Retrait du CPE : une défaite pour tous ?

par stephane rossard
jeudi 13 avril 2006

Avec le retrait pur et simple du contrat première embauche, les syndicats, les associations d’étudiants et le Parti socialiste crient victoire. C’est vite dit. Car à long terme, tout le monde en sort défait.

Que peut-on écrire, dire d’autre qu’on n’ait pas déjà dit, dix, cent, mille fois, face à ce spectacle désolant d’un pouvoir qui, une fois de plus, a cédé à la pression de la rue, a capitulé face aux forces corporatistes qui depuis trente ans n’ont qu’un seul leitmotiv : refuser toute réforme. Tel est leur programme. Tel est leur projet d’avenir pour le pays. Des forces corporatistes qui défendent leur pré carré de privilèges et qui, à la longue, fragilisent le pays entier, car elles mettent en difficulté la vaste majorité des ‘’forces vives’’ de la nation.

Les syndicats, les associations d’étudiants, et même le Parti socialiste crient victoire. A la bonne heure ! Mais quel est leur plan de rechange, leur plan B face au CPE, par exemple, afin de résoudre le dramatique problème du chômage des jeunes ? Impossible de le savoir. Car mis à part s’opposer, et demander la démission du Premier ministre, nulle proposition concrète, nulle solution nouvelle ne sort de ce tonnerre de mécontentement, pour faire avancer leschmilblick, comme l’aurait dit en son temps Coluche.

Certes, il faut reconnaître que ce projet, comme l’a écrit Lionel Jospin dans une tribune publiée récemment dans le quotidien Le Monde, " a été mal conçu et mal conduit". Les jeunes ont eu raison de donner de la voix. En agissant aussi maladroitement, le Premier ministre a hélas condamné toute réforme digne de ce nom d’ici mai 2007, voire fin 2007, le temps que la nouvelle équipe présidentielle se mette en place  ! La France va donc prendre du retard, une fois de plus !

Cependant, ce retrait est une victoire pour qui ? Pour les syndicats, qui ont retrouvé par la grâce d’un faux pas du Premier ministre leur unité ? Mais pour combien de temps ? Une unité qui s’écaillera probablement dès le soufflet du CPE retombé. Pour les étudiants ? Mais à part exiger le retrait du CPE, quelle vision de l’avenir offrent leurs représentants, censés les défendre ? Quel projet de société proposent-ils sur les dix, vingt ans à venir ? Impossible de le savoir. N’est-ce pas pourtant ce manque de projection dans le futur que ces mêmes représentants reprochent aux responsables politiques ?

Pour le Parti socialiste, qui a soudainement retrouvé la voix ? Une voix à l’unisson. Mais il y a fort à parier que la cacophonie reprendra ses droits, une fois la question du CPE réglée, et que les prétendants replaceront au cœur de leurs préoccupations la présidentielle de 2007.

Pour les jeunes en extrême difficulté, grâce à la nouvelle proposition de loi qui concentre tous ses efforts sur eux ? Mais pourquoi un dispositif de plus qui vient semer encore plus la confusion dans cette jungle déjà proliférante de contrats en tous genres existant déjà ? Il faut ici noter le coût supplémentaire pour l’État, car il s’agit d’une mesure aidée pour inciter les entreprises à embaucher. Mais avec quel argent l’État va-t-il aider, lui qui a les poches complètement vides ? Pas bon signe donc pour le contribuable, qui va voir automatiquement le marteau fiscal frapper plus fort ! Bref, la victoire n’est pas non plus à chercher du côté du contribuable !

L’emploi dans ce cas ? Certes, le CPE aurait probablement eu des effets limités sur l’embauche. Mais il est évident que le marché du travail en France, tel qu’il est, ne peut continuer à fonctionner ainsi indéfiniment. Alors que faire ? Car tôt ou tard, oui, il faudra bien se résigner à le réformer, ainsi que les codes qui le régissent. La France n’a pas le choix. Il serait temps que les Français se le mettent en tête ! Pourquoi, objecterez-vous ? En raison de la mondialisation et de ses conséquences. Voulue ou non, la mondialisation est là et s’impose. S’y opposer, c’est un combat perdu d’avance. C’est se battre contre des moulins.

La solution ? Savoir en tirer les bénéfices en analysant au préalable nos ‘’forces’’ qui nous permettent de tirer notre épingle de ce jeu mondial. C’est possible, car la France a tous les atouts en main pour réussir ce pari de la mondialisation, à l’instar de groupes leaders nationaux dans leur domaine. Mais encore faut-il avoir une approche pédagogique sur la mondialisation, et non démagogique. Encore faut-il que les responsables politiques entreprennent les actions qui armeront efficacement la France face à la mondialisation. Autrement dit, face à ses concurrents.

Au lendemain de ces longues semaines de confrontation, de grèves, de blocages, de manifestations, la France sort une fois de plus affaiblie. Et son image, une fois de plus, a pris un sale coup. Certes, la France dans son histoire en a connu d’autres. Et en connaîtra probablement d’autres. Mais depuis quelque temps, dans les crises (sociales, communautaires, politique désormais), ce qui inquiète, c’est la multiplication, à échéances rapprochées, et l’intensification. Voir la radicalisation et la brutalité des moyens employés pour parvenir à ses fins. Signes d’une exaspération réelle et croissante ? En tous cas, jusqu’à quand, et encore combien de temps la France tiendra-t-elle donc debout face à ces coups de boutoir à répétition ?


Lire l'article complet, et les commentaires