Que penser du sondage de Marine Le Pen ?

par Laurent Herblay
lundi 4 août 2014

Tremblement de terre dans la torpeur estivale : un sondage Ifop pour Marianne affirme que si l’élection présidentielle avait lieu aujourd’hui, Marine Le Pen serait première au premier tour, avec 26% des voix, contre 25% à Nicolas Sarkozy et 17% à François Hollande. Qu’en penser ?

La mémoire courte
 
A première vue, pour ceux qui ne se souviennent que des 17,9% de l’élection présidentielle de 2012, puis des près de 25% réalisés lors des élections européennes, ce résultat semble indiquer que la présidente du Front National poursuit une progression dont on pourrait penser qu’elle ne s’arrêtera jamais, cassant bien entendu toute théorie sur le plafond de verre de son parti, déjà mise à mal par les résultats du 25 mai. Mais cette interprétation, si elle est compréhensible, n’en demeure pas moins un peu rapide et superficielle. En effet, cela revient à complètement oublier les sondages très positifs de l’année 2011 en vue de l’élection présidentielle, qui font grandement relativiser ce coup de chaud estival.
 
En effet, si on se rapporte à cet article du Figaro de mars 2011, on constate que Marine Le Pen semblait déjà en position de se qualifier au second tour de la présidentielle de l’année suivante, au détriment de Nicolas Sarkozy (Dominique Strauss-Kahn étant encore le favori pour le Parti Socialiste), au point même de déjà arriver en tête d’un sondage Harris Interactive, avec 24% des suffrages, contre 23% à DSK et 21% à celui qui était alors le président sortant. Les sondages de l’automne donnaient fréquemment Marine Le Pen au second tour et au-delà de 20% des suffrages, ce qui contribue à relativiser le score qui lui est attribué par Ifop, même s’il faut bien reconnaître que c’est un nouveau plus haut.
 
Rien ne change ?
 
Bref, quand Marine Le Pen affirme vendredi sur RTL qu’il ne lui manque qu’une campagne pour aller plus haut, on pourrait dire que c’est l’inverse puisqu’elle a fait un moins bon score que ce que les sondages lui prédisaient avant la campagne, même si ce fait est camouflé par le fait qu’ils l’avaient sous-estimée dans la dernière ligne droite. Bref, les promesses des sondages d’avant campagne ne démontrent en aucun cas une nouvelle avancée décisive du FN car Marine Le Pen était déjà donnée à 24% et en tête de la présidentielle il y a plus de 3 ans. Et au final, les 2 points qu’elle gagne semblent bien dérisoires par rapport au spectacle offert par le PS comme l’UMP depuis mai 2012. Si elle avait vraiment le potentiel de rassembler une majorité de Français, elle devrait être infiniment plus haut qu’elle ne l’est.
 
Il est juste malheureux que le journaliste qui l’interrogeait n’ait pas relativisé ce sondage par les nombreux précédents de 2011… Dans cette interview, Marine Le Pen a également surpris en prenant la défense de Ligue de défense juive, un groupe que le gouvernement envisage de dissoudre. Elle a affirmé que « s’il existe une Ligue de défense juive, c’est qu’il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécurité. Ils ont le sentiment que monte un nouvel antisémitisme en France  ». Difficile de ne pas y voir une une illustration de l’évolution du FN, passé d’un discours aux relents antisémites sous son père, à un discours islamophobe depuis quelques années. Enfin, même si je suis le premier à dénoncer les convergences du PS et de l’UMP, il est ridicule de dire que sur tous les sujets ils font « exactement la même politique  ». Il y a quelques sujets où ils ne sont pas d’accord et quelques nuances tout de même.
 
Bref, je crois qu’il faut raison garder devant ce sondage, même s’il faut regretter qu’aucune alternative républicaine crédible n’émerge pour l’instant et que notre pays soit coincé, pour le moment, avec le désastreux trio PS-UMP-FN. Il faudra sans doute une nouvelle crise pour changer la donne.

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