Quand Benoît nous casse les noix

par Voris : compte fermé
lundi 6 octobre 2008

Après avoir prôné le concept de "saine laïcité", le pape Benoît XVI remet le couvert en dénonçant les sociétés modernes sans Dieu. Quand l’islam poursuit les hérétiques - comme jadis l’Inquisition catholique qui peut servir à ce titre de modèle -, le Vatican montre du doigt les mécréants ! Il devient désormais interdit d’être athée ou même simplement laïc.

Benoît XVI a dénoncé les sociétés modernes sans Dieu, ce dimanche 5 octobre à Rome.

Le pape a porté une charge contre "une certaine culture moderne" qui proclame la mort de Dieu et conduit les nations à perdre leur identité. "Des nations un temps riches de foi et de vocations perdent désormais leur identité propre, sous l’influence délétère et destructrice d’une certaine culture moderne".

Il poursuivit en ces termes : "On voit celui qui, ayant décidé que ’Dieu est mort’, se déclare ’Dieu’ lui-même et se considère l’unique artisan de son propre destin, le propriétaire absolu du monde". "Quand les hommes se proclament propriétaires absolus d’eux-mêmes et uniques maîtres de la création, (...) s’étendent l’arbitraire du pouvoir, les intérêts égoïstes, l’injustice et l’exploitation, la violence dans toutes ses expressions." Comment fonder alors "une société où règnent la liberté, la justice et la paix  ?"



Tout individu doué de raison peut déjà mesurer l’aveuglement de ces propos. Si l’homme s’est déclaré maître de lui-même, c’est bien pour échapper à toutes formes d’esclavages dont l’aliénation de la raison par l’Eglise. La liberté individuelle serait selon le pape la cause de tous les maux. Or, on sait bien que la guerre, l’avidité, l’exploitation et les autres maux dénoncés par Benoît XVI existaient autant à l’époque où l’Eglise dominait le monde. Enfin, la liberté ne produit pas que des individus esclaves de leur ego et de l’argent. La liberté est créatrice de bien plus de bienfaits que la religion. Mais tout cela serait sans grande conséquence si le pape pérorait dans son coin sans risque d’influence sur le pouvoir temporel. Or, ce n’est plus le cas, le concept de "saine laïcité" a été introduit dans notre République, à son plus haut niveau, par le président Sarkozy sous le nom de "laïcité positive".

Nicolas Sarkozy est l’exemple que l’on peut être très croyant et adorer néanmoins les idoles, son ego, et l’argent. L’un n’empêche pas l’autre. Souvent même les deux vont ensemble, puisque la religion sert à tout justifier.

La République à la française est en danger. Le président de la République est en train de modifier sa nature : de laïque, elle passe peu à peu à un statut de défenseur des religions et de dénonciation de l’athéisme. Or, cela n’a jamais été le rôle de notre République de prendre parti. La laïcité est "positive en elle-même" a dit François Bayrou qui est cependant croyant pratiquant. "Ajouter un adjectif, c’est vouloir changer le sens du mot. Pour moi, la laïcité est positive en elle-même, puisqu’elle est une émancipation", a-t-il précisé, il y a de cela quelques semaines.

Je pense, comme Bayrou qu’il serait irresponsable d’aller au-delà et de vouloir imposer à notre pays le concept de laïcité positive. En effet notre laïcité est positive en elle-même et n’a aucun besoin d’être retouchée par le chanoine Sarkozy ou par ses amis scientologues, fondamentalistes ou du Vatican. Il est d’ailleurs surprenant que notre République admette que son président se voie attribuer le titre religieux de chanoine. Pourquoi pas demain celui d’imam ? Ce choix d’une religion plutôt qu’une autre n’est pas un gage de paix. On a vu le président Sarkozy éviter la fréquentation du Dalaï-Lama et se montrer au contraire en grand apparat auprès du pape, quitte à truquer la photo pour duper les foules. N’est-on pas en train de revenir à une époque où le clergé édifiait les peuples à coups d’images mensongères ?

Notre République n’a pas à admettre la laïcité positive qui signifierait laïcité passive en réalité. Ce sont les religions qui deviennent de plus en plus négatives et en porte-à-faux avec nos valeurs issues de la Révolution. C’est à elles de prouver qu’elles sont positives et qu’elles ne véhiculent plus d’archaïsmes comme le traitement des femmes peu conforme à notre modernité qui irrite tant le pape. L’interdiction de l’avortement, du port du préservatif, chez le pape, la lapidation des femmes présumées adultère chez les intégristes musulmans, tout ceci ne plaide pas en faveur d’une religion positive. On en est même très loin. Notre modernité tant décriée par Benoît XVI paraît, en comparaison de ces excès dangereux et porteurs de mort, bien plus souhaitable même si elle n’est pas parfaite et si elle ne corrige pas les défauts de tous les individus.

Il est malheureux de constater que les laïcs ne pourront bientôt plus cohabiter pacifiquement avec les religions si Sarkozy, qui veut américaniser la France pour la rendre plus croyante, poursuit sur sa voie dangereuse, aidé par un pape qui exalte des valeurs passéistes et dénonce la non-religion. Car il faut bien discerner le véritable danger. Il n’est pas dans la liberté que s’accorde l’individu ; il est dans cette relance de la guerre des idées amorcée par le concept de "saine laïcité" qui est devenu en France le principe de "laïcité positive". Puisqu’une "saine laïcité" suppose d’assainir la laïcité, de purger le monde laïc de ses "mauvais" éléments afin de faire passer plus facilement la parole de ce dieu en lequel les croyants ont placé leurs espoirs, mais qu’ils n’ont pas à imposer aux non-croyants.


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