Qui a envoyé Mélenchon au casse-pipe ?

par Nikos Maurice
mercredi 13 juin 2012

« Mélenchon s’est surestimé une fois de trop »… « Au QG de Le Pen : “J’ai vu la tronche de Mélenchon” »… « écrasé par Marine Le Pen »… « Marine Le Pen triomphe »… 

Les éditorialistes jubilent. Le FN aussi. Le rictus semble être le même. Aujourd’hui, Mélenchon est un cadavre exquis pour tous les chiens de garde qui ont choisi leur camp historique, celui dont le credo est depuis toujours : « mieux vaut Hitler que le Front Populaire ».

Dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, il est arrivé troisième (21,48%), loin derrière Marine Le Pen (42,36%), et juste derrière le baron local du Parti Socialiste, Philippe Kemel (23,50%). Rien de moins que le pire scénario qui pouvait arriver.

En pourchassant Le Pen dans son repaire de Hénin Beaumont pour venger le score de la Présidentielle (Front de Gauche : 11,10% ; Front National : 17,90%), Mélenchon s’est bel et bien jeté dans la gueule du loup, et ce, avec un panache qui confine à l’inconscience… ou à l’autodestruction. Pour quelle raison a-t-on commis cette erreur monumentale ? Orgueil mal placé ? Entourage de conseillers à la petite semaine qui ont cherché à tout prix le coup médiatique ? Quoi qu’il en soit, cette erreur aurait dû être évitée. Elle fragilise le Front de Gauche, humilie son candidat à la Présidentielle, fait bien rire les militants du Front National. Le discours infantile consistant à dire : « nous sommes les gentils donc nous ne pouvons pas perdre » doit cesser à tout prix. Analysons notre échec au lieu d’être stupéfaits de ne pas avoir gagné.

Qu’a dû penser nombre d’habitants de la circonscription en voyant débarquer des armadas de journalistes bardés de micros et de caméras, des cars entiers de militants parisiens… et les mélenchanteurs en perruques de clowns : comment dire plus clairement « tout cela n’est qu’un cirque, nous ne sommes pas sérieux » ?

Cet échec retentissant n’est pas seulement l’échec d’un candidat. C’est aussi celui d’une ligne politique. Après une campagne présidentielle exemplaire, certainement la meilleure depuis des décennies, une campagne offensive à l’égard du PS et du FN, une campagne portée par une énergie militante sans pareille et des discours d’une très grande puissance intellectuelle[1][2], la campagne du Front de Gauche pour les élections législatives n’a tout simplement pas existé. Où est passé le programme l’Humain D’abord ? Où est passé le Smic à 1700 euros ? Où est passé le salaire maximum ? Où est passée la baisse des loyers ? Où est passée la Sixième République ? Et surtout : où est passée l’autonomie vis-à-vis du PS ?

Contrairement à l’analyse véhiculée par les médias dominants avec une habile rhétorique, si le Front de Gauche n’obtient pas des résultats mirobolants, ce n’est pas d’avoir été trop révolutionnaire, c’est de ne pas l’avoir été suffisamment. Quand on déclare être ni dans la majorité ni dans l’opposition, il ne faut pas s’étonner d’être nulle part. Cette ligne-là brouille les cartes et laisse à la droite le monopole de l’opposition. Pendant la campagne des législatives, le Front de Gauche aurait dû se montrer bien plus offensif à l’égard du Parti Socialiste. Il devra le faire à l’avenir, car c’est sa raison d’être qui est en jeu, c’est sa légitimité. Un retour à la bonne entente et au copinage façon Gauche Plurielle signifierait la disparition de l’autre gauche, ou gauche radicale, appelons-la comme on veut.

Non, il n’y a rien d’émouvant à retrouver « un homme de gauche dans le bureau de Mitterrand »[3] quand le gouvernement de cet « homme de gauche » avalise de fait la fin de la retraite à 60 ans à taux plein et condamne les précaires et toutes celles et ceux qui ont fait des études à travailler jusqu’à 65 ans et même au-delà.

Non, nous ne verrons pas quelle sera la politique du nouveau gouvernement. Nous le savons d’ores et déjà pour la simple raison que le gouvernement rappelle sans cesse sa volonté de réduire le déficit public à 3% du PIB d’ici 2013, et à zéro d’ici la fin du quinquennat. C’est bien un vaste plan d’austérité que nous préparent Hollande et le PS, un plan estimé à 50 milliards d’euros d’économies.

Le Front de Gauche, s’il veut survivre, doit renouer avec un discours de classe et s’assumer en tant que force révolutionnaire. Il n’y a rien à gagner à être le satellite du Parti Socialiste, sinon quelques places et la disgrâce de les avoir obtenues en reniant ses principes, sinon la mort pure et simple d’une gauche à la gauche du PS.

Si, avec ses 6,9% au premier tour des législatives, le Front de Gauche parvient malgré tout à former un groupe parlementaire[4], ce groupe devra être d’une volonté sans faille pour faire barrage à la future politique « austéritaire » des socio-libéraux.



[1] http://www.dailymotion.com/video/xq5bso_j-l-melenchon-discours-de-marseille_news#

[2] http://www.dailymotion.com/video/xq9187_j-l-melenchon-discours-porte-de-versailles-a-paris_news#

[3] http://www.leparisien.fr/flash-actualite-politique/melenchon-a-l-elysee-emu-de-retrouver-un-homme-de-gauche-dans-le-bureau-de-mitterrand-05-06-2012-2033984.php

[4] www.lepoint.fr/fil-info-reuters/le-front-de-gauche-espere-former-un-groupe-parlementaire-11-06-2012-1472052_240.php


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