Reconnaissance du vote blanc : les députés s’arrêtent au milieu du gué...

par Albert Ricchi
lundi 3 décembre 2012

La proposition de loi du groupe centriste UDI modifiant l'article L-66 du code électoral, a été adopté par l’assemblée nationale. Jusqu'à présent confondus avec les votes nuls, les votes blancs aux élections seront désormais comptabilisés à part.

Mais en regardant de plus près le texte de loi, si les votes blancs seront bien comptabilisés séparément des votes nuls, ils continueront à ne pas être pris en compte dans les suffrages exprimés…

Sur le serpent de mer d'une reconnaissance du vote blanc, trente textes parlementaires ont été déposés en vingt ans et un seul adopté, en 2003, qui a été interrompu lors d’une navette au Sénat.

Aujourd’hui, le gouvernement, par la voix de M. Vidalies, a donné un avis favorable à la proposition de loi centriste. Et seulement quelques minutes après son adoption par l’Assemblée nationale, une dépêche AFP était relayée et reprise (sans aucune autre précision) par tous les médias nationaux bien-pensants : « L’Assemblée nationale adopte à l’unanimité la reconnaissance du vote blanc ».

Le président PS de l'Assemblée nationale, Claude Bartolone, saluait la reconnaissance du vote blanc comme "un progrès démocratique majeur". "Ce vote, que de nombreux parlementaires de la majorité présidentielle appelaient de leurs vœux depuis plusieurs années, constitue un progrès démocratique majeur pour la République".

Jean-Louis Borloo, président de l'UDI et député du Nord, saluait lui aussi "une avancée majeure" redonnant "la parole à ces millions de Français qui contribuent à la démocratie mais dont l'expression n'était, jusqu'à ce jour, jamais comptabilisée ès qualités".

Mais, lors des débats dans l’hémicycle, on a eu la désagréable surprise de découvrir que le texte initial déposé avait été amendé en commission pour ne plus proposer qu’une simple séparation des votes blancs et des votes nuls.

Il n’était plus alors question d’intégrer les votes blancs aux suffrages exprimés, le gouvernement étant favorable à cette mesure qu’à la condition que les votes blancs ne soient pas pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés, ce qui aurait entraîné, selon le Ministre, des problèmes "politiques" et "juridiques" en conduisant notamment à modifier les règles de calcul de la majorité absolue…

C’est cette dernière approche minimaliste de la reconnaissance du vote blanc qui a été retenue à l’unanimité des députés mais on ne peut que rester dubitatif à propos de ce vote :

- L’adoption de cette loi « à l’unanimité » est toute relative. En effet, seuls 90 députés sur 577 étaient présents dans l’hémicycle. Ils représentent au final moins de 16% des parlementaires. C’est parfaitement légal, mais on peut tout de même s’interroger sur la légitimité de ce vote.

- Un texte de loi similaire avait déjà été voté par l’Assemblée Nationale en… 2003 ! Ce projet de loi dort depuis maintenant presque 10 ans au Sénat sans qu’il soit remis à l’ordre du jour. Cette nouvelle proposition de loi ne devrait pas subir le même sort mais il faut tout de même avouer que cela donne à réfléchir…

Pour une vraie reconnaissance du vote blanc 

Apparu à l'époque où l'électeur écrivait le nom de son candidat sur le bulletin de vote, le bulletin blanc exprimait tout naturellement le non-choix. Il fut pris en compte jusqu'en 1852, année du décret qui l’a considéré comme vote nul.

Les motivations de l'électeur « blanc » ne sont ni le désintérêt ni le manque d'information mais avant tout le refus des candidats en présence et l'hostilité à la politique proposée. Lorsqu'un électeur se déplace jusqu'au bureau de vote pour y déposer un bulletin blanc, c'est d’autant plus un acte fort de responsabilité qu'il faut apporter son propre bulletin, vierge de toute mention, car aucun bulletin blanc n'est mis à disposition.

Et lors de la dernière élection présidentielle, pour la première fois sous la Ve République, plus de deux millions de Français ont placé un bulletin vierge, multiple ou encore annoté dans leur enveloppe le 6 mai 2012. Les bulletins blancs et nuls ont représenté ainsi 2,15 millions (5,8%) des 37 millions de votes. 

Le précédent record datait de 1995, avec 1,9 million. Le taux de votes blancs et nuls le plus élevé pour un scrutin présidentiel reste toutefois de 6,42%, pour le second tour de l'élection de 1969. Et pour cause, cette élection avait été marquée par l'absence de candidat de gauche, Georges Pompidou étant opposé à Alain Poher.

Aujourd’hui, il n’y a aucune raison de ne pas considérer un bulletin blanc comme un suffrage exprimé et les craintes exprimées, ici ou là, par les tenants d’un certain conservatisme, sont le plus souvent excessives car c'est dans l'intérêt de l'électeur de pouvoir exprimer librement son choix.

L’absence d’élection à la proportionnelle écarte déjà de toute représentation parlementaire plusieurs millions d’électeurs mais nos institutions ne s’honorent pas non plus à continuer d’exclure le vote blanc des suffrages exprimés, même si un tout petit progrès a eu lieu avec le décompte séparé des bulletins blancs et nuls…

 

Photo Creative Commons : le bulletin est dans l'urne par JaHoVil (http://www.flickr.com/photos/jahovil/468547792/)

 

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