Quelle bande passante pour le Modem ?

par microsam
mercredi 30 mai 2007

77 000 pré-adhésions en moins de trois semaines ! La création d’un nouveau parti politique ne se fait jamais sans de profondes raisons sous-jacentes, sans un besoin, sans un courant sociétal. C’est forcément un évènement politique majeur, quoi qu’on en dise d’un côté ou de l’autre de l’échiquier. Le MoDem n’échappe pas à cette règle. Sa conception, son rôle, tout est à construire. Et c’est sans doute d’ailleurs en partie ce qui attire dans cette aventure. Le fait que tous ses futurs membres soient internautes apporte indiscutablement une nouvelle dimension à prendre en compte.

Le 24 mai au Zénith de Paris, François Bayrou a insisté sur la responsabilité que représentait cet engagement militant. Il a reconnu la particularité et la nouveauté de son support. Jean-Marie Cavada s’est engagé pour sa part à faire le tour des grandes démocraties pour aller observer comment y fonctionnent les partis "libres" et en ramener les meilleures pratiques. On ne peut qu’espérer qu’au-delà de ces bonnes intentions, le Mouvement démocrate va savoir se donner les moyens de ses ambitions car le défi est de taille. Tous ces nouveaux militants sont légitimement en droit de se demander quel sera le processus de création de ce nouveau parti, comment ils vont pouvoir y participer et s’il tiendra les promesses sur lesquelles ils fondent aujourd’hui leurs espoirs.

Or ces dernières semaines, on ne peut malheureusement pas dire qu’il y avait de quoi être rassuré en la matière. En dehors du meeting de lancement de la campagne législative, qui a été l’occasion de donner la parole à quelques-uns de ces nouveaux adhérents et de distribuer gratuitement des tee-shirts oranges, l’expérience militante était plutôt déroutante : les permanences des candidats étaient semble-t-il complètement dépassées par les évènements et elles n’avaient tout simplement pas les moyens de mobiliser toutes ces bonnes volontés, ni de les diriger ou de les encadrer. La rue de l’Université n’a pas réellement donné l’impression de mieux contrôler la vague. On pouvait prendre son téléphone, se déplacer, envoyer son CV par e-mail en expliquant à quoi on pensait pouvoir se rendre utile. Rien n’y faisait ; une goutte d’eau dans l’océan.

Il ne s’agit bien sûr pas de critiquer pour critiquer, mais simplement de poser le constat : il y avait et il y a toujours un véritable enjeu pratique de gestion et d’optimisation de la ressource militante. Un enjeu d’autant plus crucial qu’il serait infiniment regrettable, pour ne pas dire criminel, de gaspiller cette énergie dans une campagne législative où la machine électorale UMP, parfaitement huilée, tourne à plein régime.

Bien sûr les investitures étaient une priorité absolue et un défi qui nécessitait certainement à lui seul l’emploi d’une grande partie des infrastructures de l’ancien UDF. Gageons simplement, maintenant que les candidats sont en place, qu’on leur fournira les relais pour mobiliser tous ces nouveaux adhérents.

Le défi suivant évidemment, c’est comment ?

Comment les fait-on participer à l’élaboration d’un projet de société ? Comment collecte-t-on leurs précieuses idées ? Comment les synthétise-t-on ? Comment trouve-t-on un consensus dans ce formidable bouillon de culture ? Et peut-être encore en amont, doit-on seulement chercher un consensus sur tous les sujets ?

Ce parti qui refuse la "pensée duale" s’exprimera-t-il de manière univoque ? Doit-il absolument le faire pour éviter les deux écueils que nous avons tous en tête : la démocratie éparpillée et incapable de décider des Verts ou la multiplicité des débats sans conclusion d’une démocratie participative qui ne serait qu’un habillage de façade pour un appareil politique finalement très classique ?

L’émergence d’un leadership puissant est-elle la solution du casse-tête ou une perversion implicite des idées qu’incarne ce nouveau mouvement ? Un tel leader serait-il capable de s’appliquer les principes qui l’auront mis sur le devant de la scène pour céder la place à la "nouvelle génération" le jour venu, ou s’arrogera-t-il le contrôle d’une machine partisane comme tant d’autres avant lui dans notre histoire politique ?

Internet sera-t-il seulement une caractéristique historique de la naissance du mouvement, restera-t-il un outil de vente en ligne de pré-adhésions, ou bien deviendra-t-il le premier gène d’une mutation dans l’action politique ? Des groupes de réflexion wiki. La mise en place d’une bibliothèque de textes et de projets. Une vaste campagne d’information et de sensibilisation sur des sujets jugés trop techniques, trop fastidieux, trop pointus pour le citoyen lambda. Pourquoi pas l’organisation de dialogues entre les élus et leur base militante en préparation des sessions parlementaires ? Des processus bottom-up plutôt que top-down...

Autant de questions qui ne trouveront leur réponse que dans les faits. Les propos de François Bayrou, et tout particulièrement ceux de Jean-Marie Cavada, le 24 mai dernier sont plutôt encourageants à ce titre. On ne saurait nier que les principes fondateurs du Mouvement démocrate vont dans le bon sens, qu’une charte éthique au coeur de cette démarche sera un gage solide, et que la création d’un groupe de réflexion regroupant des penseurs de tous les horizons - historiens, sociologues, économistes, scientifiques et peut-être prospectivistes - est une perspective prometteuse.

A ce jour, tout cela ne reste cependant que des mots dont les nouveaux militants, très pragmatiques, attendent avec impatience qu’ils se transforment en actions. Quel sera le contenu de cette charte ? Que seront les statuts du mouvement ? Quels sont les noms de ces fameux penseurs ? Quelle sera l’implication de tous ces "citoyens producteurs d’idées" ?

Dernier en date de ces éléments encourageants, l’e-mail de confirmation de ces "pré-adhésions" :

" Chère amie, cher ami

Vous faites partie des 77 000 personnes qui ont manifesté, depuis un mois, leur volonté de participer à la démarche de rénovation de la vie politique française que nous avons engagée avec le Mouvement démocrate.

Je vous écris aujourd’hui pour vous proposer de confirmer votre adhésion.

Beaucoup d’entre vous adhèrent pour la première fois à un parti politique. Beaucoup s’engagent pour faire vraiment bouger les choses, pour participer activement à la vie publique, pour bâtir, pour convaincre. La diversité de vos motivations, de vos profils, de vos talents, constitue une richesse précieuse pour le MoDem.

Ensemble, nous allons écrire une nouvelle page de notre histoire politique. Nous allons construire un mouvement capable de prendre en compte vos avis, de vous faire travailler sur les sujets qui vous intéressent et de faire émerger une nouvelle génération d’acteurs politiques.

Dans les semaines qui viennent, après les élections législatives, notre équipe Internet prendra contact avec vous pour étudier de quelle manière vous pourrez participer à la vie de notre mouvement.

Je compte sur votre participation, et vous souhaite d’ores et déjà bienvenue au MoDem !

François Bayrou


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