Rase campagne

par Monolecte
samedi 6 juin 2009

Ou l’Europe vue du trou du cul du monde.

Je dois être comme beaucoup trop de pour cent de mes chers concitoyens : complètement dans l’expectative quant à ce que je vais bien pouvoir faire de ma peau dimanche prochain. Pour tout le temps qui me reste avant, c’est à peu près calé : passer les prochaines minutes à lâcher ma diatribe en ligne, accompagner la gosse au judo tout en regrettant la dégradation météo qui m’empêche d’en profiter pour bronzer comme un vieux lézard satisfait devant le club, soufflage au théâtre du bled pour la troupe de nabots jusqu’à pas d’heure, couchage de naine exténuée encore plus tard, éjectage du pieu au chant du coq afin d’arriver à temps au bled en chef pour une conf’ très attrayante sur les jardins collectifs, buffet bio aux frais de la collectivité et trainage dans l’après-midi histoire de dénicher un vieux pote en mal d’emploi du temps bien garni pour parler du seul truc vraiment important : qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire de notre peau dimanche ?

Je pensais l’affaire torchée depuis le 4 février 2008. Puisque mon bulletin de vote n’a même pas la valeur du papier sur lequel il est imprimé, il y a toujours des tas de trucs plus intéressants à faire un dimanche que de se plier à la bonne vieille mascarade de la démocratie à temps partiel. Le vote n’est utile qu’à ceux qui lui doivent leur pitance. Pour les gueux, c’est, au mieux, un acte d’abdication sans contrepartie, une démission politique en rase campagne.

Parlons-en, justement, de la campagne. Pas la mienne, bien sûr, qui verdoie tendrement sous les flancs gonflés de colère de l’orage qui approche. Celle de l’élection européenne. Ce grand silence, cette sinistre partie de patate chaude où les médias n’ont eu de cesse de nous faire regarder ailleurs pendant que les politiques faisaient mine de s’en battre les flancs d’un air franchement blasé. Le clou de ce triste spectacle fut, parait-il, planté sur le cercueil de cette médiocre mise en scène lors d’un débat télévisé entre deux seconds couteaux (quel choix étrange, déjà...) qui n’eurent de cesse que de s’invectiver avec encore moins de classe et d’imagination qu’un congrès de trolls invités à la biennale des poissonniers de l’arrière-pays niçois.
Du grand n’importe quoi, donc, une sorte de mépris institutionnalisé à l’égard d’une force politique dont on fait pourtant grand bruit quand il s’agit de justifier bien des errements socio-économiques.

Est-ce à dire que la soupe n’y est pas bonne ?
Que Nenni ! La gamelle y est fournie à hauteur de 7000€/mois + indemnités de logement, de nourriture et de transport (merci, Fakir, de rappeler quelques petites notions de base !). Sans compter un environnement feutré, voire suave, où l’on peut tutoyer tout ce que le monde des multinationales compte de lobbyistes soucieux de votre confort et de vos bonnes intentions. Une bonne planque pour les fidèles des partis et tous ceux qui se retrouvent bêtement le cul entre deux mandats bien juteux.
Alors quoi ?

Plus ils nous servent une non-campagne merdique, plus ils nous admonestent d’aller voter et plus ils nous disent que nous sommes tous de vilains abstentionnistes paresseux. Pour des cadors du marketing politique qui nous font prendre les vessies pour des lanternes avec une telle aisance d’habitude, toute cette confusion est intrigante, pour ne pas dire suspecte.

Voter ne sert à rien : ça, c’est acquis depuis qu’on nous a fourgué au forceps le Traité de Lisbonne en lieu et place du TCE que nous avions fort démocratiquement rejeté en 2005 après force débats, discussions et analyses.
Ils savent donc très bien que la politique nous intéresse, y compris et surtout quand on nous la sert comme compliquée et hors de portée de nos petits cerveaux de citoyens de base.
Ce qui ne les empêchera pas de gloser sur l’abstention, sur l’air de : comme ils s’en foutent, on peut faire ce que l’on veut !
Du coup, ça me chagrine de ne pas y aller.
Mais si j’y vais, je n’ai pas envie de voter non plus, de cautionner cette vaste fumisterie, alors que les décisions importantes ne cessent et ne cesseront de se prendre en dehors de tout débat démocratique.
Je pourrais voter bien à gauche, genre NPA (ce qui ravirait l’adorable CSP  !) ou Front de Gauche. Sauf que je ne pardonne ni l’isolationnisme des premiers, ni les probables accointances en devenir des seconds avec les socios-traîtres du PS. Alors que les deux ensemble, on aurait pu faire péter le score au plafond !
Autant dire que l’offre politique est totalement inadaptée à mes convictions, pour rester polie.
Reste le vote blanc, version petit slip de la contestation ou le vote nul contestataire qui a tendance à recueillir mes suffrages préélectoraux... au détail près que je vis justement en rase campagne et qu’un bulletin bien saignant dans le bureau de vote d’un bled de 200 habitants fera probablement l’effet d’un concert de cors de chasse dans un couvent carmélite. Autant me trimbaler à poil avec un gros nez rouge et une pancarte les bouseux sont des mange-merde dans l’église du bled pour bien me distinguer et tisser d’innombrables liens d’amitié indéfectibles avec les autochtones !

Bref, je ne sais toujours pas ce que je vais bien pouvoir faire de ma peau dimanche prochain ça a tendance à sérieusement m’agacer.
 

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