Quid du drapeau européen à l’Assemblée Nationale ?

par Fergus
samedi 14 octobre 2017

Le drapeau européen a-t-il ou non sa place au Palais Bourbon ? Que penser de l’attitude d’Emmanuel Macron qui entend officialiser la présence de l’emblème étoilé dans l’hémicycle ? Le débat est ouvert, mais les opposants ont peu de temps devant eux pour faire entendre leurs arguments : dans quelques jours, le drapeau européen sera définitivement officialisé dans notre pays...

Le drapeau français et le drapeau européen à l’Assemblée Nationale (photo Ouest-France)

Assurément, ce n’est ni une guerre picrocholine entre seconds couteaux, ni l’une de ces « affaires de cornecul » qui agitent de loin en loin le microcosme politique car la question juridique de la présence du drapeau européen au sein de l’Assemblée Nationale mérite effectivement d’être posée. Un cheval de bataille qu’ont enfourché avec une belle unité, mais également une détermination quelque peu sur-jouée, les caciques du Front National et plus encore les élus de la France Insoumise.

« Franchement, on est obligés de supporter ça ? C'est la République française, c'est pas la vierge Marie, là ! », s’était exclamé Jean-Luc Mélenchon lors de son entrée dans l’enceinte parlementaire le 20 juin dernier au vu du drapeau européen mêlé au drapeau français au-dessus du « perchoir ». Un grief qui n’est pas resté lettre morte : dans un amendement au règlement de l’Assemblée Nationale déposé le 29 septembre, les députés Insoumis ont tenté de faire supprimer l’emblème européen, seuls pouvant, selon eux, « être présents dans l’hémicycle le drapeau tricolore de la République française, au titre de l’article 2 de la Constitution, et le drapeau de l’Organisation des Nations unies, symbole de l’engagement international de la France pour le multilatéralisme et la paix. » Une demande rejetée. 

Rappelons que c’est à la demande de François Hollande que Claude Bartolone a fait entrer le drapeau européen à l‘Assemblée Nationale. Autre rappel : c’est Nicolas Sarkozy qui, le premier, a voulu que l’emblème européen soit placé à côté du drapeau français sur la photographie officielle du chef de l’État en 2007. Un choix entériné par François Hollande en 2012 puis par Emmanuel Macron en 2017.

Invité à participer à un débat avec Daniel Cohn-Bendit et Gilles Kepel sur l'avenir de l'Europe par l’Institut Goethe de Francfort le 10 octobre, Emmanuel Macron a décidé d’en finir avec cette question récurrente qui agite les rangs de la France Insoumise, du Front National et de Debout la France. « Lors du prochain Conseil européen, je ferai la déclaration solennelle qui fera que la France rejoindra les 16 autres États qui l'ont déjà fait : j'affirmerai officiellement que la France reconnaît le statut de l'hymne européen et du drapeau européen », a déclaré le chef de l'État.

En pratique, il s’agit pour le président de la République de signer la Déclaration 52 du Traité de Lisbonne, déjà ratifiée par 16 autre pays européens, comme l’a souligné Emmanuel Macron à Francfort. C’est dans les annexes du Traité que figure cette Déclaration ainsi rédigée : « Le drapeau représentant un cercle de douze étoiles d'or sur fond bleu, l'hymne tiré de L'Ode à la joie de la Neuvième symphonie de Beethoven, la devise "Unie dans la diversité", l'euro en tant que monnaie de l'UE, et la Journée de l'Europe le 9 mai continueront d'être les symboles de l'appartenance commune des citoyens à l'UE et de leur lien avec celle-ci ».

Une initiative présidentielle qui ne passe ni chez les Frontistes, ni chez les souverainistes de DLF, pas plus que dans les rangs des Insoumis, et cela au motif que les dispositions de cette formulation d’allégeance figuraient déjà dans le projet de Traité constitutionnel rejeté par les Français lors du référendum de 2005. À ce grief, Jean-Luc Mélenchon et Alexis Corbière en ajoutent un autre : le drapeau européen serait directement inspiré par un emblème religieux dans lequel le visage de la Vierge Marie serait entouré d’étoiles dans une symbolique confessionnelle.

Sur ce dernier point, l’on ne peut que sourire. Le drapeau européen a été créé en 1950 à la demande du Conseil de l’Europe qui a sollicité des projets sur un emblème portant « les valeurs spirituelles et morales qui sont le patrimoine commun des peuples  » membres du Conseil. Parmi les différentes propositions, c’est celle d’un fonctionnaire nommé Arsène Heitz qui a été retenue car elle symbolisait parfaitement « la plénitude et l’unité  » de l’institution : un drapeau bleu sur lequel figuraient 12 étoiles formant un cercle. Et il a fallu attendre... 1989 pour qu’Arsène Heitz reconnaisse s’être inspiré d’une représentation de la Vierge de la chapelle Notre-Dame de la Médaille miraculeuse (rue du Bac à Paris) pour dessiner son drapeau européen. Sans cette confidence, strictement personne n’aurait vu dans le drapeau européen le moindre symbole marial ! Et ce n’est évidemment pas à ce titre que l’emblème a été choisi.

Plus sérieuse est la référence au NON du référendum de 2005. Pour autant, rien sur le plan juridique n’interdit la ratification par Emmanuel Macron de la Déclaration 52 qui figure dans les annexes du Traité de Lisbonne validé, quant à lui, en février 2008 par le Congrès français. Comme il en a pris l’engagement à Francfort, ce sera sans doute lors du Conseil européen qui se tiendra à Bruxelles les 19 et 20 octobre que le président de la République signera la Déclaration 52. Dès lors, plus rien ni personne ne pourra s’opposer de quelque manière que ce soit à la présence du drapeau européen dans l’hémicycle de l’Assemblée Nationale.


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