Retour à la présidence

par Sylvain Rakotoarison
lundi 1er décembre 2014

L’UMP va bientôt laisser place à un nouveau parti pour la France. Nicolas Sarkozy sera-t-il suivi par des militants de plus en plus dubitatifs ?



Ce n’est pas un 18 brumaire ni un 2 décembre, mais la date n’en est pas loin : le 29 novembre, c’était l’anniversaire de Jacques Chirac, 82 ans exactement, et une sortie récente pour sa Fondation, honoré par son successeur corrézien, François Hollande, et son fidèle proche, Alain Juppé.


Une mécanique anti-FN ?

Jacques Chirac a été aussi l’inspirateur sinon le fondateur de l’UMP le 23 avril 2002. Profitant du tremblement de terre qu’a constitué la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, il avait réussi à piéger une grande partie des élus centristes de l’UDF dans la nasse d’un RPR relooké en "Union pour la majorité présidentielle" puis en "Union pour un mouvement populaire", le "populaire" n’ayant qu’un rapport européen pour se référer au PPE, Parti populaire européen (centre droit), dont l’UMP est membre sur la scène européenne. D’ailleurs, qui sait, en France, que le président actuel du PPE est un Français, Joseph Daul ?

Douze ans et demi plus tard, la probabilité pour que le FN soit au second tour de la prochaine élection présidentielle est très forte, et la plupart des centristes (de Jean-Louis Borloo à Pierre Méhaignerie, de Philippe Douste-Blazy à André Rossinot, etc.) se sont retirés plus ou moins discrètement d’un parti devenu de plus en plus droitier et décomplexé.

Cette droitisation avait été opérée il y a dix ans, le 28 novembre 2004, lorsque, pressé de quitter la scène politique pour des raisons judiciaires, Alain Juppé avait dû laisser l’UMP à Nicolas Sarkozy qui en avait fait un parti de masse, véritable machine électorale. Depuis son échec du 6 mai 2012, l’UMP était en jachère, ruinée et engluée dans des divisions internes que la droite et le centre ont bien connues depuis au moins une quarantaine d’années.


100 159 sarkozystes

C’était donc sans surprise que Nicolas Sarkozy a été élu président de l’UMP ce samedi 29 novembre 2014 par 100 159 adhérents.

La surprise, soulignée par tous les médias, c’est son très faible score : 64,5%, ce n’était même pas deux adhérents sur trois, et encore, en ne comptant que les suffrages exprimés, car si l’on comptait en nombre total d’encartés, on s’écroulerait à 37% de soutien actif, ce qui est très loin du score de 85,1% de 2004.



Paradoxalement, le vainqueur médiatique est l’un des perdants, Bruno Le Maire, qui a réuni près de 30% des votants (les résultats complets ici). Il réussit ainsi une performance qu’on pourrait mettre en parallèle avec les 17% obtenus par Arnaud Montebourg à la primaire socialiste du 9 octobre 2011.

On peut donc imaginer sans trop de difficulté que Bruno Le Maire va être incontournable dans le cas où l’UMP reviendrait au pouvoir prochainement, et il pourra toujours se prévaloir du courage, du renouveau et du poids électoral qu’il représente désormais par rapport à d’autres leaders qui n’auront pas été jusqu’au bout, que ce soit Jean-François Copé, François Fillon, ou François Baroin, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, Nathalie Kosciusko-Morizet, etc.

Pour l’UMP, le médiocre score de Nicolas Sarkozy ne sera qu’une péripétie vite oubliée. L’essentiel pour lui, c’est qu’il dirige de nouveau l’UMP, devenant lui aussi incontournable dans le débat politique, malgré une grande partie de sympathisants sondés qui préféreraient son silence postélectoral. On voit d’ailleurs arriver quelques allégeances nouvelles qui ne manqueront pas de se multiplier au fil des mois et au fur et à mesure que la présence médiatique de Nicolas Sarkozy sera banalisée.


Pour autant, la candidature de Nicolas Sarkozy à l’élection présidentielle de 2017 est-elle inéluctable ? Bien sûr que non. D’une part, les sondages sont encore beaucoup trop négatifs pour espérer amorcer une dynamique, même si à trente mois de l’élection, tout peut évoluer. D’autre part, les incertitudes judiciaires vont rendre la tâche difficile sinon impossible pour délivrer des messages politiques sans générer de pollution médiatique sur son propre passé.


VGE aussi a aussi présidé un grand parti après l’Élysée

Le parallèle avec Valéry Giscard d’Estaing reste toujours tentant. Comme VGE, Nicolas Sarkozy a été élu assez jeune Président de la République. Et dès la première candidature, au contraire de ses deux prédécesseur. Et comme lui, il a quitté l’Élysée (après un échec) assez jeune, à 55 ans pour VGE en 1981 et à 57 ans pour Nicolas Sarkozy en 2012.

