Quand Marine Le Pen analyse la crise

par Catherine Segurane
lundi 15 août 2011

Rentrée de vacance à la suite des derniers désordres financiers, Marine Le Pen a, jeudi dernier, prononcé une grande conférence de presse dans laquelle elle présente son analyse des origines de la crise (la main-mise des marchés financiers). Elle prône la sortie de l'euro, refuse de payer les dettes des autres pays et de sacrifier la protection des Français. Elle refuse de rechercher, pour son peuple, du sang et des larmes. Contre les risques d'inflation, elle prône une échelle mobile des salaires. Elle refuse également de tailler dans les effectifs de professeurs, d'infirmières ou de policiers. Il y a suffisamment de vraie mauvaise dépense à chasser.

Elle commence par rappeler que la crise était, pour elle, inévitable, qu'elle l'a largement anticipée et annoncée depuis longtemps, voire même depuis la mise en place de l'euro, à laquelle elle n'a jamais été favorable.

Elle nous livre son diagnostic et ses solutions.

SON DIAGNOSTIC

Marine Le Pen invite ses auditeurs à se reporter aux déclarations qu'elle a pu faire depuis 2008, et à constater qu'elle n'a jamais annoncé que la crise était terminée. Elle annonçait bien au contraire :

1/ Une crise politique et institutionnelle du modèle fédéraliste de l’Union Européenne.

2/ Et une désintégration du système monétaire, financier, bancaire, financier et social

La crise institutionnelle

Marine Le Pen nous rappelle que :

" ... de notre côté, dès la création de l’euro, nous avons pointé le caractère non viable de cette monnaie unique, et lors du déclenchement de la crise de l’euro, nous avons précisé que tels des dominos les pays de la zone euro tomberaient les uns après les autres tant qu’on ne réglerait pas le problème à la racine. Après la Grèce et l’Irlande, j’ai plusieurs fois cité le Portugal, qui est tombé en 2010, et l’Espagne et l’Italie, qui sont aujourd’hui dans l’œil du cyclone."

Actuellement, d'après elle, le système ne se bat pas pour l'intérêt des peuples, mais il cherche à sauver l'euro (et le fédéralisme qui le sous-tend) pour des raisons purement idéologiques.

"C’est ce qu’on appelle la faillite d’une idéologie."

Cette idéologie c’est celle de l’ultralibéralisme, du libre échange total, de la soumission de l’homme à l’économie, du court-termisme, de la recherche hystérique du profit maximum, de l’abandon du bon sens et de l’économie réelle au bénéfice exclusif d’une économie virtuelle aux mains d’une hyper-classe et au détriment des peuples.

Dogme central de cette idéologie, l’euro. Nicolas Sarkozy et le gouvernement s’acharnent à le « sauver à tout prix » comme le dit le président de la République lui-même… Depuis 2010, on ne cesse de multiplier les réunions de crise, les sommets officiels, les plans de renflouement pour sauver les victimes chaque trimestre plus nombreuses de la crise finale de la monnaie unique.

C’est parfaitement absurde. C’est faire de la politique en dehors de la réalité. L’euro est mort. Il n’a pas fait ses preuves. Il n’est pas viable. C’est tout."

 Mais l'euro ne peut plus être sauvé, et il n'est pas grave qu'il ne soit pas :

"Et ce n’est pas dramatique. Il faut juste l’accepter, et cesser d’être en permanence tourné vers le passé pour tenter de ranimer ce cadavre qui nous aura tant fait souffrir."

La désintégration du système financier

Marine Le Pen nous appelle à ne pas chercher à sauver ce système non viable. Elle le fait en citant quelques chiffres montrant la folie des transferts financiers que l'on exige du peuple français :

"Dans l’immédiat, je demande à Nicolas Sarkozy que la France revienne dès aujourd’hui sur le plan de renflouement de la Grèce décidé à Bruxelles le 21 juillet dernier.

Comme l’a avoué François Fillon, ce nouveau plan alourdira de 15 milliards d’euros supplémentaires notre dette publique, qui a déjà explosé sous Nicolas Sarkozy. Ce dernier est le champion incontesté de la dette. En effet, sur 1 650 milliards de dettes, 500 milliards sont imputables exclusivement à Nicolas Sarkozy, es qualité de Président de la République. Vous me permettrez donc de considérer qu’avec un pareil résultat, Nicolas Sarkozy est aussi légitime pour imposer « la règle d’or » de maîtrise des déficits que Mesrine pour réformer le Code Pénal.

