Quand la gauche mérite une droite

par olivier cabanel
mardi 24 mai 2016

 Les jeux ne sont pas faits, et rien ne va plus...

Dans moins d’un an, ce sera l’élection présidentielle, et aucun scénario n’est à éluder : Hollande emmène son camp à droite, Sarközi s’invite encore plus à droite, et à l’extrême droite, 2 camps s’opposent : celui de Philippot et celui de Marion Maréchal LP.

Mais quid des nuitdebout, et de la mobilisation qui ne faiblit pas contre la loi travail ?

Tugdual Denis, faisait, sur l’antenne de France Inter une analyse précise de la situation : « ...je sais que la politique est synonyme d’indigestion pour tout le monde.

Je sais que, pire que la politique, il y a LES politiques.

Mais franchement, à regarder de plus près, je vous fais le pari que nous allons pouvoir observer avec grand intérêt le scénario de la prochaine élection présidentielle (...) A gauche, comme à droite, rien n’est figé, si François Hollande à la bonne idée de ne pas se représenter, alors là c’est Hollywood...

Qui ne salive pas à l’idée de voir Arnaud Montebourg s’affronter avec Manuel Valls, pour redéfinir les contours de la gauche contemporaine ? (...) à droite, je sais que la primaire déjà organisée ne fait pas rêver, mais c’est tout de même mieux que la dernière fois, avec un Sarközi encore président qui annonce sa candidature « urbi et orbi » sur le plateau du JT de TF1. (...) croyez vous qu’au Front National tout est écrit ? Que nenni (...) Beaucoup de proches de Marine le Pen ont déjà intégré qu’elle ne gagnerait pas la prochaine fois.

L’extrême droite sera-t-elle nationalo-souverainisto-républicaine comme le veut Florian Philippot... ou conservatrice comme le souhaite Marion Maréchal Le Pen ?

De l’autre coté de l’échiquier, nous retrouverons Jean-Luc Mélenchon dans ce qu’il a de meilleur.

Il reprendra possession des places, des plages, des tribunes en tous lieux. Vous verrez, chacun, ami ou ennemi, vibrera à sa prose, applaudira ses mises à mort ». lien

Au-delà de cette analyse, une autre piste mérite d’être regardée de plus près.

La loi travail a été imposée à coup de 49-3 dont se défendait pourtant Hollande du temps qu’il était encore socialiste, affirmant : « le 49-3 est une brutalité, un déni de démocratie »... mais aujourd’hui, lui Président, il semble que ça ne le soit plus. lien

Cette loi continue à faire des vagues, et si le gouvernement regarde d’un œil condescendant les mobilisés de la nuitdebout, Valls, ringardisé par Macron par son mouvement « ni droite ni gauche », ne veut pas admettre que si la jeunesse est dans la rue, c’est qu’elle a été abandonnée.

Comme un mantra, il affirme : « nous avons fait beaucoup de choses » affirmation qui demande manifestement à être prouvée. lien

Mais qui sont les nuitsdebout ?... se sont demandés une trentaine de sociologues, face aux affirmations d’un Sarközi, dans une posture de dénigrement, affirmant « qu’ils n’ont rien dans le cerveau  » ? lien

Tout a été dit : « bobos parisiens, pas de prolétaires, bourgeoisie blanche urbaine, étudiants déclassés, militants de l’ultra-gauche, partisans de l’agitprop...  » et à contrario, les sociologues ont découvert une autre réalité : une personne sur 5 a plus de 50 ans...un participant sur 10 n’habite pas la région parisienne...37% des participants viennent de banlieue...61% des participants sont diplômés du supérieur long...et on compte 16% d’ouvriers (3 fois plus qu’à Paris)...1/3 des participants ont participé à une manifestation contre la loi travail...seulement 17% ont déclaré avoir été membres d’un parti politique...et 22% ont déjà cotisé à un syndicat.

Les engagements citoyens, associatifs ou caritatifs sont très représentés et près de 10% d’entre eux sont devenus des quasis permanents, se rendant sur la Place de la République tous les jours.

Si beaucoup hésitent, tiraillés entre le désir que ça prenne forme, le refus des formes partisanes déjà connues et le sentiment que l’exploration doit encore se poursuivre, dominent.

