Procès Chirac : François Bayrou lève un loup sur la question de constitutionnalité

par Marianne
vendredi 11 mars 2011

Mercredi 9 mars 2011, François Bayrou était l'invité de Christophe Barbier sur LCI (voir video). Parmi les divers sujets évoqués (Libye, Sondages, procès Chirac...), l'un a retenu particulièrement mon attention : celui de la Question Prioritaire de Constitutionnalité, évoquée pour justifier le report du procès Chirac. Il se trouve que personne ne paraît avoir pris la mesure de la gravité des conséquences qu'aurait une réponse positive du Conseil constitutionnel à la requête, bien au delà de celle d'une annulation de ce procès Chirac : celle d'une annulation ou d'un blanchiment de nombreuses affaires de délits financiers, publics ou privés, en cours.

François Bayrou dit la chose suivante : " La Question Prioritaire de constitutionnalité pose un problème de principe dangereux pour deux raisons :

1- Le procès n'aura pas lieu avant les élections présidentielles [...], ceci démontre un passe-droite inquiétant,

2- et, beaucoup plus grave : il s'agit d'une mécanique qui vise à effacer d'un seul coup d'éponge toutes les poursuites initiées contre des délits financiers de responsabilité publique ou d'entreprises privées ; elle met à bas le pilier sur lequel reposent toutes ces poursuites qui est qu'on ne peut pas accepter que soit prescriptes des affaires dès l'instant qu'elles ont été dissimulées pendant des années. En effet, la jurisprudence a dit [en dérogation à la loi s'appliquant aux affaires publiques en général] qu'il n'y a alors pas prescription, on peut poursuivre en se basant sur un délai courant à partir du moment où l'on découvre le délit."

La jurisprudence a toujours admis que pour les délits financiers qui ont fait l'objet d'une dissimulation et donc d'une découverte tardive, la loi de prescription des faits au delà d'un délai (de trois ans) devait être interprêtée en faisant courir ce délai de prescription à partir de la date de découverte du délit et non de la date du délit lui-même (car bien souvent les délits financiers, d'abus de bien social, sont dissimulés, donc découverts tardivement). Or, la requête vise à faire trancher le Conseil constitutionnel sur cette question de jurisprudence, c'est à dire en confirmer la nullité, au motif que la notion de "dissimulation" est vague, la Cour de cassation n'ayant jamais donné une défition structurée de la notion de dissimulation. Si une telle décision était confirmée, cela s'appliquerait en effet à toutes les affaires de délits financiers en cours dont les faits, antérieurs à leur découverte, tomberaient sous ce délai de prescrition à partir de la date du délit et non de sa découverte. C'est extrêmement grave, bien plus grave dans ses conséquences que la simple annulation du procès Chirac !

J'espère que les magistrats, la presse et d'autres personnalités politiques réagiront à cette alerte de François Bayrou. 

Pour expliquer le contexte et accéder aux textes  :

Me Jean-Yves Le Borgne, qui représente le promoteur immobilier Philippe Smadja dans ce procès de détournement du 1% logement des organismes HLM, est à l'origine des deux QPC soulevées à l'ouverture du procès devant la 15e chambre du tribunal correctionnel de Nanterre, qui portent sur des points très techniques relatifs à la prescription concernant la connexité et à la dissimulation des faits. Il entend réitérer l'exploit procédural qu'il a réussi dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris.

L'affaire concernant son client est en effet connexe à celle concernant Jacques Chirac et les emplois fictifs de la Ville de Paris.

L'alerte de François Bayrou porte sur la deuxième QPC, concernant la dissimulation d'abus de biens sociaux.

Voir article publié le 7 mars 2011 par le site Lacroix.fr, avec références et textes joints  :

http://www.la-croix.com/QPC-pour-connexite---Proces-Jacques-Chirac-%28de...

Notamment la question concernant la dissimulation d'abus de biens sociaux : http://www.la-croix.com/illustrations/Multimedia/Actu/2011/3/7/QPCAbusBi...


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