Présidentielle : les enseignements du 1er tour

par Fergus
lundi 24 avril 2017

Les urnes ont rendu leur verdict. Et s’il est une surprise à constater, c’est qu’il n’y en pas eu, les instituts de sondage ayant fourni avant le scrutin des copies quasiment irréprochables, en donnant tort aux nombreux cassandres qui leur promettaient un cuisant échec. Sur le plan politique, ce sera donc la finale annoncée, avec un duel opposant le libéral Emmanuel Macron à la populiste Marine Le Pen...

Emmanuel Macron et Marine Le Pen (photo Atlantico)

Quelle que soit l’opinion de chacun sur le positionnement socioéconomique de Macron, force est de reconnaître que le leader d’En Marche ! a réussi un pari fou en se qualifiant pour le 2e tour de la présidentielle, avec les plus grandes chances désormais de devenir le 8e président de la Ve République. À 39 ans, l’exploit politique est appelé, n’en doutons pas, à avoir un retentissement international considérable et, sur le plan intérieur, à rebattre totalement les cartes politiques du fait de la « ringardisation » des vieux partis de gouvernement, passés sans gloire à la trappe au prix d’un cuisant échec en cette soirée du 23 avril.

Inconnu il y a 3 ans, cet ancien banquier d’affaires passé par le secrétariat général adjoint de l’Élysée puis par le ministère de l’Économie, a su s’exfiltrer du gouvernement au bon moment pour lancer son mouvement politique en coupant l’herbe sous le pied de Valls qui envisageait une stratégie identique. Ce faisant, Macron a lancé et réussi une OPA sur un centre orphelin de candidat en attirant vers lui nombre d’élus et d’électeurs allant des hollando-vallsistes – eux-mêmes sans représentant du fait de la victoire de Hamon lors de la primaire PS-PRG – aux juppéistes ostracisés par les tenants de Sarkozy et de Fillon.

La suite est connue : malgré les chausse-trappes, les rumeurs, les procès en inexpérience et une incrédulité traduite si souvent par le qualificatif de « baudruche », Macron a – en à peine plus d’un an ! – su conquérir peu à peu un nombre suffisant d’électeurs pour réussir son pari. Contrairement à ce qui a été souvent affirmé sur les réseaux sociaux, l’homme séduisait et ce n’est pas un hasard si l’on a assisté partout dans le pays à la multiplication des comités de soutien et au ralliement d’un nombre considérable d’élus et de militants de terrain de tous bords, conquis par le positionnement « ni de gauche ni de droite » du candidat d’En Marche ! L’arrivée à ses côtés de quelques poids lourds lui a donné la caution de crédibilité qui lui manquait.

Avec 23,75 % des suffrages, Macron sera opposé le 7 mai à Le Pen, créditée quant à elle de 21,53 %. Un résultat nettement en retrait des attentes du Front National, comme le confirmait l’attitude agressive des Alliot, Bey et Philippot sur les plateaux de télévision. À l’évidence, le FN ne disposera pas, avec ce score décevant, de la dynamique que ses cadres espéraient pour tenter de déjouer les prévisions d’échec lors du 2e tour. Sans doute faut-il voir dans cette relative contre-performance la conséquence d’une stratégie de campagne inadaptée à l’électorat du Front, malgré un retour tardif sur les fondamentaux synthétisés par la règle des « Trois I » : Immigration, Intégration, Insécurité.

Donné troisième du scrutin avec 19,91 %, Fillon perd une élection réputée « imperdable » à l’issue de la primaire de la droite et du centre. La faute évidemment aux révélations du Canard Enchaîné et de Médiapart sur des turpitudes financières qui ont révélé un individu cupide, manipulateur et menteur, aux antipodes du profil de probité que s’était construit cet homme au look plutôt rassurant de notaire de province. Mais Fillon n’est pas le seul responsable de cet échec cinglant : tous les caciques des Républicains sont co-responsables de cette bérézina de leur parti dès lors qu’ils ont refusé de mettre en œuvre le plan B Juppé que leur imposait les désastreuses révélations médiatiques. Fillon avait pourtant perdu toute légitimité, le vote des électeurs de la primaire ayant très largement été conditionné par l’honnêteté présumée du Sarthois. LR risque donc de payer au prix fort dans les semaines à venir les atermoiements de coulisse induits par des rivalités souterraines exacerbées.

