Relance économique. Et s’ils se plantaient tous, Sarkozy, Verts, Socialistes, Anti-capitalistes ?

par Bernard Dugué
lundi 2 février 2009

Les indicateurs, PIB, chômage, bourse, bilans, montrent que l’économie ne se porte pas bien. La récession est avérée. Cela arrive parfois car il est illusoire de croire qu’une croissance positive peut perdurer quinze ou trente ans. Les pessimistes évoquent une dépression. Comme en 1932. Nul n’est prophète en son pays. Nul n’est devin, surtout en économie.

Pour faire face à cette secousse économique, les dirigeants des pays occidentaux ont élaboré chacun un plan de relance. Divers ingrédients composent ces recettes financières mais la cuisine économique reste traditionnelle. Aide aux banques, soutiens des secteurs industriels considérés comme clé. Un peu de saupoudrage de pouvoir d’achat selon les pays. A vrai dire, plus personne ne semble en mesure d’expliquer ce qui se passe. Tel fut le constat de Jean-Pierre Dupuy un soir chez Taddéi. Les grandes questions sont calquées sur la métaphysique de bistrot. D’où viens-je, où vais-je ? D’où vient la crise économique et où va-t-on avec les plans de relances ?

La crise vient des subprimes dit-on. Pourtant, une crise en cache une autre. Le baril à 150 dollars, les denrées alimentaires qui flambent. C’était en plein été 2008. Maintenant ça s’est calmé. Les financiers jouant sur les marchés des matières premières ont empoché de copieux profits. Des centaines de milliards ont disparu des capitalisations boursières. L’argent est bien quelque part. On se doute bien que les spéculateurs vont repartir à l’assaut dès que la tendance sera favorable. Les raisons de la crise sont assez simples dans le principe. Premièrement, il existe des masses de monnaie considérables qui interviennent en marge de l’économie réelle. Deuxièmement, si ces masses apparaissent c’est qu’il y a disparité des revenus. Troisièmement, cette disparité est accentuée par l’existence d’une double économie. L’une est appelé économie Empire. C’est celle des grands groupes industriels, des professions à hauts revenus, des commis de l’Etat, des banquiers, des gestionnaires. L’autre est appelée Tierce économie. Elle est interconnectée à la première mais les flux monétaires y sont moins intenses.

Ce qu’on peut comprendre, c’est que la Tierce économie est dans une situation de fragilité que connaît moins l’économie Empire, même si parfois, des vagues de licenciement sont opérées. Le système économique a besoin de la monnaie pour fonctionner, un peu comme les végétaux ont besoin d’eau. Un système d’irrigation est parfois limité. En période de sécheresse, il faut parfois faire des choix. Les zones délaissées s’étiolent. En économie, le principe est analogue. L’économie Empire attire les flux monétaires, siphonnés du reste par les élites économiques et parfois politiques. Du coup, la Tierce économie n’est pas assez irriguée et la société vit une sorte d’amputation sociale. En Allemagne, un enfant sur cinq serait sous le seuil de pauvreté. Ne parlons pas des Etats-Unis, certaines zones sont sinistrées. Il vaut mieux être dans les Landes avec une maison fracassée par un arbre que dans un no man’s land dévasté par la récession économique aux States. Ces belles formules parlent mais ne disent rien sur l’avenir.

Le plan de relance proposé par notre Président, assorti des réformes déjà prévues avant la crise, vise à redonner à la France une compétitivité. Est-ce la bonne stratégie ? Les sociétés n’ont-elles comme seul horizon que de produire et concurrencer les autres, d’obtempérer devant le fétichisme des chiffres ? Le salut est-il dans la croissance ? Ces questions, les politiques se les posent depuis que les chiffres de la comptabilité économique existent et sont pris au sérieux. Autrement dit, depuis 1950, les rivalités entre URSS et USA et en Europe, un peu plus tard, mais très tôt, déjà en 1970, les oracles de Giscard sur le déclin du Royaume-Uni. Oracle avéré puisque le retour de la prospérité britannique ne reviendra que dans les années 1990. Le présupposé de ces jugements de calcul, c’est que la croissance est souhaitable pour les nations. Ce fétichisme du chiffre semble de plus en plus prégnant, avec les nombreuses officines et autres dispositions ministérielles œuvrant dans la prospective. Un énarque pur jus tel que Christian Blanc n’a pas hésité à proposer une alternative entre la croissance et le chaos. C’est une vision simple mais qui en dit long sur l’esclavage de notre société qui n’a pas d’autre issue que la fuite en avant vers plus de compétitivité, de croissance. Une folie partagée par la plupart des élites. Et acceptée par le peuple.

