Que doit faire le PS ?
par Jacques Gérard
mercredi 19 septembre 2007
Une fois de plus la gauche a perdu. Pourquoi ? Parce que la gauche française est trop divisée, parce que le Parti socialiste n’a toujours pas su faire - et surtout annoncer - sa mutation en parti social-démocrate et parce que sa candidate n’a pu, pour diverses raisons, faire une bonne campagne. Certes, il semblerait raisonnable de changer les « deux leaders actuels », le secrétaire du PS, F. Hollande, et son ancienne candidate, S. Royal : tout perdant devrait avoir l’élégance, comme Jospin en 2002, de se retirer, au moins pour quelque temps, de leurs responsabilités. C’est une phase nécessaire mais pas suffisante. Que doit donc faire le PS maintenant ?
-1- Un PS et une gauche qui n’ont pas vu le monde changer
Le Parti socialiste, qui avait pourtant il y a quelques années flirté avec les 30 %, est une fois encore battu. Son « allié naturel », le PC, qui n’a pu se transformer en parti de gouvernement, bien qu’il ait donné à la France d’excellents ministres, n’existe plus que par ses municipalités... Encore ne gardera-t-il celles-ci que si le PS renonce à le combattre au 1er tour. Son allié le plus récent, dans l’ex-« gauche plurielle », les Verts, est un parti qui n’a aucune culture de gouvernement et se complaît à tirer sur ses leaders dès qu’ils prennent une stature d’homme d’Etat. Sa défaite politique va perdurer et peut-être même entraîner sa disparition.
Le parti radical de gauche (comme si un parti radical pouvait ne pas être de gauche...) ne sert à rien, sauf à faire perdre des voix au PS et à empêcher sa mutation social-démocrate. Je m’explique : il rassemble trop peu de voix pour peser réellement dans les grandes décisions politiques ; et quant à la présidentielle, soit il présente un candidat et contribue à la défaite de la gauche (comme en 2002), soit il est obligé comme en 2007 de ne présenter personne ; si ses membres rentraient dans le PS, sans renier leurs idées, ils renforceraient son aile sociale-démocrate, faciliteraient sa mutation, prendraient place dans sa majorité interne et, donc, auraient une influence beaucoup plus importante sur le PS qu’actuellement.
Parlons maintenant des autres « soi-disant de gauche », les gauchistes, ceux qui rêvent encore au « grand soir », aux « il n’y a qu’à », qui assimilent les compromis (la base de la démocratie) à la compromission... Ceux-là n’ont jamais été utiles à ceux qu’ils prétendent défendre ; ils n’ont jamais rien fait puisque refusant de gouverner ; ils peuvent alors évidemment prétendre qu’ils n’ont jamais trahi leur cause ni jamais changé d’idée... alors qu’ils sont de fait des alliés objectifs de la droite. Cette persistance de voix perdues dans la gauche française est sans doute liée à l’histoire de notre pays, mais ce serait risible (et cela fait rire la droite dure) si ce n’était pas triste à en pleurer.
Reste enfin le MoDem. Si le PS veut gouverner de nouveau, il n’a que lui comme allié possible. Encore faudrait-il qu’il discute avec lui ; mais comment discuter avec un autre parti sans avoir renouvelé son propre discours et ses objectifs ?...
-2- Un PS qui doit affirmer sa sociale-démocratie
Première étape : une déclaration d’intention
Pourquoi le PS s’obstine-t-il à ne pas se déclarer Social-Démocrate ? Quand va-t-il se débarrasser du poids de son histoire ? Il y a longtemps qu’il a fait sa mutation lorsqu’il était au gouvernement, depuis la « pause » de 1982-1983... En 1980-1981, Mitterrand l’a emporté sur Rocard, parce qu’il avait politiquement raison. Mitterrand a malheureusement respecté la quasi-totalité de ses 110 propositions, contrairement à ce que l’on dit trop fréquemment. Cela a conduit à un échec économique sanglant et il a fallu l’intelligence et la volonté d’un Mauroy, auquel on n’a pas assez rendu hommage, pour que la politique économique du gouvernement change. C’était de fait la victoire des idées économiques de Rocard (ou de DSK plus récemment) mais Mitterrand, ce qui est humainement compréhensible, et la gauche, hélas, n’ont jamais voulu le reconnaître.