S’il faut en croire les sociologues qui ont mené l’enquête, les nuitdebout sont donc bien plus variés qu’on ne l’a dit, et ils ont en partage des formes de participation citoyenne diversifiée, l’écoute des autres et l’imagination d’un avenir commun n’étant pas des moindres. lien

Quant à la rue, contre toute attente, elle continue d’être mobilisée, et la contestation s’étend : blocages de raffineries, opérations escargot, barrages filtrants et les dockers entrent dans la danse, même si le gouvernement tente de minimiser, assurant que le carburant ne manquera pas, tout en limitant contradictoirement la consommation. lien

Chaque manifestation apporte son lot de violence, et le gendarme qui a tué Rémy Fraisse court toujours, alors que les 2 policiers dont la voiture a brûlé ont été décorés.

En tout cas, la situation est assez grave pour avoir ému une commission internationale qui se dit préoccupée par la violence démesurée de la police. lien

Y aurait-il autant de violence dans les manifestations si les « forces de l’ordre » ne s’y invitaient pas systématiquement, avec leurs matraques, leurs grenades, et leurs balles ?

Cette violence est-elle explicable, est-elle fatale ?

Un CRS, témoigne dans les colonnes du Journal du Dimanche, affirmant : « j’ai l’impression d’être devenu un pion » ajoutant désabusé « le gouvernement est responsable du malaise qui règne chez les forces de l’ordre », et va jusqu’à évoquer la volonté du gouvernement de « pourrir le mouvement ». lien

Interrogé sur la question, le sociologue Stéphane Sirot, enseignant en histoire du syndicalisme, analyse la forme radicale prise par la contestation anti-loi travail, particulièrement à Rennes.

Assurant qu’au départ, ce territoire est agité par des mobilisations sociales puissantes, prenant en référence les Bonnets Rouges, le CPE, les marins-pêcheurs de 1994, il affirme que ce mouvement, même s’il n’est pas spectaculaire, est bien ancré, et pourrait s’inscrire dans la durée, d’autant que d’autres mécontentements sociaux s’y ajoutent, cheminots, routiers, dockers, raffineries...lien

Nous sommes donc passés du « ça va mieux » hollandais, au « tout va bien » vallsien.

Valls, reprenant le flambeau tenu par Sarközi en 2010, lequel menaçait alors de réquisitionner les raffineries, finalement désavoué par le Tribunal de Melun pour « atteinte grave et manifestement illégale au droit de grève », menace de débloquer les raffineries par la force.

En attendant la CGT Total a décidé au niveau national de partir en grève reconductible à partir du 23 mai. lien

Certains vont jusqu’à souhaiter une grève de la consommation... grève qui pourrait s’inviter automatiquement dans le débat si les grandes surfaces ne sont plus approvisionnées, faute de carburant. lien

Et si nous tentions un lien entre notre situation et celle qui se déroule outre atlantique ?

Il fallait écouter Sophie Aram, le lundi 23 mai, sur l’antenne de France Inter, brossant un tableau assassin d’un Donald Trump en passe de l’emporter : « une bouche en forme d’anus, une touffe d’herbes folles lyophilisées en guise de cheveux, des yeux en trou de pine, une chipolata trop cuite pour le nez, le visage plein d’autobronzant, on dirait une citrouille flétrie... », concluant : « il suffit de fustiger les élites au pouvoir, de pourfendre le politiquement correct, de rendre les immigrés responsables de tous nos maux, de raviver les guerres de religion en vomissant l’islam, et ça marche !!! Vous ajoutez 2 doigts de dédiabolisation, un sourire ultrabright, un peu d’autobronzant, et l’avenir est à vous.

Tout se passe un peu comme si, après les difficultés rencontrées dans nos pays démocratiques, les électeurs ont fini par se dire : on n’est pas contents des dirigeants qu’on a eu jusque là, et si on essayait les cons (...) imaginez le boulevard qui s’ouvre à tous les populistes de France et de Navarre ».

Les oreilles de quelques-uns en France ont du siffler. lien

Ce qui a failli se passer en Autriche, où finalement le candidat écolo a été élu d’une courte tête, est-il révélateur de ce qui nous pend au nez en 2017, ou avant...lien

C’est lorsque les crises sont profondes que la tentation du populisme est la plus forte, ce même populisme qui s’était invité dans les années 30 en Allemagne, avec les conséquences que l’on sait.

Au pays des arracheurs de dents, est-ce encore une fois celle ou celui qui mentira le mieux qui l’emportera... ?

À moins qu’une solution providentielle ne s’invite dans le débat, rassemblant ceux qui ne veulent plus de cette 5ème République, ceux qui ne votent plus, ceux qui frondent, et ceux qui « nuitdeboutise »...l’avenir nous le dira, car comme dit mon vieil ami africain : « aussi haut soit lancée la pierre, elle finit toujours par retomber ».

L’image illustrant l’article vient de legantetlaplume

Merci aux internautes pour leur aide précieuse.

Olivier Cabanel

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