Rentrée politique : le FN sourit, les autres partis grimacent

par Fergus
lundi 26 août 2013

L’été s’achève. Les vacances également. Les Français, s’ils ont apprécié le beau temps et accumulé de nouvelles réserves d’énergie, n’en abordent pas moins la rentrée socioéconomique en manifestant une grande défiance vis-à-vis des partis politiques de gouvernement. Ceux-là mêmes qui, depuis des décennies, ne cessent de servir les intérêts du grand capital au détriment des classes laborieuses. À l’évidence, l’automne s’annonce pour le moins morose dans les États-majors, excepté au Front National...

Bien qu’ils s’en défendent, François Hollande et le gouvernement, confrontés aux épineux challenges que vont constituer, dans les mois à venir, la lutte contre le chômage, le redressement des comptes publics et plus encore la périlleuse réforme des retraites, broient du noir. Ils souffrent en outre des bourdes répétées des ministres et des chicayas internes entre les plus ambitieux caciques de l’exécutif, mal encadrés par un Jean-Marc Ayrault beaucoup trop inconsistant. Quant au Parti Socialiste, il est sévèrement plombé par une chute vertigineuse de son influence et de sa crédibilité, et cela jusque dans les rangs de ses sympathisants, comme vient de le montrer de manière édifiante une enquête d’opinion réalisée par l’Ifop pour le compte de Dimanche Ouest-France. Enfin, toute la galaxie socialiste – si tant est que ce qualificatif puisse encore lui être appliqué, eu égard à ses dérives libérales – doit faire face au rejet grandissant, dans toutes les composantes de la société française, d’une nouvelle aggravation de la pression fiscale. Bref, de gros nuages menaçants s’amoncellent sur l’Élysée, Matignon et la rue de Solférino, en laissant présager un avis de tempête que seule une confirmation rapide et significative du frémissement de reprise amorcé au 2e trimestre, pourrait partiellement dissiper.

Malgré les déboires d’un exécutif confronté à une crise dont on ne voit toujours pas le bout, cela ne va pas mieux à l’UMP. Et ce n’est pas l’initiative d’un Jean-François Copé, soudain partisan d’un droit d’inventaire du sarkozysme – qu’il se refuse à appeler ainsi pour ne pas se couper des militants de base – qui mettra de l’huile dans les rouages grippés d’une droite encore sidérée par son échec de 2012. Malgré une image personnelle déplorable, Copé n’a en effet renoncé à aucune de ses dévorantes ambitions, et sa volonté de mettre en place un inventaire qui ne dit pas son nom, volonté réitérée dimanche à Châteaurenard (Bouches-du-Rhône), est manifestement motivée par deux objectifs : d’une part, dissuader définitivement l’ex-président de toute tentation de retour aux affaires en passant le bilan de son quinquennat par pertes et profits ; d’autre part, couper l’herbe sous le pied des partisans déclarés de cet inventaire, tout en associant, non sans arguments, son meilleur ennemi, l’ex-Premier ministre François Fillon, aux casseroles du bilan de Nicolas Sarkozy. Bref, après avoir été soigneusement aiguisés dans les coulisses, les couteaux sont d’ores et déjà tirés et ne seront plus rentrés dans leurs fourreaux d’ici à la à la désignation du candidat officiel de l’UMP à la présidentielle de 2017.

S’il en est une qui se frotte les mains en affichant un sourire satisfait, c’est évidemment Marine Le Pen. Entre les guerres intestines de l’UMP d’un côté, et les difficultés gouvernementales de l’autre, de surcroît aggravées par les conflits de personnes entre les caciques du PS, la patronne du Front National n’a même pas besoin de prendre la moindre initiative politique pour marquer des points et jeter les bases des futurs succès électoraux du FN : qu’ils portent la casaque rose du PS ou l’uniforme bleu de l’UMP, tous travaillent pour elle et pour ses troupes en reconduisant des comportements et des choix politiques inchangés depuis un quart de siècle. Certes, le FN ne gagnera sans doute pas beaucoup de municipalités au printemps prochain, mais d’ores et déjà, il constitue un tel pouvoir de nuisance que de nombreux élus de l’UMP, menacés dans leurs mairies par une triangulaire mortifère, tremblent dans leurs braies, hésitant entre la fidélité aux valeurs traditionnelles de la droite modérée et la tentation d’un accord sulfureux avec le FN visant à assurer le renouvellement de leur mandat. Quant aux Européennes de l’automne, Le Pen escompte bien, non sans raisons, eu égard au peu d’intérêt des Français pour ce scrutin qu’ils jugent inutile, qu’elles seront un défouloir contre « l’UMPS » et permettront au FN de ramasser la mise.

Reste le 4e larron électoral, le Front de Gauche. Inutile de se le cacher, le torchon brûle entre Jean-Luc Mélenchon et les communistes. C’était prévisible. Les plus fervents partisans du Parti de Gauche refusaient pourtant d’admettre la réalité des germes de ce coup de froid il y a quelques mois, allant parfois jusqu’à agresser leurs contradicteurs plus lucides ou mieux informés. Aujourd’hui, ils tombent de haut. Comme on pouvait s’y attendre, le pragmatisme électoral est en passe d’avoir raison de la belle solidarité affichée il n’y a pas si longtemps devant les médias par Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent. Aux virulentes attaques du premier contre François Hollande ou Manuel Valls, le second répond par un recadrage ferme, refusant le jeudi 22 août dans Libération « la provocation et l’invective » du leader officiel du Front de Gauche. Pire aux yeux de Mélenchon : Laurent, conformément à ce qui se dessinait depuis des mois, appelle clairement les membres du PC, et plus largement ceux du FdG, à nouer des alliances avec le PS dès le 1er tour des Municipales. L’enjeu : garder au vieux parti de la place du Colonel Fabien ses positions locales. Une nécessité vitale pour éviter au Parti Communiste de sombrer dans un avenir groupusculaire au côté du NPA et de LO. Très remonté, Mélenchon a qualifié Laurent de « tireur dans le dos », ce dont ce dernier n’a cure, malgré la perspective probable d’un accord de façade aux Estivales du Front de Gauche. Bref, le torchon brûle. Mélenchon pourra-t-il rester à la tête du FdG ? L’avenir le dira, mais il est un fait que son propre mouvement, le Parti de Gauche, fait actuellement des appels du pied aux écologistes d’EELV en vue des prochaines échéances électorales. Sans doute en pure perte...

L’automne sera passionnant pour les observateurs, les éditorialistes et les politologues. Il sera nettement moins attractif pour tous ceux que la grande comédie politique et les immenses déceptions qu’elle ne cesse d’engendrer contribueront à écœurer toujours plus dans un climat de crise persistante et de régression sociale. Les Français valent mieux que cela. Tôt ou tard, ils le feront savoir bruyamment.


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