Réforme des retraites : et les niches sociales ?
par Michel DROUET
mardi 14 mars 2023
Le report de l’âge de départ permettra-t-il de régler durablement la question du financement des retraites ? La réponse est non.
Il est probable qu’à très court terme on ne soit obligé d’y revenir, avec cette fois la question des fonds de pension.
Les salariés en première ligne
L’effort demandé porte essentiellement sur les salariés qui devront cotiser plus longtemps et les concessions ou rectifications opérées au cours du débat (le gouvernement n’a pas été d’une grande clarté…) ont déjà entamé le pactole des 16 Milliards d’économies prévues.
Les employeurs aboient devant leurs niches
Les employeurs n’ont pas été appelés à contribuer à cette réforme et la pertinence des « niches sociales » destinées à baisser le coût du travail n’a jamais été évoquée et est absente du débat.
Un rapport d’octobre 2019 de la Cour des Comptes sur ces « niches sociales » nous apprend que ces allègements et exonérations de cotisations se sont élevés à 99.1 Milliards d’euros avec une augmentation de 32.8 Milliards d’euros entre 2013 et 2019. La Cour souligne que ces dispositifs manquent d’encadrement et que les entreprises qui profitent de dispositifs dérogatoires sont insuffisamment contrôlées. Elle note aussi que des mesures récentes (exonérations sur les heures supplémentaires ou bien le CICE ont participé de façon notable depuis 2019 à l’augmentation de ces niches.
Si le coût du travail, mettant les entreprises françaises en difficulté face à la concurrence mondiale, a longtemps fait l’objet de revendications patronales, les résultats de nos entreprises sont aujourd’hui florissants ne serait-ce qu’au regard des bénéfices et dividendes observés depuis quelques années. Le quoi qu’il en coûte de la pandémie a préservé cette situation. Les exonérations et allègements de cotisations sociales accordés successivement par les gouvernements en place participent à ces résultats qu’il n’est donc pas permis de discuter...
Pas d’économies mais des dépenses supplémentaires
Par ailleurs, la notion de travailleur âgé continuera d’être utilisée par les employeurs pour licencier. Les améliorations éventuelles sur ce sujet n’empêcheront pas qu’une part croissante de cette catégorie viendra grossir les rangs des allocataires des minimas sociaux ou du chômage et grèvera de ce fait l’équilibre des caisses publiques. Il est à craindre que le résultat financier global de la réforme soit déficitaire, à court terme… à moins que les entreprises ne réclament un nouvel allègement de cotisations sociales (ce qui serait un comble) pour faire un geste vers les salariés âgés, et que le gouvernement accepte cette demande (ce qui serait scandaleux compte tenu des remarques émises par la Cour des Comptes).
La participation des entreprises à la réforme compte tenu des niches sociales aurait pu faire débat. Il n’en n’a rien été, au nom du ruissellement, sans doute, celui qui, comme les nappes phréatiques, a tendance à s’évaporer en passant dans les poches des actionnaires et des dirigeants.
La démographie étant en baisse, nul doute que les délocalisations s’accentueront dans les années à venir, à moins que la notion d’immigration « utile » ou des « métiers en tension » ne refasse surface, avec la demande de nouvelles niches sociales, cela va de soi.
Les salariés peuvent légitimement se sentir lésés et la démocratie ne sort pas gagnante de cette séquence.