Quand les souverainistes font du Tsipras sur l’Europe

par Laurent Herblay
vendredi 6 octobre 2017

Depuis quelques mois, c’est la débandade parmi les opposants à l’UE et l’euro. Entre les deux tours de la présidentielle, NDA et Marine Le Pen avaient fait machine arrière après pourtant sept années à défendre le retour à une monnaie nationale. Que penser de cette grande hésitation à afficher une volonté de quitter la monnaie unique européenne, voire même l’Union Européenne  ?

 

Souverainistes en peau de lapin ?
 
Les annonces de l’entre deux tours de Marine Le Pen et NDA semblent ne pas avoir été dues au hasard. La sortie de l’euro semble bien ne « plus être un préalable  » pour les deux candidats à la présidentielle. Le FN est en pleine refonte de sa stratégie, le principal défenseur de la sortie de l’euro, Florian Philippot ayant tout juste quitté le navire. Et NDA ne saute pas vraiment sur l’occasion pour créer un pôle souverainiste alternatif, soulignant au contraire, que « contrairement à Philippot, il a évolué sur l’euro  », et voit Marine Le Pen. Ce faisant, ils sacrifient la souveraineté nationale sur l’autel de l’opinion, ce qui en dit sans doute long sur leurs motivations premières et la réalité de leurs convictions.
 
Car il faut être clair, un président élu qui resterait dans l’UE et l’euro n’aurait que des marges de manœuvre très limitées après son élection. A minima il serait condamné à n’être qu’une variante à peine différente des politiques du passé. Certes, il y aurait sans doute la possibilité de mettre sur pause les politiques antisociales menées depuis des décennies, mais il n’y aurait pas les moyens de partir dans une autre direction, comme le montre Tsipras. Et la monnaie unique joue un rôle central. Sans banque centrale nationale, l’Etat perd son arme la plus puissante. C’est ce que nous a bien montré Londres après le référendum de 2016, amorti par les mesures de la Banque d’Angleterre.
 
Je crois qu’un véritable changement est conditionné à une sortie pleine et immédiate de l’UE et l’euro. Il n’y a pas de délai qui vaille car, dans l’euro, Paris a les mains bien plus liées que Londres. En cela, même les 2 ans de négociations avancés par l’UPR me semblent être bien trop précautionneux et contre-productifs. Et comment croire qu’en masquant cette volonté pendant la campagne, il serait possible de faire après ce que l’on n’a pas annoncé avant ? Le cas de la Grèce de Tsipras le montre bien. Sans un débat préliminaire clair et tranché démocratiquement, il est difficile de s’engager dans cette direction. Ne pas le dire avant, c’est sans doute se condamner à ne pas pouvoir le faire après.
 
Bien sûr, une large majorité des Français continuent de rejeter la sortie de l’UE et de la monnaie unique. En mars dernier, seulement 28% soutenaient la dernière idée. Mais cela amène plusieurs réflexions. D’abord, ne peut-on pas considérer que la piètre avocate qu’a été Marine Le Pen pénalise fortement ces idées  ? Ensuite, faut-il trahir ce à quoi on croit parce que cela n’est pas populaire ? Plus avant, je crois au contraire que c’est peut-être, outre la nullité crasse de sa première avocate médiatique, le manque de clarté dans le message qui pénalise ces idées, malgré le score de l’UPR (au discours critiquable sur l’article 50). J’ai la conviction qu’un avocat solide et tranché pourrait l’emporter.
 
Plus étonnamment, un débat existe auprès de certains compagnons sur l’opportunité, ou non, de prendre position clairement sur le sujet. Ils semblent partir du postulat qu’il ne sera jamais possible de rassembler une majorité de français sur la sortie de l’UE et l’euro, dans un raisonnement parfois machiavélique. Mais cela n’est-il pas également faux ? D’abord, les référendums sur les traités européens démontrent le goût peu prononcé des français pour ce projet. Ensuite, comment espérer émerger avec un discours sans aspérité ? Enfin, plus grand monde ne parle aux 20 à 30% des français favorables à la sortie de l’UE et l’euro, avec le virage de NDA et Le Pen et l’ambiguité de Mélenchon.
 

Je crois que c’est d’abord le manque de clarté et de rigueur qui pénalise nos idées européennes. En outre, je crains que l’absence de transparence ne rende pas possible le changement que nous souhaitons. Et même, certains stratèges devraient se demander si le paysage politique actuel ne donne pas, au contraire, une opportunité majeure à un discours clair de sortie de l’UE et l’euro.


Lire l'article complet, et les commentaires