PS : Parti suicidaire ?

par Chem ASSAYAG
jeudi 3 janvier 2008

Lorsque les historiens de la politique française se pencheront sur le début de ce siècle, ils ne manqueront pas de s’interroger sur les tentations suicidaires du Parti socialiste.

Pourquoi le PS est-il en si mauvais état, invisible et inaudible ? C’est une question importante pour la santé de notre démocratie, à un moment où la présidence de Nicolas Sarkozy tient plus du grand Barnum d’un côté, et d’une conception égotique du pouvoir (moi, moi, moi et par extension ce qui est bon pour moi est bon pour tous) de l’autre. Sans opposition crédible, il n’y a pas de contre-pouvoir, de garde-fous aux excès d’une présidence ivre d’elle-même.

Il nous faut sans doute retenir deux dates fondamentales dans cette lente décomposition (implosion ?) du PS : le 21 avril 2002 et le 29 mai 2005. La première est liée à un suicide individuel, la seconde à un suicide collectif.

Le 21 avril 2002 au soir de sa défaite au premier tour de l’élection présidentielle Lionel Jospin en annonçant son retrait de la vie politique a laissé le PS sans leadership. Si le geste est respectable d’un point de vue humain, il a des conséquences terribles sur le plan politique ; en effet, par sa soudaineté, il désoriente les électeurs, libère les rivalités de personnes et les ambitions internes, et enfin crée le vide programmatique. Le PS se retrouve orphelin d’un chef, et ce pour longtemps car aucune personnalité n’a réussi à s’imposer comme le vrai patron du parti depuis cet épisode.

La date du 29 mai 2005, celle du référendum sur la Constitution européenne, procède d’une logique de renoncement collectif. Tout d’abord le PS subit une défaite puisque c’est le NON qui l’emporte alors qu’il préconisait officiellement le OUI. Ensuite, et de façon plus importante et dommageable pour son fonctionnement, en laissant ouvertement des personnalités-clés du parti faire campagne pour le NON, le PS montre qu’il n’y a plus de ligne claire au sein de l’organisation et que désormais les querelles de chapelle et de courants dominent. Sur ce sujet fondamental pour notre pays qu’est l’Europe la désunion n’était pas la pluralité, la dissonance n’était pas la richesse des opinions.

Si on se réclame du parti et qu’on préconise le contraire de ce qui est décidé, où est la cohérence ? Si le PS n’est plus capable de réunir les siens sur une politique unique, quelle qu’elle soit, il devient alors définitivement le parti des dissensions et des guerres internes. La direction du PS de l’époque en ne prenant pas ses responsabilités, c’est-à-dire en faisant jouer la discipline, quitte à exclure les « dissidents » a laissé le mal des égoïsmes s’installer durablement.

Dans ce contexte il faudra aussi s’interroger un jour sur le rôle de Laurent Fabius, qui porte une lourde responsabilité dans ce suicide collectif ; en outre, que l’ancien Premier ministre ait été d’un cynisme absolu ou d’une sincérité désarmante, son choix lors du référendum ne lui aura finalement servi à rien car il a plus ou moins disparu de la scène nationale.

Le PS ne s’est pas remis de la campagne référendaire et des tensions au grand jour, gérant la préparation et l’exécution de la campagne présidentielle avec un amateurisme confondant. Sans volonté collective de gagner n’apparaît plus que la tentation de faire perdre l’autre, ou l’ambition de réussir à se caser coûte que coûte comme le montre le ralliement de certains socialistes à Nicolas Sarkozy.

Pendant ce temps en Europe, ou ailleurs, d’autres partis socialistes se portent plutôt bien : le PSOE de Zapatero en Espagne est bien placé pour remporter les prochaines élections législatives en mars prochain, l’Italie est à nouveau gouvernée à gauche depuis 2006, le Labour est toujours au pouvoir au Royaume-Uni, les démocrates sont en position de remporter l’élection présidentielle aux Etats-unis...

En effet, en ce début de siècle, la question de la régulation est devenue cruciale sur de nombreux sujets : climat, capitalisme financier, croissance des inégalités... Or, c’est un thème traditionnellement porté par les partis de gauche. Dès lors, il devrait être relativement simple d’affirmer des orientations et une vision sur ces sujets. En outre, quand on revient à la politique hexagonale, les choix et les discours de Nicolas Sarkozy incarnent un credo politique très conservateur : choix de privilégier les classes favorisées - notamment avec le paquet fiscal, mise en avant de valeurs religieuses (le discours de Latran est de ce point de vue très inquiétant), pseudo morale de l’effort... Face à une politique de droite affirmée et ostentatoire, il devrait être facile de s’opposer et de proposer. Eh bien non, c’est silence radio, querelles, préparation de congrès et petites phrases. On donnera comme exemple de ce suicide continu l’attitude d’un Arnaud Montebourg : grand pourfendeur de la Ve République, ardent promoteur d’une rénovation de nos mœurs politiques, le député de Saône-et-Loire finit par nous expliquer qu’il a renoncé au non-cumul des mandats en se présentant aux prochaines cantonales : « [car nous]... avons besoin de forger des politiques innovantes, qui servent d’exemples de résistance face à l’absolutisme sarkozyste, et à préparer à l’alternance », nous dit-il pour se justifier. C’est sûr, le cumul des mandats comme pratique innovante, on n‘y avait pas pensé... Encore une fois, pour la cohérence du discours et des actes, on repassera.

Comment arrêter cette tendance à la cacophonie et à l’autodestruction ? Faudra-t-il aller jusqu’à la mort du parti pour le voir renaître sous une nouvelle forme ? Faudra-t-il une claque électorale si forte qu’elle agisse comme un électrochoc ? De ce point de vue, les élections municipales, qui ne seront sans doute pas désastreuses, ne serait-ce qu’en raison du vote des mécontents du sarkozysme, n’accéléreront pas la prise de conscience.

Enfin, on avance souvent comme argument le besoin d’un renouveau générationnel pour faire muter le parti, mais il nous semble que le PS doit avant tout évoluer dans les têtes et les attitudes et qu’il ne s’agit pas d’une question d’âge. En effet, en observant certains quadras du PS, on n’a pas le sentiment qu’ils aient d’autre ambition que personnelle.

Le tableau est donc bien sombre et pour la vitalité du débat démocratique et d’une conception équilibrée du pouvoir personne ne devrait s’en réjouir.


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