Que restera-t-il du phénomène Bayrou dans 3 mois ?

par Thomas
vendredi 2 mars 2007

Qu’il soit élu président ou pas, l’ascension inattendue de François Bayrou laissera des traces dans la vie politique française et scellera le sort de l’UDF.

Longtemps considéré comme quantité négligeable, trublion inoffensif ou, au mieux, force d’appoint, François Bayrou et son ascension inattendue vont obliger les deux principaux partis à repenser leur positionnement.

Alors que PS et UMP veulent se présenter comme des partis forts, organisés autour de projets bien distincts, nul n’ignore leur profonde hétérogénéité interne. Il suffit de voir le PS s’interroger sur son positionnement à gauche, et l’UMP sur son positionnement à droite ! Chacun essaie de réussir le grand écart entre sa base traditionnelle et la volonté d’aller ratisser sur la frange la plus proche de son voisin. Il y a au sein des soutiens de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkosi, de nombreuses dissensions, différences de vision, pudiquement rebaptisées « nuances » ou « pluralisme » pour le temps de la campagne. Mais la France de Chevènement est-elle vraiment la même que celle de DSK ? Et au sein de l’UMP, l’union affichée n’est-elle pas le reflet d’une discipline imposée bien plus que d’une vision commune ? Les candidats de ces deux partis se reposent sur des édifices de bric et de broc, constitués de nombreuses alliances improbables ou de circonstance, et dont le principal ciment est la soif du pouvoir. Leur poulain élu, les uns prendront le chemin des ministères, d’autres celui qui conduit à travers le désert (et pour l’essentiel le savent déjà). Le clivage gauche-droite se déclinera à nouveau en une multitudes de clivages internes un temps mis entre parenthèses.

Bien sûr, comme l’union est indispensable pour faire la force, des individus de sensibilités très différentes sont amenés à s’unir sur un programme minimum pour avoir une chance de faire passer quelques unes au moins de leurs idées.

 


Mais la réalité, c’est bien qu’il existe un long continuum de sensibilités diverses, de la gauche du PS à la droite de l’UMP. Il y a ainsi entre ces deux partis une zone de recouvrement avec des électeurs dont, par nature, le cœur balance, qui sont prêts à voter tantôt à gauche, tantôt à droite, selon la personnalité des candidats, de leurs soutiens ou de quelques éléments de programme.

 


Habituellement, ceux-ci finissent par se déterminer pour l’un ou l’autre des deux principaux partis, mais cette fois, la personnalité des deux principaux candidats fait que ces électeurs ne parviennent pas à franchir le Rubicon. La personnalité de Sarkosi effraye les hésitants de gauche comme de droite, le manque de consistance de Royal les décourage. Arrive Bayrou qui est justement là pour accueillir ces hésitants et leur fournir une position de repli par rapport à leur famille traditionnelle, certes peu excitante mais crédible.


Non seulement, le PS et l’UMP voient leur frange centriste menacer de les quitter alors qu’ils espéraient au contraire conquérir celle de leur adversaire, mais pire encore, ces deux franges se découvrent des affinités et s’entendent sur un tiers candidat. Du coup, face à la menace Bayrou, Royal et Sarkosi s’entendent au moins pour présenter le clivage gauche-droite comme inéluctable afin de rappeler à eux leur frange tentée par le centre, mais comme l’attitude de leurs électeurs tient beaucoup à la personnalité de ces candidats, rien n’y fait.


Advienne que Bayrou soit élu, que se passera-t-il ? Nombre de soutiens officiels tièdes de gauche et de droite risquent fort de vouloir rejoindre le camp du vainqueur, plus compatible avec leurs idéaux et surtout plus susceptibles de leur valoir honneurs et avantages. Les partis traditionnels ne pourront pas les retenir sans avoir l’air de s’arc-bouter sur un clivage que les Français auront précisément transcendé ni sans endosser la responsabilité de vouloir s’opposer à la volonté d’union et d’ouverture du nouveau président et des électeurs. Comme l’a suggéré quelqu’un dans ces colonnes, il y aura vraisemblablement des candidats de tout bord pour rejoindre la bannière « majorité présidentielle ».


Cela sera-t-il suffisant pour donner une majorité au président ? Pas sûr du tout, mais s’il parvenait au moins à détenir la balance du pouvoir, il pourrait s’engager dans un numéro d’équilibriste, proposer des mesures sociales auxquelles le PS ne pourrait s’opposer sans se décrédibiliser, des mesures économiques que la droite ne pourrait rejeter. Combien de temps cela pourrait-il durer ? Tout dépend de l’habileté de Bayrou et surtout de l’adhésion populaire que suscitera son premier gouvernement.


Maintenant, advienne que Bayrou ne soit pas élu, ce qui à ce jour reste en toute objectivité l’hypothèse la plus probable. Il y a alors fort à parier que PS et UMP s’entendront pour tordre le cou une bonne fois pour toute à l’UDF, mettre ses candidats en échec dans toutes les circonscriptions et les rayer de la carte politique. Tout cela afin de les punir d’avoir chassé sur leurs terres et écarter définitivement toute menace de remise en cause de leur antagonisme naturel qui leur assure (le plus souvent) que le premier tour soit joué d’avance.

 


Bayrou est désormais allé trop loin. Même si le soufflé se dégonfle, il demeurera un trouble-fête à éliminer définitivement, et le concept de parti centriste avec lui. S’il ne gagne pas, il risque fort de disparaître !

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