Quand donc le PS reconnaîtra-t-il officiellement que le marché existe, que la mondialisation est un fait ? On doit certes corriger les abus, modifier dans l’entreprise les équilibres entre industriels, financiers et salariés. Mais encore faut-il affirmer clairement et faire comprendre aux Français que nier la mondialisation est, non seulement une aberration, mais surtout le meilleur moyen de faire « que rien ne change ».
Cette décision doit être votée officiellement le plus rapidement possible, sans entrer dans les querelles de personnes, sans chercher un nouveau candidat, un nouveau leader pour une hypothétique élection... Quitte à ce qu’il y ait une majorité et une opposition ; à ce propos, il est normal qu’il y ait, dans un parti démocratique, une majorité et une opposition ; une fausse synthèse, comme la dernière, conduit fatalement à un échec : notre candidate a passé une partie de la campagne à dénigrer (involontairement ou non) le programme (bien mou) qu’elle avait pourtant signé. Mais l’opposition interne doit respecter la démocratie interne, c’est-à-dire se taire, hors parti, lorsqu’elle a été battue ; à ce propos, comment a-t-on pu admettre, sans l’exclure, que L. Fabius, au moment de la campagne sur la « constitution européenne », fasse campagne pour le non !
Deuxième étape : le débat interne
Le parti doit se reconstruire, à partir de ses militants (je parle des plus anciens), à partir de ses récents adhérents (ceux qui ont désigné notre candidate) et à partir des sympathisants.
Prenons l’exemple de la « Démocratie participative ». Si rapprocher le peuple du monde politique, c’est consulter les gens, je n’ai évidemment rien contre car il n’y a pas de démocratie sans cela, il n’y a pas de sociale démocratie sans cela. Mais il faut ensuite non pas faire des propositions ponctuelles mais faire un véritable programme... Cette consultation doit donc se faire bien avant les élections, de façon quasi continue (les blogs d’internet) mais pas durant les campagnes électorales ! Encore faut-il poser aux militants et sympathisants des questions précises, et consulter en parallèle les experts. Sur ce dernier point, encore faut-il les consulter avant ! L’appui du PS à l’entrée du « principe de précaution » (sans le définir correctement avant) dans le préambule de la Constitution a fait perdre bien des voix de scientifiques. On peut ne pas apprécier C. Allègre, mais on n’a guère vu de scientifique lors de la dernière campagne ; de même, l’utilisation de « conseillers occultes » comme l’ancien dirigeant de Greenpeace-France a fait perdre des voix dans ce milieu. C’est une remarque anecdotique, mais révélatrice d’un certain état d’esprit du PS, et pas seulement de sa candidate.
On pourrait d’ailleurs dire la même chose des syndicats où la CGT a été favorisée par rapport à la CFDT, mais il est vrai que le PS, du moins officiellement, était contre la réforme des retraites ; on en a vu les conséquences sur le vote des retraités...
A partir de ce nouveau débat interne, le PS pourra faire de nouvelles propositions, crédibles donc modérées, mais précises et donc plus faciles à opposer à la démagogie de droite.
Troisième étape : le débat externe
On reproche au président actuel de décider de tout, d’être omniprésent ; mais n’est-ce pas lui le premier qui a compris, enfin, les conséquences de l’élection du président de la République au suffrage universel ; on peut le regretter mais c’est un fait ; on se dirige vers un régime présidentiel !
N. Sarkozy a pris la droite de vitesse en fondant l’UMP ; pourquoi ne pas faire de même à gauche en créant une opposition analogue à l’opposition républicains - démocrates existant aux Etats-Unis ; les Français ne sont pas mûrs pour cela ? Je crois au contraire qu’ils le sont et c’est ce que le 1er tour a démontré en donnant près de 19 % de suffrages à F. Bayrou. D’ailleurs si ce dernier veut réellement quitter la « droite dure », pourquoi ne pas créer un parti démocrate français incluant les militants du PS, des Verts, du Parti radical de gauche, du Mouvement républicain et citoyen et de l’UDF ? Si certains élus de l’UDF (comme du PS d’ailleurs) s’y opposeront, les citoyens, eux, suivront cette initiative, à condition que le programme et les alliances soient clairs ; Il est temps de comprendre, au PS comme à l’UDF, que la coupure droite/gauche existe toujours mais s’est déplacée ; il est temps de comprendre au PS que la victoire ne peut s’obtenir qu’en convainquant les électeurs du centre et non les gauchistes. On ne peut en même temps s’allier aux centristes et faire les yeux doux à José Bové et compagnie...