Réforme des retraites : le grand bluff

par Tichote
vendredi 23 juillet 2010

On nous dit : il est urgent d’agir ! On nous dit l’espérance de vie augmente ! On nous dit : Il n’y a pas d’autres moyens que de reculer l’âge de la retraite…

Urgent, vous avez dit urgent ! C’est vrai qu’il y a une urgence, et fondamentale celle là c’est de travailler en faveur de l’emploi.

La crise a coûté 600 000 emplois à l’économie française depuis l’automne 2008 : 600 000 emplois ont été détruits depuis le début de la crise dans le secteur marchand non agricole, dont 357 600 sur la seule année 2009. Du jamais-vu. Du coup le taux de chômage, qui était descendu à 7,8 % de la population active en 2008, est remonté fin 2009 à 9,6 %, son plus haut niveau depuis 1997.

Alors oui il y a urgence de relancer l’emploi : c’est forcément une relance du nombre de cotisants

Faux, la population active n’est pas stable.

Le Conseil d’orientation des retraites part du principe que la population active sera stable, en retenant un taux de fécondité de 1,9 enfant par femme (chiffre identique au rapport 2007 du COR). Mensonge ! Depuis 2007 on a pu constater une croissance du taux de fécondité qui est passé à 2,1 enfants par femme.

Faux : Il n’est pas neutre de choisir d’augmenter l’âge légal de départ en retraite.


Aujourd’hui, l’âge légal de départ en retraite est de 60 ans. Par ailleurs, pour obtenir une retraite à taux plein, il faut cotiser 160 trimestres. L’âge légal pour commencer à travailler est actuellement de 16 ans. Des jeunes sans qualification se retrouvent sur le marché du travail par exemple dans des contrats aidés ; contrat de qualification, contrat d’apprentissage…pour un salaire de misère. Leurs perspectives d’évolution sont faibles

La proportion de smicards dans la population active est la suivante :

Si l’on décide d’en finir avec le fameux "dogme", et d’augmenter l’âge légal de départ en retraite (de 60 ans à 61 ou 62 ans), ce sont les ouvriers qui seront pénalisés avance Libération puisqu’ils ont commencé à travailler plus tôt : "Aujourd’hui déjà, ils cotisent plus que le minimum requis (40,5 ans en 2010) quand ils atteignent l’âge légal de départ à la retraite. Plus de la moitié des salariés qui ont liquidé leur retraite à 60 ans en 2009 ont ainsi cotisé 4 trimestres en trop. Repousser l’âge légal accentuera donc cette injustice". A l’inverse, augmenter seulement le nombre d’annuités pénaliserait plutôt les cadres qui entrent plus tard sur le marché du travail. Dans une certaine mesure, ces deux leviers répondent donc à des logiques de classe.


L’espérance de vie augmente certes, mais qu’en est-il de l’espérance de gagner l’âge de la retraite en bonne santé ?


Les inégalités sociales de mortalité précoce sont particulièrement prononcées en France. Globalement, aux cadres et professions intermédiaires auxquels est associée une relativement faible mortalité s’opposent les employés et ouvriers caractérisés par une relativement forte mortalité. Ainsi, 6,7 % des hommes nés entre 1940 et 1946 et cadres dans le secteur privé à 36 ans sont décédés avant 60 ans1 contre 14,3 % de ceux employés ou ouvriers non qualifiés.


La surmortalité précoce relevée pour les employés et ouvriers pourrait ainsi également résulter des conditions de travail, susceptibles de dégrader leur état de santé, soit de façon directe, compte tenu des risques professionnels, soit de façon indirecte en accentuant leur dépendance vis-à-vis des comportements à risques (alcool, tabac, médicaments, etc.).

Si l’espérance de vie augmente incontestablement, ces années supplémentaires peuvent-elles être consacrées au travail tout en préservant quelques années de retraite paisible ? Rien n’est moins sûr. Encore faut-il être apte à poursuivre une activité professionnelle et arriver à l’âge à la retraite en bonne santé.

Pour le savoir, l’INSEE a un critère rarement mis en avant par les médias et les responsables politiques : l’espérance de vie en bonne santé, "c’est à dire sans limitation d’activité (ou sans incapacité majeure liée à des maladies chroniques, aux séquelles d’affections aiguës ou de traumatismes)". Ce chiffre est largement inférieur à l’espérance de vie à la naissance ou après 60 ans : "En France, en 2007, l’espérance de vie « en bonne santé » à la naissance est estimée à 64,2 ans pour les femmes. Elle est plus faible pour les hommes (63,1 ans)".

Dans un monde où l’économie n’est plus au service de l’homme mais l’homme au service de l’économie, les objectifs de productivité et les méthodes de management poussent les salariés jusqu’au bout de leurs limites. Jamais maladies, accidents du travail, souffrances physiques et psychologiques n’ont atteint un tel niveau.


Pour en savoir plus je vous engage à vous informer sur ce site : http://www.arretsurimages.net/


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