Quelques leçons chiffrées des régionales
par Laurent Herblay
mardi 15 décembre 2015
Avec le fort rebond de la participation et des régions partagées entre le PS et LR, le FN ne remportant pas la moindre région, on peut tirer la conclusion qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Mais un examen plus fin des résultats permet d’aller au-delà d’une interprétation un peu superficielle.
Profond désenchantement politique
Bien sûr, 3,85 millions de citoyens de plus se sont déplacés entre les deux tours, la participation passant de 49,9 à 58,4%. Néanmoins, un chiffre a été totalement oublié dimanche : celui du nombre de bulletins blancs ou nuls, qui a augmenté de 388 000 d’un scrutin à l’autre, passant de 3,99 à 4,87% des votants, plus d’un million ! Près d’un électeur sur vingt a choisi de ne pas choisir. En outre, il faut rappeler que l’abstention est à 41,6% et que si on ajoute les votes nuls et blancs (qui devraient être décomptés des résultats finaux), on atteint tout de même 44,4% des citoyens inscrits qui ne sont pas exprimés. Le premier parti de France, c’est d’abord celui des Français qui choisissent de ne pas s’exprimer. On peut incriminer un manque de civisme, mais on peut aussi y voir le fruit de décennies de mauvaises politiques.
On a vu au premier tour le résultat de la profonde insatisfaction des Français à l’égard de ceux qui nous gouvernent depuis des décennies avec le nouveau record du FN, qui a rassemblé 27,73% des suffrages exprimés (un peu plus de 26% des votants). D’ailleurs, on pouvait retrouver dans le discours des ténors des deux grands partis l’illustration du profond désenchantement des Français, qu’ils ont sans doute ressenti lors de la campagne. Nicolas Sarkozy a promis une réflexion sur la ligne politique, tout en excluant NKM pour ne pas avoir suivi une ligne qu’il a pourtant remise sur le chantier. Bonjour la cohérence et voilà qui en dit long sur l’étendue possible du débat. Et la majorité a décidé d’accélérer sur l’emploi, comme si elle se rendait compte aujourd’hui seulement du fait que le chômage bat des records !
Que penser du score du Front National ?
Bien sûr, avec 27,73% des voix, le parti de la famille bat un nouveau record. Mieux, avec moins de 60% de participation, il rassemble plus de 6,8 millions de voix, battant le record du premier tour des présidentielles de 2012. Mais plusieurs faits contribuent à grandement relativiser le score du FN. D’abord, il faut rappeler que le contexte est extraordinairement favorable, l’échec du PS précédant de peu l’échec de Sarkozy, soit un formidable encouragement à voter pour autre chose. Ensuite, il faut bien constater que le FN n’a pas gagné la moindre région, terminant environ 10 points derrière le vainqueur dans les trois régions où il était donné potentiellement vainqueur. Le FN continue à susciter, pour de nombreuses raisons, bien légitimes à mes yeux, un profond rejet d’une majorité de la population.
D’ailleurs, le bilan du second tour est mauvais puisque le FN recule, passant de 27,7 à 27,1% des voix, en reculant dans la majorité des régions ! Certes, il a gagné 800 000 voix, mais cela représente à peine 20% des nouveaux votants. En outre, comme on peut quand même considérer que le FN a bénéficié de reports de voix, on peut estimer qu’environ 90% des nouveaux votants se sont déplacés pour faire barrage au FN. L’une des leçons de ce scrutin, c’est que le parti de la famille Le Pen continue à susciter un profond rejet, rejet tel qu’il parvient à mobiliser une partie des abstentionnistes. Cette résistance fait que l’on peut penser que le FN n’accèdera jamais au pouvoir, d’autant plus qu’il ne s’agissait que d’élections régionales, pour l’institution qui a le plus petit budget de notre République.
Finalement, ces élections régionales sont une nouvelle illustration du désenchantement politique français, qui se traduit par une concentration des votes d’opposition au système sur un parti assez repoussant pour permettre la reproduction de majorités qui ont si souvent échoué.