Quatrième de ce 1er tour avec 19,64 % des voix, Mélenchon n’a pu masquer hier soir son immense déception. Auteur d’une très belle campagne débarrassée des excès du « bruit » et de la « fureur » qui l’ont pénalisé en 2012, le candidat de la France Insoumise a su, grâce à ses immenses talents de tribun, mettre en valeur le contenu programmatique de l’Avenir en commun et rallier à lui des indécis en quête d’un projet de progrès. Mais pas seulement : il a également siphonné très largement les voix du candidat socialiste et contribué de ce fait à une future et inévitable recomposition de la gauche. 

Crédité de 6,35 %, Hamon paie tout à la fois son inconsistance et les trahisons des caciques hollandais et vallsistes. Avec un score aussi désastreux – à peine supérieur à celui de Defferre en 1969 –, le Parti Socialiste se trouve confronté à une grave crise identitaire : écartelé entre le centre macronien, qui va probablement phagocyter le social-libéralisme, et la gauche de progrès désormais solidement installée dans le paysage politique, le PS va devoir affronter dans les pires conditions des législatives d’autant plus périlleuses que les militants de la France Insoumise auront à cœur de lui faire payer la non-qualification de Mélenchon. Et pour cause, il a manqué moins de 2 % des voix à Mélenchon, soit un petit tiers du score de Hamon : un retrait du candidat PS, et la face de la présidentielle en eût été changée. Hamon portera la responsabilité de cet échec du candidat de la FI.

Dupont-Aignan, avec ses 4,75 %, a incontestablement pris des voix à Le Pen et Fillon. Malgré un meilleur score qu’en 2012, le candidat souverainiste ne parvient pas à passer la barre des 5 % et ne sera donc remboursé que du dizième de ses frais de campagne. Une déception pour le leader de Debout la France, pourtant auteur d’une campagne déterminée et opiniâtre.

Pour ce qui est des autres candidats, pas grand-chose à dire, sinon que les trotskystes (Poutou et Arthaud) sont restés fidèles à eux-mêmes, à savoir porteurs d’une analyse pertinente des carences de la société française en matière socioéconomique, mais sans volonté d’accéder à un pouvoir dont ils estiment qu’il ne pourra être conquis que dans un cadre révolutionnaire. Quant au baroque Lassalle et à Cheminade, il n’y a rien à en dire tant on a peu retenu de leurs interventions, sinon la sympathie qu’ils inspiraient.

Reste l’étrange cas d’Asselineau dont les militants ont, sur le net, multiplié depuis des mois les interventions pour marteler le message anti-européen formaté par leur énarque de chef (certains parlent de « gourou »). Un activisme qui a parfois frisé le harcèlement et qui s’est révélé au final extrêmement décevant : avec environ 0,9 % des voix, Asselineau est très loin de ses espérances et a fortiori des scores annoncés par ses troupes. La faute à une désespérante absence de charisme. Asselineau avait pourtant des idées structurées à défendre ; enfermé dans une attitude et un discours technocratique, il a été très largement inaudible.

En guise de conclusion, ce que l’on retient de ce 1er tour, c’est le « dégagisme » qui a conduit les électeurs à balayer tout à la fois le Parti Socialiste et Les Républicains. Certes, ces derniers espèrent encore une cohabitation qui leur redonnerait les clés du pouvoir. C’est oublier que les Français sont légitimistes et, comme en 1981, devraient donner une majorité au vainqueur de la présidentielle.


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