Ces 15 milliards s’ajoutent aux 17 milliards du premier plan grec décidé en 2010, et aux plans irlandais et portugais.

Déjà, on nous dit qu’il faudrait élargir les capacités du FESF, le fonds que les pays de la zone euro abondent pour renflouer les victimes de la monnaie unique. Il faudrait le porter à 2000 voire 3000 milliards d’euros, nous dit-on. La quote-part de la France étant de l’ordre de 20%, cela signifierait un engagement de la France à hauteur de 400 ou 600 milliards d’euros, beaucoup plus que le budget annuel de l’Etat ! C’est tout simplement fou."

Elle souligne aussi le caractère illégal, par rapport au texte des traités, du FESF envisagé, et se demande si nous sommes encore dans un Etat de droit.

Elle se réjouit que l'Allemagne oppose une résistance farouche à ces projets de mise en commun de la dette, tout en soulignant l'ironie qu'il y a à devoir compter sur l'Allemagne pour défendre nos intérêts.

SES SOLUTIONS

Marine le Pen veut rompre avec le modèle économique ultra-libéral, et propose à ce titre ce qui suit :

"- reprendre le contrôle du processus financier et revenir sur la privatisation scandaleuse de l’argent public issue de la loi Pompidou Giscard de 1973.

- Imposer que la création de monnaie revienne aux Etats représentant de l’intérêt général.

- Œuvrer à la réintroduction d’un étalon polymétallique (or, argent, platine…) au niveau du système monétaire international afin de mettre fin définitivement à la spéculation des prédateurs internationaux.

- Refuser de faire payer la crise aux Français en sacrifiant sur ordre de la troïka (UE, FMI, BCE) notre système de protection sociale et nos services publics.

- Réarmer notre pays contre la mondialisation par la restauration d’un Etat stratège, fer de lance de la réindustrialisation de la France.

S’opposer à la tyrannie d’un libre échange échevelé et d’une concurrence mondiale déloyale qui sacrifie nos entreprises et nos emplois.

Rétablir l’échelle mobile des salaires, supprimée par les socialistes afin de permettre aux salaires à proportion de l’augmentation constatée des prix

Retrouver la maîtrise de nos frontières en rétablissant un contrôle des flux de capitaux, de marchandises et de personnes."

Utopiques, ces propositions ? Non. C'était la façon dont fonctionnait l'économie durant les Trente Glorieuses. Et maintenant encore, il ne manque pas de pays qui ont leur propre monnaie nationale et qui s'en portent bien.

Marine Le Pen fait encore d'autres propositions pour tailler dans la mauvaise dépense publique sans confondre rigueur budgétaire et saccage social :

- cesser d'encourager l'immigration, qui coûte une trentaine de milliards d'euros par an (selon l'universitaire JP Gourevitch)

- mettre un terme aux dérives de la décentralisation

- s'attaquer à la fraude sociale ; croiser les fichiers ; lancer une grande opération de contrôle des cartes vitale ; désactiver les 10 millions de fausses cartes

- lancer une grande opération de contrôle des trains de vie suspects dans les cités

- en finir avec les guerres inutiles et meurtrières (Lybie, Afghanistan)

- cesser de verser de l'argent à Bruxelles

- faire contribuer les grandes fortunes à l'effort de résorbsion de la dette

Elle conclut :

"Je refuse d’offrir comme seule perspective à mon peuple de la sueur et des larmes. Le désendettement est possible en suivant le plan que je viens de dessiner, il peut commencer dès aujourd’hui. Et il peut se faire sans tout sacrifier aux marchés, sans la terrible cure d’austérité qu’UMP ou PS réservent aux Français, et qu’ils essaient de cacher pour passer le cap de 2012. Il est aujourd’hui quasi inéluctable que, malgré l’épouvantable cure d’austérité qui se concocte à Bercy, les marchés financiers auront à très court terme la peau du triple A de la France.

Cela suppose un principe essentiel : reprenons le gouvernail du bateau France, et rompons avec les partis et les hommes qui se sont donnés pour maîtres la finance internationale et les banques."



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