Réforme de l’école : l’imposture de la difficulté scolaire
par Roda
lundi 9 juin 2008
M. Darcos justifie la nécessité de réformer les programmes de l’école primaire en arguant de la gravité de l’échec scolaire en France :
Reprenons d’abord les enquêtes internationales sur lesquelles s’appuient ces allégations :
PIRLS : les évaluations PIRLS (Programme international de recherche en lecture scolaire) s’adressent aux élèves de CM1. Elles classent la France en 27e position des 41 pays étudiés. Cette évaluation donne un aperçu du niveau d’acquisition d’un élève de 10 ans de sa langue maternelle. Or, à cet âge, ce niveau dépend encore des caractéristiques intrinsèques de la langue. Regardons alors le classement des trois pays francophones : on retrouve la province du Québec (Canada) en 23, la France en 27 et la Belgique francophone en 33. On est probablement en droit de penser que la langue française n’est pas encore acquise à l’âge de 10 ans.
Prenons l’exemple de la Finlande (qui n’a pas participé à cette évaluation, mais qui est en tête des évaluations PISA et que M. Darcos se plaît à brandir pour expliquer combien on peut faire mieux avec moins d’heures de cours), il y a 26 phonèmes dans le finnois, dont 8 voyelles (contre 37 phonèmes dont 16 voyelles en français) ; il y a 26 lettres dans l’alphabet finnois courant ; chaque phonème est toujours représenté par une même lettre et une seule. De plus, l’orthographe et la grammaire sont deux disciplines n’existant pas à l’école primaire en Finlande, d’où une économie importante de temps.
PISA : les évaluations PISA (Programme international pour le suivi des acquis) mesurent les acquis des élèves de 15 ans en langue, en mathématiques et en sciences. Il ressort de l’analyse des résultats que la France montre des faiblesses quand les élèves sont confrontés à des situations qui sortent du cadre scolaire. Les résultats sont les meilleurs quand il s’agit d’extraire des informations de documents ou de restituer des connaissances. L’explication avancée pour comprendre ces lacunes est une approche pédagogique trop centrée sur l’accumulation des savoirs reçus passivement par les élèves.
Autre argument avancé par M. Darcos : 150 000 élèves sortent chaque année du système scolaire sans qualification. Or, si l’on adopte les critères que le ministère lui-même utilise habituellement en distinguant qualification et diplôme, le nombre de jeunes sortant sans qualification est évalué à 60 000 par an. De plus, ce nombre est en constante diminution au fil des ans.
M. Darcos accuse l’école primaire qui, dit-il, "... assiste, impuissante, à la reproduction des inégalités sociales". L’analyse sociologique de la difficulté scolaire indique que les élèves en difficulté sont très marqués socialement. (extrait du rapport Hussenet - Santana 2004)
Et les auteurs concluent : la difficulté scolaire à la fin de la scolarité obligatoire est essentiellement liée à la pauvreté.
Il est aisé de montrer du doigt l’école et de pointer ses difficultés à contrecarrer les effets de la pauvreté sur la scolarité des enfants. Il est probablement difficile à M. Darcos d’imaginer un enfant arrivant à l’école le matin, sans avoir mangé de petit déjeuner et en déficit de sommeil. C’est pourtant le quotidien des enseignants. Et que peut l’école pour éduquer les parents ? La pauvreté engendre des situations que l’école seule ne peut résoudre. La précarisation de notre société ne va pas améliorer les choses.
Quelles sont les mesures proposées par M. Darcos pour lutter contre la difficulté scolaire ?
Ces mesures sont contradictoires avec les analyses des difficultés scolaires rencontrées.
M. Darcos se sert de la difficulté scolaire qui existe, qui est un problème sérieux, pour faire du catastrophisme et justifier une réforme qui ne répond en rien aux questions soulevées. M. Darcos est un homme intelligent, qui a lui-même enseigné, au fait des réalités de l’école. On est en droit de se poser la question : pourquoi tant de désinformation ?
Sources
Discours de M. Darcos du 29 avril 2008
A. Ouzoulias : Chiffres de l’Ecole, une entreprise de manipulation
Danièle Manesse et Danièle Cogis, Orthographe : à qui la faute