Rama Yade, la revanche d’une black
par Henry Moreigne
mardi 24 juillet 2007
Elle y est arrivée. A seulement 30 ans Rama Yade est la benjamine du gouvernement Fillon. Ascension fulgurante d’une perle noire couvée par le couple présidentiel. Attention toutefois aux trous d’air. Le plus difficile reste à faire. Prouver que la place acquise l’est par ses qualités et non sa seule couleur de peau.
L’ambition, l’intelligence et le culot, elle les a. Tout comme une certaine Rachida Dati. Plus jeune et plus enflammée que sa consoeur du gouvernement, Yama apparaît un peu comme un éléphant dans un magasin de porcelaine diplomatique. La secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et aux Droits de l’homme est bien décidée à imprimer sa marque sur le dossier important et délicat des droits de l’homme. Une mission d’autant plus difficile que Rama Yade a construit sa percée politique sur le fond de commerce de la discrimination positive et ce qui est plus gênant sur la vague de repentance revendiquée par des groupes de pression afro-antillais.
Elle aurait pu être socialiste. Peu importe pour elle l’idéologie. Elle a été séduite par le volontarisme de Nicolas sarkozy. Elle partage avec son mentor cette volonté de tout dépoussiérer. Autant dire que dans les salons feutrés et guindés du quai d’Orsay on vit difficilement cette arrivée. Heureusement, les ministres passent, l’administration reste.
La diplomatie pourtant c’est un peu sa famille. Fille d’un père secrétaire particulier du président socialiste Léopold Senghor et d’une mère prof d’histoire, elle arrive en France, où son père est nommé diplomate, à l’âge de 11 ans. Quand ce dernier regagne seul le Sénégal, Rama, sa mère et ses deux soeurs restent à Colombes... mais quittent le quartier résidentiel pour une cité plus difficile. Bel exemple de la méritocratie républicaine, elle doit sa réussite à ses études.
Après Sciences-po, elle est admise au très difficile concours d’administrateur du Sénat. Jean-Pierre Elkabbach, patron de Public Sénat l’autre chaîne TV parlementaire, séduit par sa prestance, en fait la directrice de la communication de la chaîne.
Parallèlement, elle s’engage dans les clubs XXIe Siècle et Averroès, groupes de pression visant à la promotion sociale des élites issues de l’immigration. Lorsqu’elle découvre que Nicolas Sarkozy se fait le chantre de la discrimination positive, elle épouse sa cause. Propulsée conseillère nationale de l’UMP à la francophonie, elle participe aux meetings présidentiels. Le 14 janvier 2007, elle gagne son statut d’étoile montante lors du congrès d’investiture du futur président lorsqu’elle prononce un discours virulent tant à l’encontre du PS qu’elle accuse de cécité qu’à l’égard des élites de gauche “sans projet, sans idée, sans vision” auxquelles elle reproche d’avoir instauré une “République du guichet” en accordant aux enfants de l’immigration “de la pitié plutôt que respect”.
Consciente de sa spécificité, “J’incarne tout ce que les hommes politiques ne sont pas : une femme, jeune, noire et musulmane,” Rama Yade risque vite de se transformer en poil à gratter en apportant son éclairage sur les spécificités culturelles et les aspirations des Noirs de France. Elle, qui rêvait des Affaires étrangères, a vu son vœu exaucé et sa crainte d’un enfermement dans les questions d’intégration écartées. Sa mission sur les “droits de l’homme” est un espace à créer.
Premières sorties, premières gaffes. Rama Yade, se dit “étonnée” des vives critiques de la Ligue française des droits de l’homme (LDH) formulées contre elle, le lendemain de son voyage en Tunisie, les 10 et 11 juillet, où elle accompagnait Nicolas Sarkozy. La LDH avait dénoncé la poursuite par Nicolas Sarkozy de “la politique de complicité” avec “la dictature tunisienne” et fustigé R. Yade pour son “silence” à Tunis et son absence de contact avec les associations tunisiennes de défense des droits de l’homme. Rama Yade avait fait valoir que son déplacement à Tunis, incertain jusqu’à la dernière minute, ne lui avait pas laissé le temps de prendre rendez-vous avec qui que ce soit. Elle n’oubliera vraisemblablement pas la leçon.
Le meilleur conseil qu’elle n’ait jamais reçu, c’est le président de la République qui lui a donné : avant de défoncer une porte, vérifier qu’elle n’est pas déjà ouverte. Un gage de survie, dans le milieu hostile de la politique.