Régionales : tripartisme et conséquences
par Laurent Herblay
lundi 7 décembre 2015
Hier, le premier tour des élections régionales a marqué une nouvelle progression du FN, qui va plus loin que lors des élections européennes et départementales, et franchit le cap des 40% dans deux nouvelles régions. Que penser de ce résultat, mais aussi de l’ensemble des scores du premier tour ?
France coupée en trois et bisbilles dérisoires
Depuis l’élection présidentielle, la tendance semble se confirmer à chaque étape électorale. Notre pays est dominé par trois grands blocs, les autres partis étant malheureusement réduits à la portion congrue. Il faut bien reconnaître que le parti de la famille Le Pen réalise un nouveau record qui a de quoi questionner. Mais il faut néanmoins apporter deux petits bémols. On peut nuancer par le fait que les trois premiers partis réunissent une grande part des votes et que le FN devance de quelques points les dits Républicains. Il y a 18 mois, il faut rappeler que le FN avait viré en tête, avec 25% des voix, contre 21% pour la droite et à peine 14% pour le PS ! En clair, en 18 mois, le vote des Français s’est concentré et les écarts entre les trois premiers partis se sont nettement resserrés.
Ensuite, même si les scores de deux régions sont impressionnants, il ne faut pas oublier que le FN a le plus grand mal à étendre son emprise électorale au second tour, comme on l’avait vu aux départementales. Mais aux régionales, le mode de scrutin différent et les triangulaires peuvent lui permettre plusieurs victoires. D’ailleurs, les débats sur l’attitude du PS et des dits Républicains au second tour ont dominé les débats hier soir avec quelques échanges assez effarants. Une partie de la gauche ouvre la porte à la fusion et semble même prête à se retirer dans le pire des cas, même si la ligne n’est pas encore totalement claire, alors que Nicolas Sarkozy semble avoir fermé la porte à tout accord. Du coup, ce sont les Républicains qui semblent devoir prendre la responsabilité de l’absence d’accord.
Hollande, réincarnation du machiavélique Mitterrand ?
Mais derrière les bisbilles dérisoires sur la responsabilité des uns et des autres sur les scores du FN et sur les attitudes à adopter au second tour, se dessine paradoxalement une carte électorale de France pas si mauvaise pour le parti qui arrive en troisième position. En effet, la majorité devrait l’emporter en Bretagne, en Aquitaine-Poitou-Charentes-Limousin et sans doute en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, mais sa position est loin d’être forcément perdante en Ile de France, en Normandie, dans le Centre voir même dans les Pays de la Loire ou l’Auvergne-Rhône-Alpes, si les reports de voix sont bons avec les écologistes et le Front de Gauche. Bref, la grande surprise du second tour pourrait être que le Parti Socialiste conserve le pouvoir dans un plus grand nombre de régions que la droite.
Même si son bilan est très mauvais, il faut malheureusement reconnaître que François Hollande est bien un politicien habile. La polarisation du débat autour du Front National a plusieurs intérêts pour lui. Ce faisant, il est en train d’éteindre toute contestation à sa gauche, bien qu’il mène une politique parfois plus libérale que celle de son prédécesseur. Paradoxalement, en virant à droite, il semble avoir réduit l’espace politique à sa gauche, qui se retrouve aujourd’hui mise en procès pour risquer d’éliminer la gauche du premier tour et de provoquer des duels entre la droite et l’extrême-droite. Les Républicains peinent à se différencier et jouent perdant s’ils fusionnent (ils ne différencieraient plus) comme s’ils refusent tout accord (étant responsables alors des succès du FN). Un machiavélisme tout mitterrandien.
Parce que le FN est ce qu’il est, je n’ai aucun état d’âme à voter contre lui, car, pour moi il est pire que les autres. Mais dans la configuration politique qui se construit, il semble malheureusement que le président de la République construise un piège où ses opposants se perdent.