Que signifie au juste le plan de relance de Sarkozy ? Il traduit cette fuite en avant dans la production, la compétition. Une analyse économique livre son verdict. Sarkozy comme d’autres dirigeants renforce l’économie Empire, autrement dit, l’économie qui est responsable de la récession et de la misère sociale en résultant. Et la plupart des médias trouvent super l’hyper réactivité du Président. Je ne sais plus dans quel monde je vis. Un monde de dingues, c’est sûr, de débiles et autres décérébrés.

Quoique, comme dit Woody Allen, les méchants ont compris quelque chose que les bons ignorent. Je transpose. Les profiteurs ont compris quelque chose que les exploités ignorent.

Le Président l’a dit, il a six cerveaux, il ne peut se tromper, le seul salut est dans l’économie compétitive. Et pour y parvenir, il faut réformer. Le principe est simple, comme pour un club de sport, que ce soit des gamins de dix ans ou des sportifs de haut niveau. Ceux qui jouent bien entrent sur le terrain, ceux qui jouent mal, restent sur la touche. Et le club augmente ses chances de gagner. C’est le principe de l’économie occidentale depuis trente ans.

A l’économie compétitive, on opposera une économie nécessaire. L’économie censée servir équitablement les besoins et les aspirations d’une majorité de concitoyens. Ce type d’économie existe, il s’appelle le socialisme. Hélas, il a été fourvoyé par les pratiques politiques, notamment locales, où une assemblée de notable décide de ce qui est nécessaire et utile, encadre et materne les citoyens, pour en fin de compte, gaspiller les deniers publics pour des opérations inutiles et entretenir une bureaucratie locale bien onéreuse. Les assemblées locales de droite font comme la gauche. Nous ne sommes pas dans une économie nécessaire mais une économie bureaucratisée. Conclusion, l’économie nécessaire doit se déprendre des bureaucraties locales, voire même nationale. Le plan de relance de Sarkozy prévoit de relancer des autoroutes pas vraiment nécessaires. Mais Sarkozy n’est pas un libéral. Juste un hybride. Un dirigiste.

Alors, cette croissance, si décriée, elle deviendrait louable, carrément sanctifiée si elle devenait verte. La croissance verte, c’est un peu la seconde chance des critiques du capitalisme ayant abdiqué depuis la chute du communisme et qui veulent encore jouer un rôle en économie politique. La croissance verte, c’est le capitalisme vertueux, c’est la rédemption des profits réalisés par les acteurs du système productif vert et durable. C’est surtout une belle arnaque et une superbe connerie qui permettra aux bureaucrates verts de trouver un emploi et un bon salaires. Rien de neuf, depuis la simonie au Moyen Age, ces prêtres qui vendaient les grâces divines. Les Verts prétendent légitimer ce qu’est la croissance nécessaire. En vérité, ce n’est que la croissance nécessaire pour satisfaire leurs obsessions durables et non pas un projet, une civilisation. Un billet devrait être écrit pour faire le point sur ces écolos du durable décrétant ce qui est bon que les gens fassent pour la planète.

En conclusion, je plaide pour l’hypothèse que toutes les élites se fourvoient, se plantent, et qu’il est urgent de réfléchir à ce qu’est une économie nécessaire, au lieu de foncer dans la compétition et son faire valoir, la croissance verte. Et cette économie nécessaire, elle n’est pas anti-capitaliste, surtout pas, car le capitalisme est un système efficace pour peu qu’il soit géré par des gens intelligents, honnêtes et utilisé par des citoyens qui ne se comportent pas comme des porcs, ces cochons payeurs, des compulsifs décérébrés ayant perdu la raison ! Je crois sincèrement que les élites politiques ont des œillères et que les citoyens sont devenus borgnes.

Au final, que ce soit Sarkozy, les Verts, les Socialistes, chacun décide d’une certaine forme de croissance. Ceux qui refusent le capitalisme n’ont rien d’autre à proposer sauf leur colère. Pourtant, il y a un monde à inventer. Sarkozy, les Verts, les Socialistes, ne font qu’alimenter l’économie Empire, l’économie qui met sur le carreau des tas de gens déclassés et qui pourtant, ont une étincelle de lumière en eux, comme les enfants de Gaza.


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