Réforme des retraites : la stratégie de la violence

par LATOUILLE
mardi 28 mars 2023

 Ne nous payons pas de mots et nommons en vérité les choses. L’usage intensif de gaz lacrymogène, de grenades et de canons à eau avant même toute action violente de la part de manifestants démontre bien la volonté du Chef de l’État de provoquer la violence. Aujourd’hui, 28 mars 2023, à Rennes des manifestants étaient attendus par des policiers qui font un usage massif de gaz lacrymogène. Ce lien devrait permettre de visionner la situation à Rennes cet après-midi du 28 mars : Grève du 28 mars à Rennes : fin de manifestation, affrontements au centre-ville | Actu Rennes

 La réaction de certains manifestants est alors très vive, conduisant à des actions inadmissibles et intolérables mais excusables, qui amène les policiers noyer les manifestants dans du gaz lacrymogène ce qui rappelle une triste époque de l’histoire de l’humanité il y a 80 ans. C’est ce qui s’est passé à Sainte-Soline où les gendarmes ont littéralement chargé contre les manifestants.

 Alors on nous explique que le travail de la police a pour but de protéger les manifestants contre les actions violentes des blacks blocs dont le ministre de l’Intérieur nous dit bien avant la manifestation combien ils seront sur le terrain. C’est sûr qu’en mutilant des personnes on les protège des malversations des trublions ; en les envoyant à l’hôpital, en quelque sorte, on leur sauve la vie.

 Ce travail de destruction des personnes est voulu par le président de la République qui, comme un adolescent capricieux, ne supporte pas qu’on lui résiste. Cette violence d’État est portée par la propagande orchestrée par le ministre de l’Intérieur et colportée par le porte-parole du gouvernement, une propagande dans laquelle on perçoit des accents d’usage de la terreur à des fins de gouvernance que n’aurait vraisemblablement pas renié Goebbels. Quand on voit ce qui s’est passé à Sainte-Soline, notamment comment les forces de l’ordre (le mot est désormais obsolète, il s’agit plutôt de forces armées) ont investi des lieux où étaient soignés des blessés, quand on a vu l’action militaire conduite par des policiers à Paris lors des dernières manifestations on peut se demander à quand le retour des « chambres à gaz » : on mutile des gens, nos enfants à grands coups de grenades et de matraques, on leur roule dessus avec des motos ou des quads, on les asphyxie avec du gaz lacrymogène.

 Certes les « casseurs » existent mais on voit bien que les policiers sont inefficaces contre eux, tellement inefficaces qu’on est en droit de se demander si ces casseurs existent vraiment ou s’il ne s’agit pas de comparses qui, venant mettre « le bordel » (mot à la mode place Beauvau) avant de s’enfuir, seraient là pour que le gouvernement puisse justifier sa politique de répression. Rappelons-nous les actions des blacks blocs au G8 à Gênes en 2001, à Paris en 2019 où, non seulement les blacks blocs se confrontent aux policiers, ils cassent ce qui représente à leurs yeux le monde de la finance et les institutions (cf Dupuis-Déri, Francis. « Black Blocs : bas les masques », Mouvements, vol. no25, no. 1, 2003, pp. 74-80.). Or, mis à part Sainte-Soline où les banques sont rares au milieu des champs, les attaques de banques, de commerces ou d’institutions ont été rares au cours des débordements de manifestations.

 Alors ne serait-ce pas une stratégie gouvernementale que d’installer de la violence dans le pays ? Sachant que la majorité des gens n’aime ni le désordre ni la violence, il peut être utile d’instaurer un climat de peur afin de séparer en deux camps les Français et d’amoindrir la participation aux manifestations, « les peureux » n’osant plus sortir pour manifester. Cette stratégie de la « division » des adversaires, tel Tullius Detritus dans l’album La Zizanie d’Astérix, il ostracise ses adversaires : les syndicats qui ne font pas de propositions, la France Insoumise qui « bordélise » le pays ; tel l’adage qui dit que « qui veut tuer son chien dit qu’il a la rage », Macron créer une image sombre de ses adversaires afin de les abattre et on a vu ce matin (28 mars) comment certains médias peuvent promouvoir cette politique comme BFM TV dans l’émission d’Apolline de Malherbe qui confond interview journalistique et interrogatoire policier ou Gaëtane Meslin qui se repait d’annoncer la baisse du nombre de manifestants sans rien contextualiser. C’est la tactique qu’avait utilisée Emmanuel Macron au moment des Gilets Jaunes, et ça ne lui avait pas mal réussi. Toutefois, aujourd’hui nous ne sommes pas dans la même configuration sociale : l’opposition à la réforme des retraites dispose d’une force de rassemblement et de cohésion bien supérieure aux revendications des Gilets Jaunes ; alors, malgré l’aide docile et soumise apportée par les médias qui mettent tellement en avant les « violences » plus que le fond de l’opposition à la réforme, il se pourrait que la tactique macronienne soit inefficace voire dégénère en émeute. Martin Luther King, 1967 à Stanford un an avant les émeutes dans le Monde de 1968, disait : « au bout du compte, l’émeute est le langage de ceux qui ne sont pas entendus ».

 Quoi qu’il arrive, la démocratie ne sortira pas grandie de cet épisode de la vie politique et sociale du pays qui lui-même voit son image à l’internationale terriblement ternie par les choix stupides d’un président qui confond gouverner un pays et jouer au Monopoly. Dans le pays les traces funestes seront profondes et laisseront de douloureuses cicatrices au niveau de l’engagement citoyen (en termes notamment de participation aux élections), au niveau de l’investissement dans le travail, au niveau de la participation à la vie sociale. L’autorité des institutions sera amoindrie ainsi que la confiance dans les élus qui ne seront plus élus que par une petite minorité, et les médias ne rattraperont pas la confiance perdue au fil des années et du soutien apporté inconditionnellement à la lutte contre les « manifestants », les syndicats et les partis d’opposition. Les « forces de l’ordre » vont sans doute gagner la bataille « de la peur », mais à quel prix : celui de la déchéance de la République et de ses valeurs au seul profit du « grand capital », d’un patronat conserveur qui ne rêve qu’à un retour aux conditions de travail d’avant 1940 et d’une presse soumise à ces patrons !

 


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