture avec les positions traditionnelles du mouvement trotskiste. Encore plus embarrassante est la situation du Parti Communiste vis-à-vis d’un tel accord, qui gère avec le PS de nombreuses régions. La présence de Robert Hue au débat de Marseille d’un côté et les réactions indignées d’autres responsables communistes de l’autre augurent de sérieuses discussions entre tenants d’une ligne dure et pragmatiques.

Chez les écologistes, le clivage apparaît entre militants et responsables Verts traditionnels, partisans d’un rassemblement uniquement réservé aux partis de gauche, et nouveaux venus de la société civile, beaucoup plus favorables à un accord englobant l’ensemble de l’opposition. C’est donc toute la stratégie d’ouverture d’Europe-Écologie, par rapport à la politique traditionnelle des Verts, qui est mise en cause. La suite dépendra largement de la résistance à l’usure de Daniel Cohn-Bendit. Artisan de l’ouverture, il a mené au succès les écologistes aux européennes mais sa stratégie se heurte aux positions traditionnelles des Verts, dont certains responsables subissent aussi les pressions « amicales » de la part de leurs alliés socialistes qu’Europe-Écologie menace de façon importante dans les régions.

Le Parti Radical de Gauche, après avoir été satellisé par le PS, était en passe de perdre son âme suite aux offres de Nicolas Sarkozy à ses quelques parlementaires restant en échange d’un plat de lentilles. Cette alliance représente ainsi son dernier espoir de sauvetage. Voici bien longtemps que sa dernière figure présentable, en la personne de Christine Taubira, a perdu ses illusions vis-à-vis de ce parti sans éthique, mais une telle alliance lui permettrait de partir la tête haute.

Mais c’est bien sûr au Parti Socialiste, le parti aux milles chefs, que ce débat a suscité les remous les plus visibles, tant il est vrai que toute référence au MoDem suffit à jeter le moindre responsable socialiste dans un état d’agitation incontrôlable. A la gauche du PS, Benoit Hamon avait bien sûr ouvert le bal des commentaires en fustigeant par avance toute idée d’alliance nationale avec un parti qualifié de « libéral », ce qui fera sans doute frémir d’indignation les militants du MoDem. Cette position a bien sur était reprise par Laurent Fabius ce matin. Plus prudemment, Arnaud Montebourg préfère appeler à l’union de la gauche d’abord, en supposant que le MoDem suivra nécessairement un tel rassemblement, façon commode de botter en touche. Déjà déchiré par la question de son leadership et des multiples propositions de primaires qui se croisent, le PS offre donc à son premier secrétaire un sujet de discorde de plus pour son université d’été. Gageons que les débats de fond n’intéresseront une nouvelle fois guère les journalistes à la Rochelle, tant le spectacle politique de ce parti leur paraitra incomparablement plus vendeur.

A droite, les responsables de l’UMP sont restés prudemment en retrait face à une initiative qui présente un risque considérable pour ses élus. Après la poursuite de droitisation de ce parti provoquée par l’absorption du courant de Philippe de Villiers, la création d’une telle alliance de l’opposition modérée représenterait en effet une proposition d’alternative infiniment plus dangereuse que celle d’un parti socialiste déchiré. Si les cadres de l’UMP se sont donc soigneusement abstenus de toute réaction, les électeurs eux ne s’y sont pas trompés : dans un sondage publié dans Libération aujourd’hui, on apprend que si les électeurs socialistes (comme ceux du MoDem comme l’indiquaient d’autres études) sont en majorité favorables à un accord avec le MoDem, les électeurs dans leur totalité (et donc surtout ceux de droite et d’extrême gauche) y sont très opposés, ces derniers ayant sans doute compris le risque d’un tel accord pour leur parti préférentiel.


Très commenté, ce débat aura certainement permis à Vincent Peillon et aux socialistes modérés du courant Royaliste de se mettre en avant, même si Ségolène Royal s’est habilement mise en retrait afin d’éviter toute image de division. Reste à savoir si l’idée d’une plateforme politique commune, proposée par Daniel Cohn-Bendit, réussira à franchir les obstacles nombreux posés sur son chemin. Pour le MoDem, nul doute que ce débat, qu’il appelle de ses vœux depuis sa création, et qui provoque tant de division à gauche, n’arrive à point nommé pour faire oublier un score décevant aux élections européennes. S’il parvient à emboiter le chemin d’Europe-Écologie dans le débat de fond et la proposition de politiques alternatives, François Bayrou se sera vu remis en selle plus rapidement que prévu. Car avec le retrait de D. Cohn-Bendit de la course aux présidentielles, et en l’état actuel du PS, ce débat et la perspective d’une alliance de l’opposition modérée profite à trois présidentiables potentiels : Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et François Bayrou.

Crédit photo : AFP
 

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