Comme on le sait, Valéry Giscard d’Estaing n’a jamais pu reconquérir le cœur des Français parce qu’il n’avait jamais pu se retrouver en position d’être candidat à l’élection présidentielle, tant en 1988 à cause de la forte popularité de Raymond Barre qu’en 1995 à cause de la rivalité entre Édouard Balladur et Jacques Chirac qui occupait tout l’espace politique.



Pourtant, bien avant Nicolas Sarkozy, Valéry Giscard d’Estaing avait cru utile de redevenir chef de parti, en se faisant élire président de l’UDF lors du conseil national de l’UDF réuni le 30 juin 1988. À l’époque, Jean Lecanuet dirigeait l’UDF et après l’échec de Raymond Barre et l’échec aux élections législatives de juin 1988, il avait accepté de démissionner. Valéry Giscard d’Estaing fut donc élu président de l’UDF à l’unanimité, par acclamation, plébiscité par toutes les composantes de l’UDF, en particulier par Pierre Méhaignerie (président du Centre des démocrates sociaux), François Léotard (président du Parti républicain) et André Rossinot (président du Parti radical).

À l’époque, l’UDF comptait 131 députés et 70 sénateurs. Valéry Giscard d’Estaing avait alors l’ambition d’en faire une force majeure de l’opposition après la réélection de François Mitterrand. Aux élections législatives de mars 1993, il était presque parvenu à son objectif en faisant élire 215 députés (le RPR 252), ce qui a hissé l’UDF au rang de deuxième formation politique de France, à son plus haut niveau historique.

Malgré ce succès électoral, Valéry Giscard d’Estaing, non seulement n’a jamais réussi à redevenir un candidat crédible à l’élection présidentielle, mais a rendu très difficile toute nouvelle candidature présidentielle issue de l’UDF, que ce soit celle de François Léotard, François Bayrou ou encore Alain Madelin (30,2%) dont il a soutenu la candidature à la présidence de l’UDF face à François Léotard (57,4%) le 31 mars 1996. Pour l’unique fois de l’histoire de la Ve République, aucun candidat centriste n’était présent au premier tour de l’élection présidentielle de 1995.


L’habile comité Théodule des ex

Le retour de Nicolas Sarkozy à la présidence de l’UMP aura-t-elle les mêmes déconvenues ? Peut-être. Dans un entretien au journal de 20 heures sur TF1 ce dimanche 30 novembre 2014, Nicolas Sarkozy a insisté sur sa volonté de jouer collectif : « Je n’ai pas l’intention de conduire cette formation seul. » en annonçant habilement à Claire Chazal un nouvel organe consultatif : « Je créerai un conseil des anciens Premiers Ministres, Dominique de Villepin a accepté d’en faire partie. ». C’est d’autant plus habile que Bruno Le Maire (qu’il verra dès lundi 9 heures) a été le directeur de cabinet de Dominique de Villepin quand ce dernier était à Matignon.



La question sera de savoir si Alain Juppé et François Fillon, également anciens Premiers Ministres, en feront partie. Pour Édouard Balladur et Jean-Pierre Raffarin (qui déjeunera le 1er décembre 2014 avec Nicolas Sarkozy), la question ne se posera sans doute pas car la réponse paraît assez évidente. Édouard Philippe, député-maire du Havre et proche d’Alain Juppé, a déjà annoncé que l’essentiel serait de savoir ce qu’il s’était exactement passé en 2012 à l’UMP, sur son organisation interne et sur ses finances.


Changer… au profit de quel projet d’avenir ?

Pendant ce temps, Marine Le Pen a fait le plein chez ses militants, en se faisant comme prévu réélire présidente du Front national le 29 novembre 2014 lors de son congrès à Lyon, avec un score défiant toute concurrence : 100% ! L’élément plus intéressant, c’était que Marion Maréchal-Le Pen va devenir une députée de plus en plus encombrante pour sa tante, plébiscitée par les militants du FN, et devançant largement le penseur idéologique de Marine Le Pen, à savoir l’ancien chevènementiste et énarque Florian Philippot.

Dans le même week-end, deux partis qui se disputent le leadership de l’opposition à François Hollande et Manuel Valls se sont dotés d’une nouvelle direction pour aborder les élections départementales et régionales de 2015, mais aussi …les élections présidentielle et législatives de 2017. Mais l’UDI pourrait présenter une "alternative" à ce jeu de muscles.


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (1er décembre 2014)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Vers la resarkozysation de l'UMP ?
Résultat du vote UMP du 29 novembre 2014.
Valéry Giscard d'Estaing.
Jean Lecauet, la fin des illusions.
La France est-elle libérale ?
La lepénisation des esprits.
L’UMP.
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