Quel avenir pour la Nupes ?
par Fergus
lundi 17 juillet 2023
C’est un fait : les nuages s’amoncellent sur la Nupes, potentiellement annonciateurs d’une tourmente à venir au sein de l’union des forces de gauche...
Bien que l’échéance soit lointaine, la question est d’ores et déjà posée par les éditorialistes et les politologues : la Nupes existera-t-elle encore pour affronter, au niveau national, les défis électoraux de 2027 ? Si oui, qui devra en assumer le leadership ? et quelle forme prendra cette alliance ? Nul doute que les réflexions vont déjà bon train dans les états-majors. Et cela d’autant plus que, dans moins d’un an, se tiendront les élections européennes.
Y aura-t-il des listes communes estampillées Nupes lors de ce scrutin qui se tiendra le 9 juin 2024 ? La réponse est clairement NON, et cela se comprend aisément, eu égard au caractère proportionnel de ce scrutin qui permet à chacune des composantes de l’alliance d’espérer gagner des sièges* sous ses propres couleurs sans devoir passer sous les fourches caudines mises en place par La France insoumise mélenchoniste.
C’est ainsi que le Parti communiste a d’ores et déjà désigné Léon Deffontaines, ex-leader du Mouvement des jeunes communistes et ex-porte-parole de campagne de Fabien Roussel, comme chef de liste du PCF. Certes, la décision de faire cavalier seul hors de la Nupes doit encore être validée en octobre par les militants, mais si l’on se fie à l’état d’esprit frondeur qui règne dans le parti rien n’indique qu’elle puisse être remise en cause.
Même constat du côté des écologistes : appelés à voter les 8 et 9 juillet pour répondre à la question « Soutenez-vous la stratégie d’une liste verte et ouverte aux élections européennes de 2024 ? », les militants ont approuvé à 86 %, et par conséquent clairement dit NON à une liste commune au sein de la Nupes. La liste EELV sera dirigée par Marie Toussaint : avec 59,5 % des voix, l’eurodéputée a devancé David Cormand qui prendra la place de n°2.
Manifestement, les écologistes n’ont pas été sensibles à l’appel des Insoumis. Lors d’une consultation organisée le 6 juillet, ces derniers s’étaient pourtant prononcés à... 95,44 % en faveur d’une liste unique. Venant après la décision des communistes, le rejet massif des écologistes apparaît donc comme un cinglant échec pour la direction de La France Insoumise et sa trop évidente volonté de domination hégémonique des partis alliés.
Quelle sera l’attitude des socialistes, confrontés au même dilemme que les autres « supplétifs » de LFI au sein de la Nupes ? Rien n’est encore décidé au PS, mais Olivier Faure n’a pas caché qu’il voyait mal son parti rester dans la Nupes pour les Européennes si les Verts choisissaient de faire bande à part. Compte tenu de la décision qui vient d’être actée par EELV, les socialistes devraient eux aussi se présenter sous leur propre bannière.
Mélenchon : stop ou encore ?
Épine supplémentaire dans le pied des Insoumis : EELV, PCF et PS se sont mis d’accord pour présenter une liste commune dans la capitale aux Sénatoriales de septembre 2023. Objectif affiché : gagner 8 ou 9 des 12 sièges en jeu qui seraient répartis entre ces trois formations, le principal gagnant étant le PS. Mais surtout aucun siège pour LFI, tenu à l’écart. Nul doute que si l’objectif est atteint, il ne manquera pas d’influer sur l’avenir de la Nupes.
Ces potions sont d’autant plus amères pour Manuel Bompard et les dévots mélenchonistes que, si l’on en croit les enquêtes réalisées un an avant le scrutin, la liste LFI aux Européennes risque fort d’être devancée par celles du PS et d’EELV. Voilà qui ne manquerait pas d’apporter du grain à moudre aux adversaires de la Nupes en vue de 2027. Ou du moins à ceux qui entendent peser pour que soit redéfini le mode de fonctionnement de cette alliance.
Ne pas avoir droit au chapitre, c’est en effet supportable un moment, le temps d’assurer le gain de quelques sièges aux Législatives, concédés par les Insoumis de la Nupes à leurs faire-valoir. Mais cela devient vite inacceptable au fil du temps. Dès lors, on comprend d’autant mieux les réfractaires que le spectacle donné en différentes occasions par les plus sectaires des élus LFI a considérablement refroidi les rangs des partis supplétifs.
Dans un pays dont le centre de gravité politique se déporte toujours plus vers la droite radicale, il n’en faudra pas moins reconduire en 2027 une alliance de gauche pour espérer peser lors des échéances de 2027. Encore devra-t-on très vite poser la question qui divise : faut-il continuer avec Jean-Luc Mélenchon ou promouvoir l’émergence d’un leader alternatif qui gagnerait probablement à ne pas être marqué du très clivant label LFI ?
Car nul ne peut le nier : le père de La France Insoumise suscite, du fait de ses dérapages récurrents, au moins autant de rejet que d’adhésion dans l’électorat de gauche. Or, en quelques mois, son soutien à Adrien Quatennens, le blocage de tout vote sur les 64 ans qu’il a imposé aux députés LFI lors du débat sur la réforme des retraites, et son positionnement ambigu sur les récentes émeutes ont de facto renforcé le rejet chez les électeurs modérés.
Dans l’optique d’un retour de la gauche aux affaires, Jean-Luc Mélenchon est longtemps apparu comme la solution ; par ses outrances comportementales et verbales, par ses dérives clientélistes, il est clairement devenu le problème. Si les Insoumis et leurs alliés passent outre, ils porteront en 2027 la responsabilité de résultats qui, soit reconduiront un exécutif néo-libéral à la tête du pays, soit feront le lit d’une prise de pouvoir par l’extrême-droite.
* Sous réserve d’avoir réalisé un score d’au moins 5 % des suffrages exprimés.
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