Quand la famille Le Pen joue à « gentil flic, méchant flic »

par Laurent Herblay
lundi 2 février 2015

Naturellement, Marine Le Pen joue le premier rôle, quand son père et sa nièce jouent plutôt les seconds. Mais on peut néanmoins se demander s’il ne s’agirait pas d’une habile comédie destinée à propulser plus loin encore la présidente du FN dans les sondages, où elle atteint 30% au premier tour  !

Dérapages chorégraphiés ?
 
La nouvelle séquence porte sur la vidéo d’Ayméric Chauprade, député européen et ancien conseiller aux affaires internationales intitulée « la France est en guerre  », à la tonalité volontiers xénophobe. Marine Le Pen a réagi très rapidement, envoyant un courrier interne à une partie des cadres du mouvement pour leur demander de ne pas relayer la vidéo et a pris ses distances publiquement avec son ancien conseiller. Mais Marion Maréchal-Le Pen a tweeté quatre jours plus tard la vidéo, créant une nouvelle polémique entre les durs du FN et la direction, vue comme plus modérée. La jeune députée a revendiqué son choix mais affirme « qu’il n’y a pas de volonté de contester l’autorité de Marine Le Pen  ».
 
Cette séquence n’est pas la première, la nièce de la présidente jouant en partie le rôle joué souvent par son propre grand-père. Lors de la campagne des élections européennes, Jean-Marie Le Pen avait évoqué l’explosion démographique en Afrique que « le docteur Ebola pourrait régler en trois mois  » avant, sur une vidéo du site du parti de dire « on fera une fournée une prochaine fois  » au sujet de Patrick Bruel, qui avait dit qu’il ne viendrait pas jouer dans les municipalités frontistes. Se développe l’idée qu’il y aurait une aile identitaire plus à droite que la ligne défendue par Marine Le Pen, comme le rapporte même le Petit Journal de Canal Plus, sans véritablement prendre de distance avec cette thèse.
 
Divergences et communication

Depuis 2011, je me méfie de cette interprétation des divergences exprimées publiquement au sein du FN. Après tout, il faut quand même noter que ces incidents répétés depuis que Marine Le Pen est présidente du parti familial ne semblent en aucun cas peser sur sa cote dans l’opinion ou sur les résultats aux élections, qui ne cessent de progresser, le sondage de Marianne la donnant à 30% au premier tour de la présidentielle en étant une bonne illustration. Bref, le parti lepéniste semble profiter de ces tiraillements apparents entre deux lignes, une plus modérée et une plus dure, clivage traversant même la famille Le Pen, au point que l’on imagine déjà la quatrième génération Le Pen pencher dans le sens de sa grande tante pour faire bonne figure. Mais ces déchirements sont-ils véritablement honnêtes ?

D’abord, illustrent-ils une divergence sur le fond ou seulement sur la communication ? Certains trouveront ce procès injuste. Mais, ce ne serait pas une première en politique, les avocats nous ayant souvent habitués au double discours. Et on peut avoir des doutes quand on se souvient que Marine Le Pen trouvait du charme aux dérapages de son père… Et puis, elle s’entoure souvent de personnes qui dérapent et les conserve dans son entourage, les sanctions étant assez fortes pour être prises au premier degré par les médias mais pas assez pour mener à la rupture avec sa famille. Sa nièce s’est illustrée en menaçant un journaliste : « on va vous avoir. Mais quand ça va arriver, ça va vraiment vous faire mal ».
 
Dès lors, on peut soupçonner qu’il s’agit d’une vaste comédie gagnante pour Marine Le Pen, qui lui permet d’apparaître relativement modérée tout en rassurant les plus durs de son mouvement qui se retrouvent dans les propos de son père et sa nièce. Pourquoi personne ne soupçonne une manipulation ?

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