Régionales, une victoire trompeuse
par olivier cabanel
mardi 15 décembre 2015
Une victoire de justesse sur le FN, due essentiellement au report des voix de gauche sur celles de droite, malgré le « nini » sarköziste, mais cette victoire n’est-elle pas trompeuse ?
Avec près de 7 millions de voix récoltées par le FN, le parti d’extrême droite continue son avancée face à un PS qui s’englue dans des positions assez éloignées du socialisme, et face à un Sarközi de plus en plus contesté au sein même de son parti.
Le sursaut républicain a provoqué un recul de l’abstention, permettant ainsi l’échec du FN, lequel n’avait pas, comme les autres partis, des réserves de voix.
C’est entendu dans le Nord, l’heureux élu Xavier Bertrand a fait allégeance reconnaissant que sans les voix du peuple de gauche, il n’aurait pu l’emporter, (lien) mais la victoire d’Estrosi dans le Sud reste en trompe l’œil.
Les électeurs n’ont pas oublié qu’il était, il y a peu, l’un des plus virulents promoteur d’une alliance avec le FN faisant tout son possible pour empêcher la gauche de prendre le pouvoir.
C’était en 1998, le 20 mars, et les socialistes ne disposaient au conseil régional de PACA que d’une majorité relative : la Droite avait 37 sièges, le FN autant, et seule une union des deux pouvait priver le PS de sa présidence.
Or 16 élus de droite, menés par François Léotard, vont faire échouer le plan voulu par Estrosi, donnant finalement la victoire au socialiste Michel Vauzelle. lien
Estrosi n’en est pas à sa première, et celui qui l’avait mis en selle, Jacques Médecin, en fuite vers l’Uruguay, a finalement été rattrapé par la justice et condamné. lien
Médecin soutenait l’apartheid en Afrique du Sud, affirmait partager à 99,9% dans les colonnes de National Hebdo, les idées du FN, et depuis son exil, il avait déclaré : « faites confiance à ces hommes et ces femmes qui se sont rassemblés aujourd’hui autour de M. Estrosi ».
Toujours en Paca, qui a oublié que Jean Claude Gaudin, maire de Marseille avait fait, dès 1986, alliance avec le FN afin de prendre le pouvoir en Région PACA, et qu’il avait gouverné pendant des années avec le parti d’extrême droite ?
Plus tard, il pratiquera le « recyclage » des élus FN, les transformant par un coup de baguette magique en élus de la « droite républicaine »…
Un exemple parmi tant d’autres, Daniel Simonpieri, maire FN de Marignane en 1995, sera intégré à l’UMP en 2004 sous la bannière de l’UMP. lien
Encore plus tard, ce dernier déclarera au lendemain du 1er tour de la présidentielle de 2007 : « beaucoup d’électeurs FN ont constaté que Nicolas Sarközi disait les même choses que Le Pen, mais que lui avait une chance de les mettre un jour en application. Ils ont donc voté utile. (Comprendre Sarközi. Ndr) parce qu’ils ont cessé de croire à l’accession de Le Pen au pouvoir ». lien
Ça ne devrait donc être une surprise pour personne de découvrir un Sarközi fléchissant dangereusement la position de son parti, en reprenant les idées du FN, semant le trouble chez ses alliés du Modem, et au Centre.
Le chef des républicains n’en a cure, et après avoir bafouillé quelques mots, se réjouissant du résultat, il est parti en 4ème vitesse assister au match PSG-Lyon, manifestement plus important pour lui, ce qui a dû dérouter quelques-uns de ses électeurs. lien
Quant aux écolos d’EELV, leur retour en Rhône-Alpes dans le giron des socialistes ne leur a pas porté chance, d’autant que Queyranne continue de défendre le nuisible projet du Lyon-Turin, un scandale à hauteur de 30 milliards minimum, projet que les Verts avaient finalement contesté.
En bref, ceux qui se réjouissent aujourd’hui de la défaite du FN feraient bien d’y regarder à deux fois, car Hollande n’a manifestement pas envie de faire marche arrière, continuant sa politique socio-libérale, et va probablement perdre son électorat au fil et à mesure dès 16 petits mois qui nous séparent de la présidentielle…
À droite, les couteaux commencent à sortir, et les élections primaires qui ne vont pas tarder à s’ouvrir vont provoquer de profonds remous.
La ligne très à droite que continuera de défendre le patron des « républicains » ne sera pas du gout de tous, et bien malin qui pourra dire lequel tirera son aiguille du jeu.
Déjà, NKM devrait prochainement être virée de sa place n°2 à la direction des républicains, pour avoir osé critiquer le « ni-ni » du patron. lien
Entre un PS affaibli, et des « Républicains » peu fringants et peut-être bientôt divisés, on comprend mieux le cri de victoire lancé par Marine Le Pen, le 13 décembre dernier, assurant que « le régime était à l’agonie », (lien) d’autant que les électeurs assurés de la victoire du parti d’extrême droite, s’étaient réveillés au dernier moment pour empêcher le pire…mais à force de leur crier « au loup », les moutons ne vont-ils pas ignorer définitivement le danger ?
Quittons les loups et les moutons pour une parabole encore plus réaliste.
L’histoire de Mouse land, le pays des souris, illustre assez bien le monde dans lequel nous tentons de vivre. vidéo
Avec beaucoup d’humour, le réalisateur évoque un monde de souris dirigé par des chats, et lorsque finalement, une souris, devant les échecs continuels, propose de faire élire une souris à la place du chat traditionnel… elle sera emprisonnée par les siens, sous prétexte de communisme aggravé.
Certains, plus lucides que d’autres, ont lancé une pétition en demandant la démission de Bartolone, Sarközi, Cambadélis, Laurent, Mélenchon, Lagarde, Bayrou, Cosse leur reprochant d’avoir une grande responsabilité dans la montée de l’extrême droite et de ses idées en France. lien
Marine le Pen semble avoir bien compris l’enjeu lorsqu’elle affirme qu’il n’y a plus que 2 partis dans notre pays, le sien et les autres…qu’elle met tous dans le même sac.
Concept repris d’ailleurs par Manuel Valls, mais pour d’autres raisons, qui tente de mettre en place une nouvelle stratégie qui permettrait une alliance entre le centre gauche et le centre social démocrate, afin de pouvoir résister à la pression de l’extrême droite…
Au-delà de ces stratégies politiques, qu’en pensent les français, ceux qui votent, mais aussi ceux qui ne votent plus ?
Est-ce de cette manière de gouverner qu’ils veulent ?
Croient-ils encore aux « valeurs de la République » ?
Un chanteur, Philippe Katerine, a son opinion sur la question et il est probable qu’ils sont nombreux ceux qui la partagent. clip
On peut s’interroger que des humains censés, philosophes, penseurs, doté de raison, de sagesse, d’empathie ne soient jamais sollicités pour gérer un pays ?
Pierre Rabhi, Michel Onfray, et tant d’autres sont là pour en témoigner.
Il leur est préféré des politiciens avides, dont toute l’action se résume à prendre le pouvoir, et surtout à se donner les moyens de le garder le plus longtemps possible.
Comme dit mon vieil ami africain, tout comme Serge Gainsbourg : « les salauds vivent du travail, de la maladie, et de la misère des imbéciles et se servent d’eux pour neutraliser ceux qui s’en rendent compte ».
L’image illustrant l’article vient de abardel.free.fr
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Olivier Cabanel
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