Quand les sociaux-traîtres poussent le peuple à droite

par Laurent Herblay
samedi 11 octobre 2014

C’est un immense paradoxe de la crise de 2008-2009. Alors qu’elle a démontré, comme en 1929, la faillite des idées néolibérales, après une période de débat qui a vu émerger de nombreux intellectuels alternatifs, ces mêmes idées néolibérales semblent trouver un nouveau souffle.

Le pari perdant du centre gauche
 
En effet, alors qu’il y a peu de croissance, beaucoup de pauvreté et de chômage, des inégalités au plus haut, une instabilité chronique, notre époque devrait produire une remise en cause complète de notre modèle économique, une valorisation des frontières, de l’Etat, de la redistribution, de l’impôt et de la régulation. Las, les Etats-Unis ont sans doute été à la pointe de ce développement avec l’émergence des Tea Party. Comme le note The Economist, les Républicains sont partis pour reprendre la majorité dans les deux chambres outre-Atlantique. Les élections européennes ont consacré le succès de la droite, en Grande-Bretagne, les Conservateurs et UKIP faisant la course en tête. En France, les sondages indiquent que le PS pourrait être éliminé dès le premier tour en 2017
 
 
Deux raisons à cela. Comme le note The Economist dans ce papier sur les Etats-Unis, l’échec des politiques de centre-gauche (Démocrates à Washington, Travaillistes à Londres, PS à Paris) semble pousser le balancier vers la droite. En effet, une forte proportion de la population ne trouve pas de travail et les salaires ne progressent pas, à part pour les plus riches. En fait, parce qu’elle a oublié les leçons des années 1930, la « gauche » échoue et semble indiquer a contrario que la solution pourrait être trouvée à droite. Il faut dire que la « gauche » développe une pensée de plus en plus libérale, ce qui semble contribuer à une droitisation du débat économique plus forte encore que le recentrage du centre-gauche, ce qui pourrait bien en faire une stratégie perdante électoralement.
 
Pourquoi le peuple vire à droite ?

Beaucoup d’éléments contribuent à pousser le débat vers la droite. La persistance de forts déficits et la hausse de l’endettement public aboutissent d’autant plus à discréditer l’intervention de l’Etat qu’elle ne semble pas efficace, malgré des moyens importants. Il est plus difficile de lutter contre les austéritaires après des années de forts déficits même si c’est l’austérité qui a paradoxalement contribué au maintien de ces déficits, comme l’admet même le FMI aujourd’hui. Nous aboutissons au paradoxe actuel, où les politiques néolibérales produisent des problèmes qui sont de plus en plus interprétés comme des incitations à aller plus loin dans le néolibéralisme et non à le remettre en cause. Est-il si étonnant que les classes populaires, pour qui un euro est un euro, ne finissent pas par se méfier de cet Etat en permanence en déficit et qui ne parvient pourtant pas à les aider, ou de moins en moins ?

Même si cela est juste sur le fond, il est difficile dans ce contexte de soutenir une relance budgétaire comme Paul Krugman ou la fin de l’austérité car il devient difficile de croire que cela pourrait résoudre les problèmes, puisqu’ils ne les ont pas réglés avant. Malgré l’horreur des potions amères infligées à la Grèce, le vent actuel pousse dans ce sens, s’appuyant aussi sur quelques exemples de gaspillages encore moins acceptables aujourd’hui, étant donnés les efforts faits par presque tout le monde. Le débat sur la finance et la monnaie est au point mort, alors qu’il devrait se développer dans la zone euro où la crise bien spécifique des quatre dernières années devrait amener à poser la question de la monnaie unique. Le débat sur le protectionnisme recule alors que la course à la compétitivité des pays dits développés est suicidaire socialement et économiquement. Et pendant ce temps, l’agenda néolibéral progresse.
 
Bien sûr, certains accuseront les journalistes et les médias, qui nous maintiendraient dans un état d’ignorance et seraient aux ordres des élites. Mais il revient aussi à nous, les alternatifs, de nous poser la question de notre responsabilité dans la mauvaise tournure du débat public.

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